Archives de catégorie : T14 – ccd ede

Les langages humains, les mots d’une patrie, — 1898 (3)

– Marquis de Pimodan, Duc de Rarecourt  – Les sonnets

Le Golgotha

Les langages humains, les mots d’une patrie,
Les vocables du monde expirent! ….
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……………………………. Roi des Rois
Dieu Tout-Puissant! Jésus va mourir sur la Croix,
Et, tremblante, à ses pieds debout se tient Marie

Et, rétréci d’effroi, le coeur épouvanté
De la Mère, adorant l’Auguste Volonté,
Doit accepter l’horreur immense du Mystère,

Car qu’elle dise: « O Fils! mais ton sang est à moi,
Moi qui te l’ai donné! que m’importe la terre?
Que m’importent les cieux? Ce qu’il me faut: c’est Toi! »

quatrains lacunaires – T14

Son coeur avec ses doigts palpitait sur la lyre, — 1898 (2)

Maurice Deligny & Lucien Gouverneur Doubles sonnets sur singulières rimes

n° 9bis
Hommage à Sappho

Son coeur avec ses doigts palpitait sur la lyre,
Pour éveiller un chant sauvage et presque amer,
Ou sans cesse clamant, plus profond que la mer,
Son amour incompris que nul n’avait pu lire.

L’appel inentendu que lançait son délire,
Embaumé de caresse et tout fleuri de mer –
veilleux et fous baisers, n’en trouvait que de mer-
cenaires chez l’amant qu’elle brûlait d’élire ….

Elle dort maintenant, sous son linceul vermeil,
Encore inapaisée au suprème sommeil,
Et le flot inquiet qui vient battre la roche

Conserve de ses yeux l’attirante phospho-
rescence et pleure, ainsi qu’un éternel reproche,
Dans le rêve des nuits, le grand nom de Sapho.

Q15 – T14 – banv

Muse, écoute les sons envolés de la lyre — 1898 (1)

Maurice Deligny & Lucien Gouverneur Doubles sonnets sur singulières rimes

n° 9 Hommage à Sappho
Pour honorer la grande Poëtesse on a reproduit son divin caprice de couper les mots qui terminent certains vers

Muse, écoute les sons envolés de la lyre
Les accents font courir des frissons sur la mer
Houleuse éperdument. Dans les bois c’est la mer-
veille! et tout, jusqu’au flot, partage son délire.

Aphrodite la brûle; elle est venue élire
Sa demeure en ce corps que l’ouragan amer
Des voluptés mord, sèche et tord; Phaon le mer-
cenaire a saccagé cette âme sans la lire.

Grande amante fluide, ouvre tes flancs phospho-
rescents, tumultueux, à l’ardente Sapho
Qui, pour te posséder, s’élance de la roche!

Elle y croyait dormir un éternel sommeil,
Mais jusqu’en l’avenir, troublant comme un reproche,
Son désir de la chair vibre toujours vermeil.

Q15 – T14 – banv –  quelques fins de vers intra-mot, longtemps, longtemps, longtemps avant Denis Roche et Jean Ristat

Comme s’il éveillait, Juillet, sous une lune, — 1897 (20)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris

Sonnet

Comme s’il éveillait, Juillet, sous une lune,
Quelques fils-de-la-vierge et les paraît d’argent,
Voici que tout l’été (déjà lui !) submergeant
Ton front pur, de cheveux gris te pare, ma brune.

Et malgré moi, je songe aux futures parures
Dont le ciel, exauçant plus tard mon vœu galant
Ornera ta beauté. Moins que ton cœur si blanc,
Blanche sera ta neige à l’ombre des guipures.

Oh ! tu seras, jolie encor, coiffée ainsi :
Tu me rappelleras les soirs de sans souci
Où tes yeux si luisants et tes pommettes roses,

(Vois, je m’en souviens comme si c’était d’hier)
Tu venais, les cheveux poudrés, piqués de roses,
Et ces frimas fleuris feront doux mon hiver

Q49  T14  (sauf si a’=a par assonnance)

Celui-là seul saura sourire, s’il a plu — 1897 (17)

Paul Claudel in ed.pléiade (Premiers Vers)

Celui-là seul saura sourire, s’il a plu
A la Muse elle-même, institutrice et Mère,
De former, lui ouvrant la Lettre et la Grammaire,
Sa lèvre au vers exact et au Mot absolu.

