Archives de catégorie : rons

Q15 – T15

C’était comme autrefois ; – ainsi qu’un souvenir — 1830 (7)

Antoine Fontaney d’après Vincent Laisné, L’Arsenal romantique (2002)

A Madame Marie Manessier

C’était comme autrefois ; – ainsi qu’un souvenir
Vous nous apparaissiez le soir, vous étiez belle,
Madame, et nous disions encor : mademoiselle,
Des mots, qu’en souriant vous nous laissiez finir.

Et bien qu’à votre époux seul puisse appartenir,
Votre âme dont le feu luit dans vos prunelles,
Bien que l’amour tous deux vous a pris sous son aile,
Ce passé vers son cœur doit aussi revenir.

Car vous aviez encor la simple robe blanche,
Le collier noir qu’au bal vous mettiez le dimanche ;
Le piano réveillé se plaignait à vos doigts.

Vous nous chantiez vos airs dont la vive cadence
Avait fait oublier souvent jusqu’à la danse,
Et nous étions ravis ; – c’était comme autrefois .

Q15  T15

Aux flots de l’océan je viens de me livrer, — 1830 (6)

Auguste Demesney Les solitudes

Sonnet

à M. Charles Nodier

Aux flots de l’océan je viens de me livrer,
Tout craintif à l’aspect des écueils qu’il présente.
Vieux marin, je t’appelle. Ah! que ta main puissante
M’empêche, encore au port, déjà de chavirer.

Par l’appât de la gloire on se laisse égarer ;
Le ciel nous paraît pur et l’onde caressante :
On part … Hélas! Bientôt une voix menaçante
Annonce la tempête … et l’on voudrait rentrer.

Il est trop tard. Sur nous s’en vient fondre l’orage ;
La rame nous échappe, et le cœur sans courage
Prévoit déjà l’abîme où l’on va s’engloutir.

Nodier, toi qui toujours eus pour ta blanche voile,
Dans les jours de bourrasque, au ciel même une étoile,
Sans me tendre la main me verras-tu périr ? …

Q15 – T15

Où vous prosternez-vous, grandeurs qui nous trompiez? — 1830 (5)

A. Fontaney – in Keepsake français

La princesse et les pèlerins

Où vous prosternez-vous, grandeurs qui nous trompiez?
Mettions-nous un faux poids dans la balance humaine?
Le cilice a paru sous la pourpre romaine,
Et le pauvre à son tour monte sur les trépieds.

Que d’orgueils en un jour pour le monde expiés!
Voici le saint jeudi de la sainte semaine,
Pélerins fatigués, venez, qu’on vous amène,
C’est une Doria qui veut laver vos pieds.

Répandant à la fois des parfums et des larmes,
Sous leur double nuage elle voile ses charmes,
Et courbe à vos genoux son front avec ferveur.

Que son humilité cependant en soit fière;
Elle a couvert ses doigts de la même poussière
Que daigna de ses mains essuyer le Sauveur.

Q15 – T15

Keepsake « recueilli par M. J-B-A Soulié, conservateur à la bibliothèque de l’Arsenal « 

Quand l’avenir pour moi n’a pas une espérance, — 1829 (6)

Sainte Beuve

Quand l’avenir pour moi n’a pas une espérance,
Quand pour moi le passé n’a pas un souvenir,
Où puisse, dans son vol qu’elle a peine à finir,
Un instant se poser mon Ame en défaillance;

Quand un jour pur jamais n’a lui sur mon enfance,
Et qu’à vingt ans ont fui, pour ne plus revenir,
L’Amour aux ailes d’or, que je croyais tenir,
Et la Gloire emportant les hymnes de la France.

Quand la Pauvreté seule, au sortir du berceau,
M’a pour toujours marqué de son terrible sceau,
Qu’elle a brisé mes voeux, enchaîné ma jeunesse ,

Pourquoi ne pas mourir? de ce monde trompeur
Pourquoi ne pas sortir sans colère et sans peur,
Comme on laisse un ami qui tient mal sa promesse?

Q15 – T15

A toi, Ronsard, à toi, qu’un sort injurieux — 1829 (4)

Sainte Beuve mis dans l’exemplaire des Oeuvres de Ronsard offert à Victor Hugo à l’occasion de son mariage

A Ronsard

A toi, Ronsard, à toi, qu’un sort injurieux
Depuis deux siècles livre aux mépris de l’histoire,
J’élève de mes mains l’autel expiatoire
Qui te purifiera d’un arrêt odieux.

Non que j’espère encore, au trône radieux
D’où jadis tu régnais, replacer ta mémoire;
Tu ne peux ici-bas remonter à ta gloire;
Vulcain impunément ne tomba point des Cieux.

Mais qu’un peu de pitié console enfin tes mânes;
Que, déchiré longtemps par des rires profanes,
Ton nom, d’abord fameux, recouvre un peu d’honneur!

Qu’on dise: il osa trop, mais l’audace était belle;
Il lassa, sans la vaincre, une langue rebelle,
Et de moins grands, depuis, ont eu plus de bonheur.

Q15 – T15

Sur un trône plus haut encor, viens te placer; — 1829 (3)

A. Fontaney mis dans l’exemplaire des Oeuvres de Ronsard offert à Victor Hugo à l’occasion de son mariage

Sur un trône plus haut encor, viens te placer;
Tu l’avais dit: Ton sceptre, ô Victor, c’est ta lyre.
Les insensés pourtant, quel était leur délire!
Avaient cru que son poids te dût sitôt lasser!

