Archives de catégorie : banv

On voit en l’air une maison — 1852 (3)

M. l’Abbé Le Dru in Félix Mouttet: le livre des jeux d’esprit

Enigme 35

On voit en l’air une maison
Qui peut passer pour labyrinthe,
Où ceux qui cheminent sans crainte
Sont arrêtés en trahison.

C’est une fatale prison,
Un lieu de gêne et de contrainte,
Où leur pauvre vie est éteinte
Par un monstre plein de poison.

Sa malice est ingénieuse,
Et de Vulcain la main faucheuse
Dresse des pièges moins subtils;

Son art de bâtir est extrême,
Et sa matière et ses outils
Se rencontrent tous en lui-même.

Q15 – T14  octo Solution: l’araignée

La nature est un livre où notre âme attendrie — 1850 (9)

Louis Dureau Poésies

Sonnet

La nature est un livre où notre âme attendrie
Peut lire sans effort de divines leçons :
Le ruisseau coule et dit : hommes, flots, nous passons :
L’oiseau nous dit : priez, quand sa voix chante et prie.

Quels doux enseignements dans une fleur flétrie,
Dans la rosée, et dans l’aurore et ses rayons ! …
Sur la pervenche bleue, au matin nous voyons
La goutte d’eau briller comme une pierrerie.

Dans leur frêle union, la rosée et la fleur
Confondent leur éclat, leur grâce et leur couleur ;
Mais quand l’une se meurt sur sa tige brisée,

L’autre en vapeur de feu monte au foyer du jour :
Abandonnant ainsi sa dépouille épuisée,
Mon ame montera vers Dieu, soleil d’amour.

Q15  T14 – banv

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E.M.P. Laas d’Agen Dictionnaire portatif … – le sonnet se compose rigoureusement de deux strophes de quatre, et de deux strophes de trois vers ; le tout en rimes croisées, la première féminine. Du reste, le poète peut choisir la mesure qui lui convient, pourvu qu’il la conserve jusqu’à la fin.

Le sonnet peut être en vers de douze, de dix, de huit ou de sept syllabes, mais les sujets nobles et sérieux n’admettent que le vers de douze, ou alexandrin.

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O chêne hospitalier ! dont le front séculaire — 1850 (8)

Juste-Urbanie Auvert Les primevères et les soucis

Le chêne

O chêne hospitalier ! dont le front séculaire
S’élance vers les cieux, et dont l’ombrage épais
Couronne ce vallon de fraîcheur et de paix,
Que j’aime à rechercher ton abri tutélaire !

Le voyageur y goute un repos salutaire
Qui n’a de ta bonté ressenti les effets ?
Et moi me souvenant toujours de tes bienfaits,
Je reviendrai m’asseoir sous ton toit solitaire.

Oui, je me plais à voir reverdir, au printemps,
Tes rameaux protecteurs, respectés des autans,
Oh ! que de ton beau tronc n’approche la cognée !

Que ne t’assaillent pas les rigueurs du destin !
Et que ta cime soit de la foudre épargnée !
Que le soir de tes ans ressemble à leur matin !

Q15  T14 – banv

O doux baiser, qu’au milieu des alarmes, — 1847 (6)

Gabriel Monavon Jeunes fleurs

Un baiser

O doux baiser, qu’au milieu des alarmes,
J’osai ravir au sein de la beauté,
Riant larçin, trésor de volupté,
Dont les périls ont redoublé les charmes.

A tes élans, pour opposer des armes,
La crainte en vain s’unit à la fierté,
Tu sus t’ouvrir un passage enchanté,
Et la pudeur t’a pardonné ses larmes.

O doux baiser ! tendre espoir d’un amant,
Sois le prélude et le gage charmant
Des biens promis à ma flamme discrète.

Sur ce beau sein que tu pris en vainqueur,
Laisse à jamais ton empreinte secrète,
Et sois le sceau des mystères du cœur.