La sécurité de l’office qui l’élut
Rit que rien d’éternel comme rien d’éphémère
N’échappe à la mesure adéquate et sommaire
De la voix qui finit où le verbe conclut.

Gardien pur d’un or fixe où l’aboi vague insulte !
Si, hommage rustique et témoignage occulte,
Sa main cherche quoi prendre au sol pour s’en armer,

Je choisis de casser la branche militaire
Dont la feuille à ton front honore, Mallarmé,
Amère le triomphe, et verte, le mystère.

Q15  T14 – banv –  triste hiatus au vers 4

La lumière avait délié les fleurs d’entre les feuilles; — 1897 (9)

Robert de Souza Sources vers le fleuve

La Lumière

La lumière avait délié les fleurs d’entre les feuilles;
Les feuilles tendaient  leurs petites mains tendues
Suppliantes, au-devant des chenilles velues;
Mais les chèvres renouaient le tout en une touffe, d’une faim qui cueille.

Et les hommes ne sentaient point la vie, espoir et deuil,
Les songes dormaient des femmes étendues nues
Par les gazons qui frisent, et font les chairs moussues,
Pour, sans doute, que d’humbles ombres rases cachent notre orgueil…

Ni les âmes ne connaissent les grandes ailes,
Ni les coeurs la volonté de leurs appels,
Seules les bouches s’ouvraient au plaisir d’être nées;

C’était l’attente vague des existences,
Qui ne sentaient pas quand les aurait enfin créées,
La Lumière qui relie toutes choses- par qui l’on pense.

Q15 – T14 – banv – m.irr

Je sais qu’un lis s’ouvrit à la saison lointaine: — 1897 (8)

Levet (Le Pavillon ou La Saison de Thomas W. Lance – petit poème cultique)


VI. Hiver
Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide, où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi, plein de tristesse lâche
Un bâteau frêle comme un papillon de mai.

Arthur Rimbaud
La crémerie:

Je sais qu’un lis s’ouvrit à la saison lointaine:
– ô clair matin d’hiver baisez la crémerie
Comme l’agneau du saint approuve de sa laine
Le moine blanc qui pleure à l’autel de Marie.

En tes cheveux – l’ombre dès sa source est tarie! –
Le linceul de mon rêve où tes yeux porcelaine
Rayonnent le néant d’un calme de Germaine,
Neige que ne saurait troubler la laiterie!

Et c’est comme un repos sur des douleurs exquises!
(Ma bouche a murmuré la poudre des marquises
D’ « antan ») – halte future où la fumée émane

Le « Pâle Voyageur, qui, ses armes rongées,
Evoque les blondeurs crémeuses du barman
Sous les palmiers drapés d’antilopes vengées …

THOMAS W. LANCE A DIT.

Q10 – T14

Ce marbre élevé que, hautain, — 1897 (1)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris


A Stéphane Mallarmé

Ce marbre élevé que, hautain,
Tu voiles de nuit à long plis,
Nous garde en rythmes assouplis
Beauté sereine et fier dédain.

Nocturne aux rêves anoblis
De mystère, ta voix soudain
Eveille un idéal jardin
De reflets et d’échos pâlis.

Et je t’offre, moi – non pareilles
Aux fruits si vermeils vers les treilles
Que sont les lueurs du matin,

Ces rimes-ci vol immodeste
Devers ton oeuvre (adamantin
Malgré l’ombre) haut de ton geste.

Q16 – T14 – octo

C’est tout mystère et tout secret et toutes portes — 1896 (12)

– Georges Rodenbach Oeuvres

Pour la gloire de Mallarmé

C’est tout mystère et tout secret et toutes portes
S’ouvrant un peu sur un commencement de soir;
La goutte de soleil dans un diamant noir,
Et l’éclair vif qu’ont les bijoux des reines mortes.

Une forêt de mats disant la mer; des hampes
Attestant des drapeaux qui n’auront pas été;
Rien qu’une rose à suggérer des roses-thé;
Et des jets d’eau soudain baissés, comme des lampes!

Poème! Une relique est dans le reliquaire,
Invisible et pourtant sensible sous le verre
Où les yeux des croyants se sont unis en elle.

Poème! Une clarté qui de soi-même avare,
Scintille, intermittente afin d’être éternelle;
Et c’est, dans de la nuit, les feux tournants d’un phare!

Q63 – T14