Archives de catégorie : formules principales

Quitte le restaurant discret, où vous soupâtes, — 1879 (14)

Jules Jouy in l’Hydropathe

Sonnet-programme

Quitte le restaurant discret, où vous soupâtes,
Niniche et toi, bourgeois vide et prétentieux,
Profitant du lorgnon que le vin sur tes yeux
Pose, viens avec moi t’asseoir aux Hydropathes.

Pourtant, avant d’entrer, un mot: que tu t’épates
Ou non, garde-toi bien de mots sentencieux
Devant ce défilé de profils curieux:
L’endroit est sans façons, on n’y fait point d’épate.

Certes, ne t’attends pas à trouver un goût d’eau
Au parlement criard que préside Goudeau,
Laisse à ton nez poilu monter l’encens des pipes;

Et – moins sot que Louis, aux canons bien égaux
Foudroyant les Teniers et leurs drôles de types –
Du cercle ‘Hydropathesque’ admire les magots.

Q15  T14 – banv

Sur cinq pieds je suis oiseau — 1879 (12)

L’union littéraire et le Sonnetiste réunis

Arsène Thevenot

Anagramme-Logogriphe

Sur cinq pieds je suis oiseau
D’une grande renommée,
Ou bien du poisson dans l’eau
La qualité présumée.

Puis sur quatre, de nouveau
Je redeviens emplumée
Mais quand j’affecte la peau
Je suis assez mal famée

Sur trois au sein de la mer
On me voit grande ou petite,
Et plus d’un peuple m’habite.

Ou je suis breuvage amer
Que l’on verse à la taverne:
Vois, lecteur, si je te berne.

Q8 – T30 – 7s

Solution d’Alain Chevrier:

Sur cinq pieds je suis oiseau = AIGLE
D’une grande renommée,
Ou bien du poisson dans l’eau
La qualité présumée. = AGILE
Puis sur quatre, de nouveau
Je redeviens emplumée = AILE
Mais quand j’affecte la peau
Je suis assez mal famée = GALE
Sur trois au sein de la mer
On me voit grande ou petite,
Et plus d’un peuple m’habite. = ILE
Ou je suis breuvage amer
Que l’on verse à la taverne: = ALE
Vois, lecteur, si je te berne.

En résumé :

Aigle, agile, aile, gale, île, ale.

Enfant, il se plaisait à torturer les chats — 1879 (11)

L’union littéraire et le Sonnetiste réunis

Maurice Rollinat

Le mouchard

Enfant, il se plaisait à torturer les chats
Et leur tirait les yeux avec ses ongles sales;
Il bafouait son père et couvrait de crachats
Sa mère ayant pour lui des bontés colossales.

Jeune homme, au lupanar, artiste en entrechats,
Il faisait le pantin dans les ignobles salles;
La débauche et le vin formaient tous ses achats;
Son oeil avait déjà des lueurs transversales.

Homme, il s’est marié pour exercer son poing,
Et tandis que sa femme, hélas!, ne mangeait point,
Lui, se gorgeait sans honte avec des catins saoûles.

On le voit aujourd’hui moins fréquemment pochard.
Il passe cauteleux dans l’ombre et dans les foules:
C’est que l’affreux ivrogne est devenu mouchard.

Q8 – T14

A Pistoie, en m’éveillant — 1879 (9)

– (Philibert Le Duc, ed) Sonnets curieux et Sonnets célèbres.

Italiam! Italiam!

A Pistoie, en m’éveillant
Un prurit soudain m’offusque;
Certain insecte grouillant
Vint-il pas se poser jusque

Où mon cou est plus saillant.
Je le saisis d’un air brusque!
Mais je dis en souriant:
« Hé! C’est la punaise étrusque!!

Petit insecte rageur,
Je ne suis qu’un voyageur,
Cherche ailleurs, cherche ta voie! »

Je dis, et posai sans bruit
Dessus la table de nuit
La punaise de Pistoie!

Charles Monselet

Q8 – T15 -7s

Rien n’est plus ennuyeux que ces villes banales — 1879 (5)

Albert GlatignyOeuvres

Rien n’est plus ennuyeux que ces villes banales
Débitant du soleil à faux poids, ou des eaux
Qui doivent éclairer nos muscles et nos os,
Pays d’albums usés, stations hivernales.