Q15  T14  déca – banv

Amazone aux reins forts, solide centauresse, — 1847 (2)

Théodore de Banville Le sang de la coupe

Amazone nue

Amazone aux reins forts, solide centauresse,
Tu tiens par les cheveux, sans mors et sans lien,
Ton cheval de Titan, monstre thessalien;
Ta cuisse avec fureur le dompte et le caresse.

On voit voler au vent sa crinière et sa tresse.
Le superbe coursier t’obéit comme un chien,
Et rien n’arrêterait dans son calme païen
Ton corps, bâti de rocs comme une forteresse.

Franchissant d’un seul bond les antres effrayés,
Vous frappez du sabot, dans les bois non frayés,
Les pâtres chevelus et les troupeaux qui bêlent.

Toi, Nymphe, sans tunique, et ton cheval sans mors,
Vos flancs restent collés et vos croupes se mêlent,
Solide centauresse, amazone aux reins forts!

Q15 – T14 – banv

Avignon, tu charmais les jours de mon enfance, — 1846 (10)

Philippe d’Arbaud-Jouques Idylles antiques et sonnets

XII

Avignon, tu charmais les jours de mon enfance,
Quand d’une aïeule, heureux, je revoyais le seuil,
Et le Rhône flattait des bruits de son écueil,
Par sa mère conduit, l’enfant de la Durance.

Aujourd’hui, dans tes murs, étranger je m’avance,
Car ses remparts ont vu mon aïeule au cercueil,
Hélas ! depuis ce jour ton différent accueil
Glace en moi du passé la douce souvenance.

Bel âge, où, de la vie hôtes encor nouveaux,
Entre-voyant ses biens, nous ignorons ses maux !
Partout d’un jour serein je croyais voir l’aurore.

N’avez-vous plus, beaux lieux auxquels j’ai tant songé ,
Ce charme ? …. quel séjour me l’offrirait encore ?
L’illusion n’est plus, et le monde est changé.

Q15  T14 – banv

O lecteur ! tu n’es pas sans avoir fait ce rêve : — 1846 (8)

Alphonse Esquiros Les vierges martyres

Le puits

O lecteur ! tu n’es pas sans avoir fait ce rêve :
Le long d’un escalier je suivais mon chemin ;
Sans balustre de fer pour appuyer ma main,
Je descendais à l’heure où la lune se lève.

Le voyage était long, sans soleil et sans trève ;
C’était toujours hier, c’était toujours demain :
Près de moi j’entendais marcher le genre humain
Comme un troupeau sans maître et perdu sur la grève.

Je disais à mon ame : Allons-nous en enfer ?
Ma lampe s’éteignait comme n’ayant plus d’air ;
Tout était à l’entour d’un gris couleur de cendre.

La science est ce puits éternel et profond ;
Et, depuis six mille ans que l’on sue à descendre,
Nul encor ne peut dire en avoir vu le fond.

Q15  T14 – banv

Dans ce vaste tombeau qui porte jusqu’aux cieux — 1845 (9)

Jules Ravier œuvres

Sonnet à Jacques Delille

Dans ce vaste tombeau qui porte jusqu’aux cieux
La force des guerriers, la gloire du génie,
Je parcourais un jour, plein de mélancolie,
De ses sombres piliers les plis majestueux.

Et tremblant, je sondais ce séjour ténébreux,
Guidé par la lueur d’une faible bougie.
Mais que vois-je ? un flambeau dont le feu s’irradie
A vous ! Rousseau, Voltaire, interprètes des dieux.

Les genoux et le front inclinés vers la terre,
Leur mémoire aussitôt inspire ma prière,
Qui rendit à l’écho ce penser de mon cœur :

Si tu sais rendre hommage à celui, noble France,
Dont l’esprit te laissa des marques de grandeur,
Delille a tous les droits à ta reconnaissance.

Q15  T14 – banv