Archives de catégorie : T13 – cc dd ee

il y avait au réfectoire de hautes fenêtres — 1993 (9)

William CliffAutobiographie

32

il y avait au réfectoire de hautes fenêtres
d’où l’on voyait de grands sapins s’élever dans le ciel
et le matin quand la lumière gagnait l’atmosphère
ce ciel et ces sapins prenaient des couleurs surréelles

et en hiver quand la neige habillait ces conifères
de brillante blancheur alors la vue était encor
plus surprenante à cause des mauves que la lumière
frappant la neige des sapins nous envoyait alors

nous regardions ces choses solennelles comme si
elles n’étaient qu’un avant-goût des choses que la vie
plus tard nous ferait découvrir sans penser que plus tard

rien d’aussi beau jamais ne viendrait à notre regard
parce que la beauté ne vient pas de la chose même
mais de l’étonnement de l’oeil qui se pose sur elle

Q59 – T13 – 14s

Des pas coulés dans le bitume ont un éclat de cuivre: — 1990 (3)

Jacques RédaSonnets dublinois

Ulysses

Des pas coulés dans le bitume ont un éclat de cuivre:
Ce sont les traces du héros de ce fameux roman
Qui circule à travers Dublin, l’agite et le délivre
De son destin provincial – étrange monument

Où tous les récits ont trouvé leur aboutissement
Convulsif dans une Odyssée ironiquement  ivre.
Quand on accompagne ces pas, il arrive un moment
Où l’on se demande où l’on va: dans la ville, ou le livre?

Mais bientôt on s’y perd. Un circuit déjà personnel
Se dessine qui vous ramène aux abords d’O’Connell
Bridge où devant la Poste à l’imposante colonnade.

On y discerne des éclats de balle ou de grenade,
Et c’est l’histoire vraie alors, et ses héros de sang,
Qui mêlée à l’imaginaire absorbe le passant.

Q11 – T13 – 14s

Rien de plus attirant, une ville qu’on voit — 1990 (2)

Jacques RédaSonnets dublinois

Une arrivée

Rien de plus attirant, une ville qu’on voit
Apparaître la nuit après qu’un long nuage
Qui semblait essuyer et polir un vitrage
D’horlogerie, a fui sous les ailes. Tout droit

Au fond de cet abîme, on toucherait du doigt
Chaque perle de ces colliers, chaque rouage
Qui sont un carrefour, une rue, une sage
Petite lampe auprès de laquelle s’assoit

Un vivant inconnu mais humain. Il écoute
Le bourdonnement vague où l’on a fait sa route
Sans herbe ni talus, sans asphalte, en volant

Entre la mer obscure et l’astre étincelant.
Et l’on descend enfin, sur des lambeaux de voiles,
Vers un éblouissant pâturage d’étoiles.

Q15 – T13 – disp: 4+4+4+2

Plus que pour moi, la première ironie est là — 1966 (3)

Roland Dubillard Je dirai que je suis tombé


Les peupliers

Plus que pour moi, la première ironie est là
pour le désespoir et pour une autre ironie
qui viendra la croiser et la finir, finie
comme la croix de l’os sur moi se finira:

Je finirai, fini et fermé comme un rat;
Tu te refermeras sur ma vie, et ma vie
sur toi se fermera et sur toi la Folie
abattra ses vautours et rabattra son drap.

Que serons-nous, moi-même et toi-même, étranglés?
Et que deviendrons-nous, nous la Terre, et les blés,
de ce noir, sauront-ils extraire la lumière?

Lumière! il faut pourtant soustraire à cette terre
un peu d’ombre, un peu de soleil, et par milliers
ravir la proie à l’ombre et l’ombre aux peupliers.

Q15 – T13

Un pavillon dans un jardin à l’abandon, — 1963 (7)

Henri Thomas Sous le lien du temps

Les rêves de la fin

Un pavillon dans un jardin à l’abandon,
Je voudrais être fol et que l’on m’y laissât
Faire discrètement ce qui me semble bon,
Et que la mort m’y trouve absent de moi déjà.

Aussi brève la vie et d’aussi louche éclat
Que l’éclair blanchissant dans le carreau profond,
Moi, je lui tirerais l’infaillible harpon
Et je l’amènerais à la force du bras

Devant moi, sur mon seuil et dans le lit défait,
La vie, et je verrais son ventre stupéfait,
Son grouillement de feu, ses poils et ses replis,

Et je serais debout à côté de mon lit,
Survolant de très haut les flaques du rivage,
Distrait, sentant déjà venir une autre image.

