Archives de catégorie : Formule entière

Jouez, chérubins, vos jours sont exempts de nuage! — 1880 (14)

Narzale Jobert Klimax

XIII
Césure après la 5ème syllabe
A des enfants

Jouez, chérubins, vos jours sont exempts de nuage!
J’aime à contempler vos yeux brillants, pleins de candeur,
Un Dieu vous bénit et vous dispense le bonheur,
Quand dans nos esprits tout soucieux gronde l’orage.

Oh! qui nous rendra les plaisirs naïfs du jeune âge?
Les espoirs dorés qui palpitent dans notre coeur,
Les baisers si doux de notre mère au front rêveur,
Pour nous composant un avenir au frais mirage?

Riez, chérubins; trop tôt le calice de fiel
Viendra remplacer dans vos mains la coupe de miel,
Que l’Illusion, charmante enchanteresse, habite.

On voit tous les ans la fleur au soleil rajeunir,
Verdoyer l’arbre où l’oiseau musicien médite,
Mais notre printemps à nous ne saurait revenir.

Q15 – T14 – 13s (5+8)

Je connais dans un coin de province un brave homme — 1880 (13)

Narzale Jobert Klimax

XII septies
Césures après les 3ème, 6ème et 9ème syllabe
La croix de l’honneur

Je connais dans un coin de province un brave homme
Qui n’a point inventé le fusil chassepot;
Bon bourgeois, excellent à grossir son magot,
Et faisant, chaque jour, à midi, un long somme.

O surprise! un matin il advient qu’on le nomme
Chevalier. Le journal nous l’apprend aussitôt.
Vous pensez si chacun là-dessus dit son mot!
Le pays caquetait, il fallait ouïr comme!

Un plaisant à l’esprit incisif et malin
Estompait lestement un feuillet de vélin;
L’heureux homme avait là sa figure imitée.

Il levait ses regards vers un Christ sur la croix,
Et disait, sur la sienne apposant ses dix doigts:
« O Seigneur, vous ni moi ne l’avions méritée!  »

Q15 -T15 – ( 3+3+3+3)  – Alexandrins anapestiques stricts

Au fond d’un bois j’ai découvert un ruisselet, — 1880 (12)

Narzale Jobert Klimax.

XII sexies
Césures après les 4ème et 8ème syllabes
Le ruisselet

Au fond d’un bois j’ai découvert un ruisselet,
Sur des cailloux blancs et polis danse son onde,
Sous les roseaux, les nymphaeas, il vagabonde;
La biche vient s’y rafraîchir; l’oiseau s’y plaît.

D’un rameau vert voici descendre un gai couplet,
Chant qui ravit cette oasis calme et profonde.
Dans le gazon, point scintillant, la fraise abonde
Avec des fleurs au teint lapis ou violet.

La soleil filtre aimablement sous la ramée.
La brise est douce et l’atmosphère est embaumée.
Concerts, fraîcheurs, herbes, parfums mystérieux!

Eden charmant, Eldorado, pur Elysée,
Que chaque été je viens revoir! – tranquillisée,
Loin du bruit l’âme avec bonheur rêve en ces lieux.

Q15 – T15 – 12s (4+4+4) – On remarquera qu’on n’a pas là affaire à un alexandrin du type dit ‘romantique’ ou ‘hugolien’ car la césure en 6 est abandonnée. Il s’agit donc d’un mètre différent.

Au bord d’une mare, – à l’ombre d’un vaste saule, – — 1880 (11)

Narzale Jobert Klimax.

XII quater
Césure après la 5ème syllabe
Le Batrachophage

Au bord d’une mare, – à l’ombre d’un vaste saule, –
Un bon paysan pêchait raines et cyprins,
Des raines surtout; coupant court à leurs refrains,
Il les égorgeait et les crouait sans contrôle.

Je trouvai la chose insolite, un tantinet drôle.
Voilà, certes, un mets peu connus des Savarins!
Pensai-je, et Chevet, ce maître-queux à tous crins,
N’en doit pas charger les estomacs de la Gaule.

Je m’approche plus de mon brave villageois.
Curieux, je l’observe, et soudain je l’aperçois
Tout prêt à commettre une erreur. Je le réfrène,

Et lui dis: « holà! fi! mais ce sont des crapauds
Que tu vas manger; laisse-les donc en repos! … »
 » Ah! tant pis pour eux!  » fait l’homme la bouche pleine

Q15 – T15 – 12s (5+7)

Du Don au Volga, fleuve à l’eau généreuse, — 1880 (10)

Narzale Jobert Klimax.

