Archives de catégorie : octo

octosyllabe

Du sonnet quel est l’avantage ? — 1898 (20)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Du sonnet quel est l’avantage ?
Vous dit-on souvent au palais :
Il n’a que faire dans les plaids,
Ce n’est qu’un charmant badinage.

Erreur ! on doit à son usage
De condenser non sans succès,
En peu de mots, en quelques traits,
Un confus et lourd verbiage.

Eh quoi ! messieurs les avocats,
Quatorze vers sont-ils au cas
D’encourir une raillerie ?

Onques juge ne dormirait
Si jamais une plaidoirie
N’était plus longue qu’un sonnet.

(G.Hipp)

Q15 T14 – banv – octo  s sur s

A toi, pauvre vieux, je souhaite — 1897 (5)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris

Souhaits à Léopold Dauphin
1er janvier 1897

A toi, pauvre vieux, je souhaite
De vivre tel que te voilà
Avec les maux par-ci, par-là,
Et la rage d’être poète.

Pour que la douleur si souvent
Morde ton corps et le pâlisse
(Dixit Monsieur de la Palisse)
Il faut que ton corps soit souffrant:

Tu souffres, donc tu vis, que diable!
Et vivre est encor, vois-tu, vieux,
Ce qu’on nous a trouvé de mieux
Pour rendre la vie enviable.

Sois résigné, deviens meilleur
Et bon poète, rimailleur.

shmall – octo

Isochrone et lent, le pendule, — 1897 (3)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris

Autre musique de chambre

Isochrone et lent, le pendule,
Sous les laques du vieux cartel,
D’un sec tic-tac hache et module
Le silence et mon spleen mortel:

Et ma pensée aussi oscille
En un va-et-vient continu
Captive du rythme et docile
A l’hypnotique son ténu

Qui très cruellement balance
Les souvenirs des anciens jours
Et, railleur, dans le noir silence
Sans cesse dit: « toujours, toujours ».

L’heure qu’il mesure est chimère
Eternellement éphémère.

shmall – octo

L’innocence était, de ton âme, 1897 (2)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris

A Paul Verlaine
8 janvier 1896

L’innocence était, de ton âme,
Et la mystérieuse voix
Si vierge et perverse à la fois,
Et l’amer parfumé dictame!

Nos espoirs pleurent superflus;
Cette voix tant câline et tendre,
Qu’au ciel aimé tu viens de rendre,
Nous ne l’entendrons jamais plus!

Ni le jet d’eau à la fontaine,
Ni fluides les clairs ruisseaux,
Ni la brise dans les roseaux
Ne la donneront si lointaine.

Et nous restons inconsolés,
Nous, de ses musiques ailées.

shmall* – octo

Ce marbre élevé que, hautain, — 1897 (1)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris


A Stéphane Mallarmé

Ce marbre élevé que, hautain,
Tu voiles de nuit à long plis,
Nous garde en rythmes assouplis
Beauté sereine et fier dédain.

Nocturne aux rêves anoblis
De mystère, ta voix soudain
Eveille un idéal jardin
De reflets et d’échos pâlis.

Et je t’offre, moi – non pareilles
Aux fruits si vermeils vers les treilles
Que sont les lueurs du matin,

Ces rimes-ci vol immodeste
Devers ton oeuvre (adamantin
Malgré l’ombre) haut de ton geste.

Q16 – T14 – octo

Le sonnet, parfois on l’imprime, — 1896 (7)

Henry Jean-Marie Levet (Le courrier français 1895-6)

Sonnet d’Album
A Mlle Marguerite B.

Le sonnet, parfois on l’imprime,
Mais très rarement on le lit;
Arvers sut le rendre sublime,
Quand Trissotin l’eût avili.

Mais, dans les albums où l’on rime,
Que de pages blanches salit
Le gâcheur de sonnets qui trime
Comme devant un établi!

Vers de terre à terre factice,
Qu’engendrera quelque novice,
Monté sur Pégase poney.

Plat, ainsi qu’un roman d’Ohnet,
Au ras du sol il rampe et glisse,
C’est l’oeuf d’un serpent à sonnets.

Q8 – T10 – octo – s sur s

Je n’aime pas énormément — 1896 (2)

Verlaine Invectives

A propos d’un procès intenté à un archevêque français

Je n’aime pas énormément
Le clergé que le Concordat
Nous procure présentement,
Et je voudrais qu’on émondât

Quelque peu, quand même un Soldat
S’en mêlerait, brusque et charmant
Au fond, remplissant ce mandat:
Tout pour le bien, – et persistat,

Qu’on émondât quelque peu, dis-je,
– Par quel détour ou quel prodige
Je n’en sais rien, mais je m’entête –

L’Eglise française – et les autres,
Mais aussi, que tels bons apôtres,
Bonne RF, fussent de la fête.

abab babb – T15 – octo – Quatrains en rimes masculines, tercets en rimes féminines

Est-ce pour toi que ma voix pleure — 1895 (12)

Alban Roubaud Pour l’idole

Désir

Est-ce pour toi que ma voix pleure
Et se fait douce infiniment ?
Est-ce toi qui fait mon tourment,
Est-ce ton regard qui me leurre ?

Si ma bouche jamais n’effleure
Ni ne clôt ta bouche qui ment,
Est-ce pour toi que ma voix pleure
Et se fait douce infiniment ?

Quel charme exquis se subtilise
En lequel mon âme s’enlise
Et se meurt d’attendrissement ?

Mon désir grandi avec l’heure,
Et je suis à tes pieds, vraiment …
Car c’est pour toi que ma voix pleure.

Q14  T14  octo  y=x (d=b & e=a)  v.refrains : 1-2

Comme un cherché de sa province — 1895 (2)

Mallarmé in La Revue scolaire – journal général de l’instruction publique

Toast
Porté à M. Rousselot, directeur du collège Rollin, à l’occasion du banquet de la Saint-Charlemagne,
2 février 1895

Comme un cherché de sa province
Sobre convive mais lecteur
Vous aimâtes que je revinsse
Très cher Monsieur le Directeur

Partager la joie élargie
Jusqu’à m’admettre dans leur rang
De ceux couronnant une orgie
Sans la fève ni le hareng

Aussi je tends avec le rire
– Ecume sur ce vin dispos –
Qui ne saurait se circonscrire
Entre la lèvre et les pipeaux

A vous dont le regard me coupe
La louange haut notre Coupe

shmall – octo