Archives de catégorie : Mètre

COMME Proserpine avant sa destresse, — 1889 (20)

– in  Le Parnasse Breton contemporain

La Nismoise
sonnet deduict selonc le goust des vieulx françois, A Mme A. B,

COMME Proserpine avant sa destresse,
Comme Hebê, la gente aux yeux de velours,
Comme Amphitrite en ses glauques atours,
Comme l’Astartê, tant chière traistresse ;

Comme ung doulx perfum fleurant la tendresse,
Comme ung oyselet au tems des amours,
Comme ung guay soleil dorant les beaux jours,
Comme ung pur zephir, comme une caresse :

Par ainsy vrayment, reluysant dans l’air,
Engeole et seduict vostre soubris cler ;
Dessoubs le visaige on void briller l’ame.

Pour lors, ie me sens tout regoillardi.
Comme ung chat frileulx ronronne à la flamme,
Chaufant ma Bretaigne à vostre Midy.

Q15  T14 – banv –   déca  encore un essai terrifiant de pseudo vieux-français

L’Amour, entre deux madrigaux. — 1889 (19)

Henri Finistère in  Le Parnasse Breton contemporain

L’invention du sonnet

L’Amour, entre deux madrigaux.
De Pan raillait les vers rustiques :
— « Te tairas-tu, dieu des fagots,
« Depuis le temps que tu t’appliques

« A moduler sur tes pipeaux,
« Avec des sons mélancoliques,
« De monotones bucoliques
« Et de sempiternels rondeaux

— « Assez ! dit Pan, le front morose.
« Ferais-tu mieux, critique rose? »
L’Amour sourit d’un air moqueur,

Et de son carquois qu’il balance,
Comme un trait le Sonnet, s’élance…
Cupidon est toujours vainqueur.

Q9  T15  octo  s sur s

Les chiens perdus ont des fourrières ; — 1889 (12)

– Jules Jouy in Le Paris (d’après Patrick Biau, J.J. le ‘poète chourineur’)

Philosophe

Les chiens perdus ont des fourrières ;
Les cygn’ des boit’s sur leurs bassins ;
Les rodeurs de nuit, des carrières,
L’bagn’ sert d’hôtel aux assassins.

La nuit, au poste, les roussins
Ont d’quoi s’coucher sur leurs derrières ;
Les architect’s, pour un tas d’saints,
Ont creusé des nich’s, dans des pierres.

Eh bien, moi, pauvr’ vieux ouvrier,
Parc’ qu’on n’veut plus m’faire travailler,
J’peux mêm’ pas ronfler comm’ Gavroche !

Bah ! j’m’en fich’ d’avoir pas d’foyer ;
Car, si j’ai pas l’sou dans ma poche,
Au moins j’ai pas d’terme à payer.

Q11  T14 – octo Les vers sont comptés ‘oralement’ ce qui fait ‘peuple’. Mais Mr Jouy ne se permet pas de rimer un singulier avec un pluriel, ce qui est bien savant.

Un très vieux temple antique s’écroulant — 1889 (6)

Paul Verlaine –  Parallèlement

Allégorie

Un très vieux temple antique s’écroulant
Sur le sommet indécis d’un mont jaune,
Ainsi que roi déchu pleurant son trône,
Se mire, pâle, au tain d’un fleuve lent.

Grâce endormie et regard somnolent,
Une naïade âgée, auprès d’un aulne,
Avec un brin de saule agace un faune
Qui lui sourit, bucolique et galant.

Sujet naïf et fade qui m’attristes,
Dis, quel poète entre tous les artistes,
Quel ouvrier morose t’opéra,

Tapisserie usée et surannée,
Banale comme un décor d’opéra,
Factice, hélas! comme ma destinée?

Q15 – T14 – banv –  déca

Je rêve d’être sous ton corps — 1889 (4)

Le Décadent

Jules Renard

Morvandelle

Je rêve d’être sous ton corps
Une barque fragile et neuve.
Tu ne vivras qu’entre mes bords
Plus solitaire qu’une veuve.

Tu tiendras toute entière en moi,
Car ma poitrine t’a saisie
Comme une prison; j’ai pour toi
De couler à ta fantaisie.