Q10 – T13

Comme je descendais les fleuves ravissants — 1956 (3)

Jacques Baron Les quatre temps

Eo rus

Comme je descendais les fleuves ravissants
L’oseille et la laitue prévoyaient le beau temps
Et le toit attendait le nid de l’hirondelle
Et se glissaient la loche et l’escargot fidèle

Sous l’herbe où se trouvait le chemin de l’amour
Balayé par le vent à la fin d’un beau jour
La vigne fleurissant me parlait encore d’elle
A la fin d’un beau jour arrivait l’hirondelle

La première hirondelle qui fait le printemps
Et refuse l’Afrique aux soleils tournoyants
Et ne veut plus croûter le pain des Infidèles

Je ne l’écoutais pas Je mettais tout mon zèle
A distribuer des graines à la basse-cour
Les graines du premier et du dernier amour

Q27 – T13 – y=x : c=a; d=b; e=b’

L’attente aux pieds plats, aux orteils vastes — 1951 (1)

Armen Lubin Sainte patience

Nougats et fumées

L’attente aux pieds plats, aux orteils vastes
L’attente au bord de la route bêtement chaste,
L’attente aux oreilles diaphanes devant ces terres pelées
Que le temps ne débite pas, n’ayant pas su les morceler.

Nul signe de vie, aucune visite, rien de rien!
Ma cigarette qui fume dans la direction bleutée
Prouve que le ciel cède toujours d’un seul côté
Il cède du côté des rêves anciens.

Ah! que l’affaire des chevau-légers vienne sur le tapis.
Que l’affaire des roues de rechange vienne sur le tapis,
Et celle des barreaux de prison devenus nougats,

Sous l’action chaleureuse d’un feu de joie,
Qui n’est plus que le désir incandescent du prisonnier,
Le surplus de temps se déverse dans mon cendrier.

Q57 – T13 – m.irr

Pâle soleil d’oubli, lune de la mémoire, 1947 (8)

Jules Supervielle Oublieuse mémoire

Pâle soleil d’oubli, lune de la mémoire,
Que draines-tu au fond de tes sourdes contrées?
Est-ce donc là ce peu que tu donnes à boire
Ces gouttes d’eau, le vin que je te confiai?

Que vas-tu faire encor de ce beau jour d’été
Toi qui me changes tout quand tu me l’as gâté?
Soit, ne me les rends point tels que je te les donne
Cet air si précieux, ni ces chères personnes.

Que modèlent les jours ta lumière et tes mains,
Refais par-dessus moi les voies du lendemain,
Et mène-moi le cœur dans les champs de vertige

Où l’herbe n’est plus l’herbe et doute de sa tige.
Mais de quoi me plaignais-je, ô légère mémoire …
Qui avait soif. Quelqu’un ne voulait-il pas boire?

Q34 – T13 – disp: 4+4+4+2

Méandres, bleus surgeons de mon verbe quitté, — 1923 (2)

Jean RoyèreQuiétude

Strophe

Méandres, bleus surgeons de mon verbe quitté,
Horizontale nef, vaste suavité,
Dans la feuillée ardente et sur la mer soumise
Jase l’immense erreur de la strophe promise! ….

Quêteuse, qui trahis au toucher de l’aurore
Le spectre rose et or de notre hier sonore,
Ombre encore lovée et dont naîtra le jour,
Exorcise la mort du regret de l’amour!

J’acceptais que l’Azur nous tienne lieu de spasme:
– Ai-je connu vivant, un autre enthousiasme? …. –
Que l’astre nous disperse en un presque univers
Et fasse de nous deux le rythme d’un seul vers,

Qui se love, soleil, sur la vie océane
Et dont saignent le ciel, la mer et la savane!

Q55 – T13 = PL  – disp: 4+4+4+2  – Rimes plates

Tous ces messieurs passent trop vite — 1922 (5)

Mélot du Dy in Le Disque vert

Charlie & Touchstone in the Forest of Arden

Tous ces messieurs passent trop vite
Au gré d’une vue immortelle;
Le mouvement de cette ville
Est difficile à supporter.

Permettez-donc que je vous quitte
Pour m’en aller à la campagne.
Adieu! je veux vivre tranquille.
Le bonheur ne vous comprend pas.

Bonheur de la forêt, le calme…
Mais où fuir ce monde cocasse?
L’arbre même est articulé

Sous l’écorce dissimulé
Un bouffon mime la sagesse;
Quelle forêt de petits gestes!

Q32 – T13 – octo  – certaines rimes approximatives

Dans un numéro de cette revue en l’honneur de Charles Chaplin.