Archives de catégorie : T13 – cc dd ee

Pan, pan, pan! On fait vacarme à ma porte. — 1880 (9)

Narzale Jobert Klimax.

X
Césure après la troisième syllabe
L’autre?

Pan, pan, pan! On fait vacarme à ma porte.
Je surviens. C’est le fils du jardinier,
Un espiègle! En main il tient un panier.
Il me dit: ce sont des fruits que j’apporte.

Je regarde. Au bord se trouve un papier
Du papa: « cher monsieur, je vous exhorte
A goûter deux pommes, nouvelle sorte,
Que, ce soir, je pris sur mon espalier!  »

« Je lis: deux! Mais je n’en trouve plus qu’une,
Dis-je au gars; c’est une demi-fortune.
Qu’as-tu fait de l’autre, aimable fiston?  »

Celui-ci, baissant les yeux et le ton:
« Du délit – mon âme est bien effrayée ..
L’autre… l’autre … en route je l’ai mangée. »

Q15 – T13 – 10s (3+7)

Le fond vert, d’un vert cru de salade de maches, — 1879 (25)

« Fantasio » in Le Tintamarre (novembre)

Croute
Sonnet impressionniste

Le fond vert, d’un vert cru de salade de maches,
Figure une prairie, où des blocs, convulsés
Par un pinceau trop rouge et trop longtemps brossés,
On la prétention folle d’être des vaches.

A droite, au premier plan, s’étalent quelques taches
Très blanches : des maisons, dont les toits empesés
Exhalent vers un ciel aux tons bleus insensés
Une fumée épaisse en compactes panaches.

A gauche, un paysan sur son âne juché.
Le tout fini, soigné, peigné, limé, léché ;
On sent que l’artiste a voulu faire un chef d’œuvre.

– A distance, on croit voir un salmis de hors-d’œuvre :
Beurre, olives, anchois, œufs durs et caviar,
Dans un plat de faux Delft au décor trop criard.

Q15 – T13

Sa barbe est noire, noire, et son front haut, austère, — 1879 (15)

Grenot-Dancourt in L’Hydropathe

Portrait d’Emile Goudeau

Sa barbe est noire, noire, et son front haut, austère,
Son nez est ordinaire et son œil est hagard,
Il a l’esprit alerte et prompt comme un pétard,
L’hydropathe le craint, mais se tait, et vénère.

Il est bavard comme un portier de monastère,
Mais n’aime pas le bruit des autres, et sait l’art
D’apaiser la tempête avec un bolivard
Dont il couvre à propos son crâne âpre et sévère.

Il tient un peu de l’ours et du bâton noueux,
Oh ! c’est qu’un imbécile et moi, cela fait deux,
Dit-il, et devant lui l’hydropathe frissonne.

Il fait des vers qui sont beaux, si beaux que personne
Ne comprend. Il est dur mais noble, zinc, et beau.
Sur nos lèvres son nom vole. Hein ? oui …. c’est Goudeau.

Q15  T13

De ses cris Prométhée emplissait le Caucase; — 1879 (8)

– (Philibert Le Duc, ed) Sonnets curieux et Sonnets célèbres.

Prométhée et le vautour

De ses cris Prométhée emplissait le Caucase;
Et l’éternel vautour, à sa proie acharné,
Plongeant son bec vorace ainsi que dans un vase,
Buvait le sang au flanc du pâle condamné.

Le roc entier tremblait de son faîte à sa base
Sous l’effort convulsif du Titan enchaîné …
Quand tout à coup l’oiseau que la fureur embrase
Releva vers le ciel son long cou décharné.

Et le vautour cria d’une voix lamentable:
– Entendrai-je toujours cet être insupportable
Eternellement geindre et poser en martyr?

Pense-t-il, ici-bas, être seul à souffrir?
Et croît-il que ce soit un grand sujet de joie
De ne manger depuis six mille ans que du foie?

Gabriel Monavon

Q8 – T13

Il retentit Là-Haut sur la lyre des Anges : — 1877 (9)

Narzale Jobert Myosotis à la Vierge

Le nom de Marie
A Madame Albert de Feu

Il retentit Là-Haut sur la lyre des Anges :
Il est né d’un sourire au front de Gabriel.
Nom divin ! qu’il fait bon célébrer tes louanges !
Sur ta lèvre tu mets comme un suave miel !

Le palmier de Cadès, l’encens de l’Idumée,
La fleur de Jéricho, les vignes d’Engaddi,
Le myrrhe, le santal, l’orange parfumée,
N’ont rien de la douceur de ce beau nom redit.

Le ruisseau qui murmure en sa couche d’arène,
Le chant de la colombe au bord de la fontaine,
La brise du printemps qui passe sur les bois ;

Les baumes, les accords, les fleurs, les tendres voix,
Ce qui charme nos sens et notre âme attendrie,
Tout s’efface et s’éteint devant ce nom : Marie !