XI bis
Césure après la cinquième syllabe
Les Kalmouks

Du Don au Volga, fleuve à l’eau généreuse,
Les Kalmouks, ces fils du noir « Fléau de Dieu! »
Par les steppes vont, toujours changeant de lieu,
Sur leurs courts chevaux à croupe vigoureuse.

Ce qui leur plait, c’est la course aventureuse,
C’est la liberté, l’air et l’horizon bleu,
Pour leur vie active et contente de peu
Ils ont le kouniss – la liqueur savoureuse –

Et la pêche au bord des lacs et de la mer,
Le lait des juments et leur sanglante chair
Fait veule sous la selle de leurs montures.

Qu’ils errent, ou bien qu’ils reposent au khan,
Constamment ils ont le poignard aux ceintures …
Ils passent pareils au néfaste ouragan.

Q15 – T14 – banv –  11s (5+6)

Il s’en va, le matin, sac au dos. — 1880 (8)

Narzale Jobert Klimax.

IX quater
Deux césures: troisième et sixième syllabes
Le facteur rural

Il s’en va, le matin, sac au dos.
Guêtre en main, sac au pied; la casquette
En cuir lisse étincelle à sa tête
Comme un heaulme argenté de héros.

Constamment son jarret est dispos,
Soit qu’il sente arriver la tempête,
Soit qu’au ciel le soleil tout en fête
Lance en plein ses rayons les plus chauds.

Il gravit les monts, court les bruyères,
Il franchit les torrents, les rivières,
Et traverse, en chantant, les grands bois …

A l’heure où le pédon doit paraître,
Le coeur bat. A sa suite on voit naître
Les espoirs, les soucis, les émois.

Q15 – T15 – 9s (3+3+3) – pédon est inconnu du TLF. Héloïse Neefs le recense dans ses Disparus du Littré : «  Courrier à pied dans certains pays du Midi (la forme française est piéton, nom qu’on donne dans le Nord au facteur rural)

Partez, jeunes amis des conquêtes; — 1880 (7)

Narzale Jobert Klimax.

IX
césure après la 2ème syllabe
A nos soldats

Partez, jeunes amis des conquêtes;
Vos coeurs, des grandes gloires épris
Sauront, un jour, mériter le prix
Que Mars réserve aux vaillantes têtes.

Sachez, nobles enfants, que vous êtes
L’espoir de vos ancêtres choisis;
Pour l’heure ils sont dans les noirs abris;
Jadis, ils firent face aux tempêtes.

Debout à tout signal du danger,
Toujours, ils châtiaient l’étranger.
C’étaient les neveux de Mérovée.

Leurs sang, qu’il palpite dans vos bras!
Voyez, la patrie est abreuvée
D’affronts. Dites-lui: Tu renaîtras …

Q15 – T14 – 9s

Potard potassant beaucoup — 1880 (4)

L’hydropathe

Cabriol

Alphonse Allais

Potard potassant  beaucoup
Des combles l’exorbitance
Il comble son existence
D’à peu près faits coup sur coup.

Ce qu’il vous sert un ragoût
D’absurdisme avec prestance
C’est un rêve … pour la stance
Rimée, il a peu de goût.

Philosophe à l’air bonasse
Ce jocrisse blond filasse
Par qui Prudhomme est honni,

Met souvent, sans prendre garde
Les pieds, quoi qu’on le regarde
Dans le plat de l’infini.

Q25 – T15 – 7s

Dans la salle aux murs gris de l’auberge interlope — 1880 (3)

Fernand Crésy (= Icres)Les fauves

Dans la salle aux murs gris de l’auberge interlope
Qui porte pour enseigne une branche de pin,
Nous la vîmes levant en l’air son escarpin
En posant ses genoux sur le banc qui s’éclope.

Sous la serge dont son épaule s’enveloppe,
Dans son verre graisseux elle trempait du pain,
Riant à tout buveur, maquignon ou rapin,
Qui pelotait ses seins en lui disant: « Salope! ».

Vous en souvenez-vous, Rosette? – et je surpris
Sur votre lèvre un fier plissement de mépris
Devant cet être abject qui n’a même plus d’âme.

Ce personnage était bien digne du décor …
Et moi, qui vous aimais, pouvais-je croire encor
Que vous seriez un jour plus ignoble, Madame? …

Q15 – T15