Des princes vagabonds illustrent leurs annales;
Les hôteliers hargneux combinent des réseaux,
Et l’on voit fuir au loin la joie et les oiseaux
Devant de laids bourgeois livrés aux saturnales.

Mais qu’un jour le hasard, généreux quelquefois,
Fasse se rencontrer dans ces hôtelleries
Deux amoureux de vers et de rimes fleuries,

Tout s’égaye aussitôt: on voit germer des bois
Sur le trottoir fangeux, et les Muses fidèles
Font taire les bruits épars à grands coups d’ailes.

Q15 – T30

La route est gaie. On est descendu. Les chevaux — 1879 (4)

Albert GlatignyOeuvres

Halte de comédiens

La route est gaie. On est descendu. Les chevaux
Soufflent devant l’auberge. On voit sur la voiture
Des objets singuliers jetés à l’aventure:
Des loques, une pique avec de vieux chapeaux.

Une femme, en riant, écoute les propos
Amoureux d’un grand drôle à la maigre structure;
Le père noble boit et le conducteur jure;
Le village s’émeut de ces profils nouveaux.

En route! et l’on repart. L’un sur l’impériale
Laisse pendre une jambe exagérée. Au loin
Le soleil luit, et l’air est plein d’odeurs de foin.

Destin rêve, à demi couché sur une malle,
Et le Roman Comique au coin de la forêt
Tourne un chemin rapide et creux, et disparaît.

Q15 – T30

Eh bien, oui! j’aime un plat canaille — 1879 (3)

Albert GlatignyOeuvres

Sonnets spartiates, II

Eh bien, oui! j’aime un plat canaille
Bien mieux que ces combinaisons
Qu’un chef alambique et travaille
Ainsi qu’Enili ses poisons,

Sur le banc de bois où me raille
Le merle chantant aux buissons,
Le cabaret et sa muraille
Que charbonnent les polissons.

Là, je vois des vins populaires
Où Suresnes met ses colères
Et qui font le nez bourgeonné,

Et, pour irriter la fringale,
Cyniquement je me régale
D’un plat de hareng mariné.

Q8 – T15 – octo

La table étincelait. Un tas de bonnes choses — 1879 (2)

Albert GlatignyOeuvres

Sonnets spartiates, I

La table étincelait. Un tas de bonnes choses
Chargeait la noble nappe. On y voyait des mets
Etiquetés de noms savants, chers aux gourmets.
Les crûs fameux brillaient, transparents, blancs et roses.

Sous un prétexte aucun, mes yeux n’avaient jamais
Touché même de loin à ces plats grandioses,
Et cependant mon front, voilé d’ombres moroses,
Montrait que ce n’était point là ce que j’aimais.

« Tu te voudrais sans doute au fond de tes gargotes,
Dans un bouillon Duval, près d’une portion
De lapin contestable ou de boeuf aux carottes,

Misérable! » me dit tout haut l’amphitryon.
Tout tremblant du courroux qu’il ne faisait paraître.
Et moi, je répondis tranquillement: « Peut-être! ».

Q15 – T23

Les homards affamés hurlaient dans leur prison; — 1879 (1)

Albert GlatignyOeuvres

Monselet dévoré par les homards

Les homards affamés hurlaient dans leur prison;
Leurs yeux inquiétants avaient des lueurs fauves,
Leurs compagnes au fond des humides alcôves
Semblaient fuir le soleil sanglant à l’horizon.

Les huîtres tressaillaient, en proie au noir frisson;
Les scorpions de mer s’accrochaient aux rocs chauves,
Et toi, Foi qui toujours nous gardes et nous sauves,
Tu te heurtais le front à la sombre cloison. `

Quand Monselet tomba dans l’abîme, les masques
Des monstres de la mer devinrent effrayants,
Et l’on vit s’allumer des regards flamboyants.

Mais la clémence sied aux homards monégasques,
Et ces martyrs que guette un cuisinier cruel
Venaient lécher les pieds du nouveau Daniel.

Q15 – T15