Quoi! sur ton char de gloire en te voyant passer,
Par cet appât vulgaire ils pensaient te séduire,
Et que, dans ton chemin, cet or qu’ils faisaient luire,
Comme un prix de tes chants tu l’irais ramasser!

Majesté du génie, à toi le diadème
Radieux, éternel; tu l’as conquis toi-même,
Et tu sais le porter, et tu ne le vends pas!

Qu’ils tremblent de fouler ces domaines de l’âme,
Tes royaumes, volcans assoupis, dont la flamme
A ta voix, en Etans, jaillirait sous leurs pas.

Q15 – T15

De la gloire du Christ a grandi l’horizon. — 1824 (1)

Hippolyte Thomas Sonnets

C’est le premier exemple que j’ai trouvé, au dix-neuvième siècle, d’un livre de poésies, publié à Paris, ayant Sonnets pour titre et constitué entièrement et uniquement de sonnets. Il y en a 42, divisés en deux livres (20+22). De ce Thomas là, je ne sais rien et ne suis parvenu à rien savoir. Cinq ans avant le coup d’éclat tant vanté de Sainte-Beuve, il mérite de figurer ici, indépendamment de son talent, maigre.

Fénelon – A un jeune abbé.

De la gloire du Christ a grandi l’horizon.
Que j’aime Fènelon, ce prélat doux, facile,
Qui rajeunit l’Eglise au lait de l’Evangile,
Et console le coeur sans blesser la raison.

Il apprit l’Elysée à ma jeune saison:
Oui, l’homme est sans patrie où Dieu n’a plus asile;
Il meurt sans avenir, et la vertu fragile
Reduit au joug des lois sa stérile moisson.

En vain de ce bon prêtre on proscrit l’éloquence:
Il parle, et naît des Dieux l’infaillible espérance,
Où régnait du chaos le silence éternel.

Des secrets du chrétien sage dépositaire,
Il ramène la paix sur un front adultère,
Et l’athée à sa voix s’avoûrait immortel.

Q15 – T15

Les Grâces, les Amours, les Vertus, les Talens, — 1820 (2)

–  M. Le chevalier Coupé de Saint-Donat in L’almanach des Muses

Les adieux du jeune Paulin

Les Grâces, les Amours, les Vertus, les Talens,
Rien des traits de la Mort, rien ne l’a pu défendre.
Sous sa faulx, la Cruelle, hélas! vient de l’étendre
Comme un arbuste en fleur arraché par les vents.

Tel on dit que le cygne au douloureux accens,
Célèbre son trépas aux rives du Méandre,
Tel au banquet des morts étant près de descendre,
PAULIN, tu modulais ces adieux déchirans:

« Faut-il, si jeune hélas, quitter ma tendre mère! `
Faut-il à dix-sept ans te quitter ô mon père!
Mais, le destin le veut … embrassez votre fils.

ADIEU VOUS DIS!  » Sa main, sur le clavier sonore,
Touche le chant funèbre; et sa voix dit encore:
« Embrassez votre enfant. Je meurs. ADIEU VOUS DIS. »

Q15 – T15

Les derniers mots sont expliqués en note: « A ses derniers moments il voulut exécuter sur le piano une romance dont le refrain est: ADIEU VOUS DIS. »

Le désir insensé d’éterniser son nom — 1818 (4)

M. Le Chevalier Coupé de Saint-Donat in L’almanach des Muses

Sonnet

Le désir insensé d’éterniser son nom
Impose un joug de fer aux mortels qu’il enivre.
Tel consume son temps à pâlir sur un livre,
Tel autre à tous propos affronte le canon.

On se croit un Voltaire, on se croit un Crillon;
C’est la gloire, dit-on, la gloire qu’il faut suivre!
Eh bien donc suivez-la! moi, gaîment je veux vivre.

Pourrais-je après ma mort jouir de mon renom?
Il est plus d’une épine au rosier de la vie.
Mourir pour vivre un jour me semble une folie.

Remplissons nos devoirs, honorons les vertus:
Le bruit tant recherché qui fait la renommée,
Pendant que nous vivons, n’est qu’un peu de fumée,
Et c’est bien moins encor quand nous ne vivons plus.

Q15 – T15 – QTTQ – disp 4+3+3+4

(a.ch) C’est un sonnet-sandwich dont je ne connaissais pas l’existence, bien avant l’auguste Brizeux puis Baudelaire. Son schéma de rimes abba abb acc deed, effectivement « ordinaire », est discrépant par rapport à la répartition en quatrains et tercets QTTQ. Là aussi, ça me paraît une trace de la versification en vers à rimes mêlées des discours narratifs du XVIIIe. Les poètes ultérieurs en tiendront compte en revanche.

Pourquoi tant de sonnets sur points de toute espèce? — 1818 (2)

A. Poujol Galerie de cent tableaux, …

Sur mes sonnets

Pourquoi tant de sonnets sur points de toute espèce?
Sa mesure me plaît; et son cadre charmant
Me tombe sous la main, maintefois, en courant,
Quand de versifier le doux besoin me presse.

Alors qu’il se présente avec l’humble sagesse,
Je le remplis soudain, parfois dans un instant:
Je suis peut-être dur, rustique ou peu brillant;
Je manifeste peu d’ingénieuse adresse.

Le sonnet est l’écueil de tous rimeurs français,
On sait que rarement l’on en voit de parfaits,
Et qu’un seul vaut alors autant qu’un long poème.

Mais, est-ce une raison pour le mettre à l’écart?
A mieux faire avec soin l’on parvient tôt ou tard;
Eh! d’en former sur tout je me suis mis à même.

Q15 – T15 s sur s