Q59  T13

L’image me poursuit du fleuve qui sépare — 1875 (5)

Armand Silvestre Poésies

Sonnets païens, XVII

L’image me poursuit du fleuve qui sépare
Nos terrestres pays du grand pays des morts.
– Pourquoi boire l’oubli! J’ai vécu sans remords.
Le Léthé seul m’effraye aux portes du Ténare.

J’aurais, sculpteur avide, épuisé le Carrare;
A l’airain le plus pur, à l’onyx le plus rare,
Rosa, j’aurai ravi la forme de ton corps,
Pour la voir se briser en touchant à ses bords …

Non! Non! les Dieux sauront me sauver ta mémoire!
Car, pour charmer les morts, je leur dirai la gloire
De ton col qui se plie, ondulant et nerveux

Comme le col d’un cygne, et de tes longs cheveux,
Dont le flot s’amollit, en baisant tes épaules,
Comme au toucher de l’eau les pleurs vivants des saules!

Q13 – T14

Lorsque j’étais petit, aux baraques des fêtes, — 1872 (28)

Ernest d’HervillyLes baisers

Le Phoque

Lorsque j’étais petit, aux baraques des fêtes,
Bouche ouverte, j’allais admirer le boa,
Et la femme sauvage enlevée à Goa,
Le veau polycéphale et le singe poète.

Mais j’adorais surtout le Phoque, étrange bête
Qu’un faux Anglais montrait en vous disant: moa! …
Avec l’accent des bords de la Bidassoa.
Un Phoque, c’est un chien dans un sac, hors la tête.

Hier, je crus le voir, là-bas, au boulevard.
« Il pince, me dit-on, du théorbe avec art ».
J’entrai. – Las, mes amis, ce n’était plus le même.

C’était bien son grand oeil à la tendresse extrême,
Et sa moustache longue en héros de roman,
Mais il ne disait plus ni papa ni maman.

Q15 – T13

Cinq sous! C’est ruineux! Me demander cinq sous? — 1872 (13)

coll. L’album Zutique

14 zutistes

Propos du cercle

(MERAT)  Cinq sous! C’est ruineux! Me demander cinq sous?
Tas d’insolents! … (PENOUTET)  Mon vieux! Je viens du café Riche;
J’ai vu Catulle … (KECK)   Moi, je voudrais être riche. –
(VERLAINE) Cabaner, de l’eau d’aff!… (H.CROS) messieurs, vous êtes saoûls!

(VALADE) Morbleu, pas tant de bruit! La femme d’en dessous
Accouche… (MIRET) Avez-vous lu l’article sur l’Autriche? …
Dans ma revue?…(MERCIER) Horreur! Messieurs, Cabaner triche
Sur la cantine (CABANER) Je.. ne.. pu.. is répondre à tous!

(GILL) Je ne bois rien, je paye!  Allez chercher à boire,
Voilà dix sous! (A.CROS) Si! Si! Mérat, veuillez m’en croire,
Zutisme est le vrai nom du cercle! (CH.CROS) En vérité,

L’autorité, c’est moi! C’est moi l’autorité ..
(JACQUET) Personne au piano! C’est fâcheux que l’on perde
Son temps, Mercier, jouez le Joyeux Viv…… (RIMBAUD) Ah! merde!

Q15 – T13

D’aspect simple, n’ayant rien de prime-sautier — 1867 (6)

Charles Monselet Les potages Feyeux

Semoule d’Italie

D’aspect simple, n’ayant rien de prime-sautier
La bourgeoise Semoule appelle la faience,
La soupière massive arrondissant sa panse,
Où reluit l’art naïf du Rouen ou du Moustier.

Céréale modeste, ange de bienfaisance,
Elle répand ses dons parmi le monde entier.
L’oncle qui s’en nourrit, trompant mainte espérance,
Refait son estomac et nargue l’héritier.

Robuste au grand-parent et légère à l’adulte,
Dans toutes les maisons elle est l’objet d’un culte.
En fait-on des gâteaux, il faut voir les babys

Devant ce Panthéon spongieux, ébaubis,
Battre gaiement des mains devant leur mère heureuse!
Acte de Florian! Intérieur de Greuze!

Q17 – T13

Aimez toujours, disait votre romance, — 1865 (1)

Valéry Vernier Les filles de minuit

Fier est mon coeur

Aimez toujours, disait votre romance,
Aimez toujours, et nous verrons après;
Et malgré vous, votre air d’insouciance
Raillait vos lèvres, et disait: jamais!

Merci pour moi, Louison, l’expérience
M’a révélé les féminins protêts;
Je ne saurais, à si longue échéance,
Vous adorer, malgré tous vos attraits.

Ses yeux sont beaux: à cette ardente flamme
Facilement on se grillerait l’âme,
Si de dédain on ne se cuirassait.

Fier est mon coeur, comme disait Musset:
De l’abaisser en une attente vaine,
En vérité, non, ce n’est pas la peine

Q8 – T13- déca Ce cousin d’Hugo Vernier (l’auteur, entre autres, du Voyage d’Hiver) nous révèle ceci: « il m’est arrivé d’écrire de la prose à la clarté du jour, je n’ai guère composé de vers que la nuit ». On remarque la césure ‘à l’italienne’ au vers 4.