Ma rame bat avec langueur
Sur la mesure de ton coeur.
Puis, las d’amour, j’aurai la joie

Avec un simple tour de reins
De faire voir aux riverains
Comme une maîtresse se noie!

Q59 – T15 – octo

Mais lorsque MataMoréas — 1888 (32)

Jean Ajalbert in Le Figaro

« Un de nos spirituels auteurs explique le style bistourné des symbolo-décadents par ce fait qu’ils écrivent de la main gauche. Le duel morganatique de cette semaine prouvent qu’ils se battent de la même. Il s’agit du combat – singulier – entre le barine Rodolphe Darzens (de Carcassonne) et le klephte Papadiamantaupoulos dit: Jean Moréas (de Clichy-la-Garenne). Combat motivé par une altercation survenue à la Nouvelle-Athènes. Ce dernier réclamait l’épée – de Damoclès; mais on ne put s’entendre sur le choix de la couleur du cheveu. La rencontre a donc eu lieu avec de vulgaires épées, chez M. Fleuret, propriétaire à Villèle – près Médan.  »

Mais lorsque MataMoréas
Dans les bois fleuris de Villèle,
En grave danger se vit l’aile,
Le monocle ou le pancréas,

Se souvenant que chez Zola
Il est attendu, que c’est l’heure,
Avant que le fer ne l’effleure,
Pense à y mettre le holà!

Alors avec calme, il écarte
Le redouté contre de quarte
De son adversaire anormal

– Qui sérieusement l’agresse –
Et, nouveau sage de la Grèce,
Dit: VOUS ALLEZ ME FAIRE MAL!

Q63 – T15 – octo

Atteste l’inane d’oeuvrer! — 1888 (25)

?

Le Décadent

Doctrine
…. L’Idéal éclaté comme une pêche blette …..

Atteste l’inane d’oeuvrer!
Dis-en l’amer et le stupide:
Cueille ta bouche, Aganippide!
Et la jette à l’Oubli sacré.

Sois le mouton qui tond le pré
D’une langue toujours avide.
(Un char-à-bancs revient à vide
De la ducasse de Longpré).

Bâfre des viandes, bois des vins
Vide les mystiques levains …
Une tayolle* tord ses loques

Au torse abrupt des portefaix.
– Le bonnet d’Alberte se moque
De la grimace que je fais.

Q15 – T14 – banv –  – octo

« Notre excellent ami le docteur V***, à l’obligeance de qui nous devons la communication du sonnet d’Arthur Rimbaud publié dans l’avant-dernier numéro de notre Revue, veut bien se dessaisir encore en notre faveur d’un autre poème également inédit du regretté Maître. Tous nos remercîments au Docteur V pour la communication de « cette oeuvre inaugurale qui irradie – et de sorte que glorieuse! – le baume de Socrate et de Pythagore.  »

* mot absent du TLF

L' »Albert Hall », au dôme bizarre — 1888 (22)

Le Chat Noir

London Fog

L' »Albert Hall », au dôme bizarre
Semble un formidable encrier.
Nous prendrons pour presse-papier
Un lion de ‘Trafalgar Square’.

De la « Banque », spectacle rare,
Nous ferons un vaste casier;
Et « Marble Arch » change en plumier
Son précieux bloc de Carrare.

Le ‘Monument’ est le crayon
Et la ‘Colonne de Nelson’
Devient un porte-plume étrange.

Cependant le soleil surpris
Met sur un ciel de buvard gris
Son pain à cacheter orange.

Stationer

Q15 – T15 – octo

Moi, je vis la vie à côté, — 1888 (17)

Charles CrosLe Collier de griffes

Sonnet

Moi, je vis la vie à côté,
Pleurant alors que c’est la fête.
Les gens disent: « Comme il  est bête! »
En somme, je suis mal coté.

J’allume du feu dans l’été,
Dans l’usine je suis poète;
Pour les pitres je fais la quête.
Qu’importe! J’aime la beauté.

Beauté des pays et des femmes,
Beauté des vers, beauté des flammes,
Beauté du bien, beauté du mal.

J’ai trop étudié les choses;
Le temps marche d’un pas normal:
Des roses, des roses, des roses!

Q15 – T14 – banv –  octo