Archives de catégorie : Mètre

Je ne prends pas ce que je touche — 1966 (6)

Roland Dubillard Je dirai que je suis tombé


Je ne prends pas ce que je touche

Je ne prends pas ce que je touche
Mais je suis touché par milliers.
Je parle sans manger. Ma bouche
a ses pélicans familiers.

Mon seul œil a les cils pliés.
J’ai deux soleils, mais pour qu’ils louchent:
l’un se lève, l’autre se couche:
je reste assis sur mes souliers.

Je ne sais pas ce que me veulent
père et mère, fille et filleule,
la pesanteur ni les besoins.

Je suis divisé par mes nombres
comme la nuit l’est par les ombres,
comme le dé l’est par ses points.

Q10 – T15 – octo

Le bruit du pas-de-bruit d’un pas — 1966 (2)

Olivier LarrondeL’arbre à lettres


Le pas – pas

Le bruit du pas-de-bruit d’un pas
Qu’a-t-il à ne nous dire pas
Qu’en toi le peu de bruit des pas
Fait la rigole d’un trépas

Réfléchissons là que poissons
Pas dans l’eau d’un bonheur sans rex
Quand le talon des ultrasons
Veut bien circonscrire un inflex

Le deux fois pas de bruit des pas
Met de trop ton chat qui pénètre
Par la fenêtre du non-être

Jusqu’à ne peut-être pas naître
Dans le pas-toi de mon patois
Où l’image n’a mis qu’un toit.

aaaa bcbc add dee – octo

Le pays du début d’octobre n’avait fruit — 1965 (8)

Yves Bonnefoy Pierre écrite


La parole du soir

Le pays du début d’octobre n’avait fruit
Qui ne se déchirât dans l’herbe, et ses oiseaux
En venaient à des cris d’absence et de rocaille
Sur un haut flanc courbé qui se hâtait vers nous.

Ma parole du soir,
Comme un raisin d’arrière-automne tu as froid,
Mais le vin déjà brûle en ton âme et je trouve
Ma seule chaleur vraie dans tes mots fondateurs.

Le vaisseau d’un achèvement d’octobre, clair,
Peut venir. Nous saurons mêler ces deux lumières,
O mon vaisseau illuminé errant en mer,

Clarté de proche nuit et clarté de parole,
– Brume qui montera de toute chose vive
Et toi, mon rougeoiement de lampe dans la mort.

bl – 2m :6s: v.5

Souvent me suis, comme un con, pris — 1965 (7)

Olivier Larronde L’ivraie en ordre (ed. 2002)

A sa queue

Souvent me suis, comme un con, pris
A rêver, un doigt sur ta nuque
De trancher le sphinx incompris
Qui, bien membré, me laisse eunuque.

Puisque tu n’appartiens qu’à toi.
Si je t’osais tailler en pipe
Gicler au visage des rois
Plutôt que visiter la tripe.

Exaspérant bête. Joie
Lors, à mâchonner impuissant
Ton pétale, qui le rougeoie.

Son menstruel frère de sang!
Va, d’autre tunique – mon chat, loir
Sans griffe et d’épine que toi -,
Cauchemarde le nonchaloir.

Q59 – cdc dec e – octo – 15v

Hors paradis terrestre, en fleur d’or animé, — 1964 (1)

Emile Roumer Rosaire (couronne de sonnets)

sonnet liminaire
Immaculée conception

Hors paradis terrestre, en fleur d’or animé,
Eve entre flore ingrat, caverne l’ours pour asile,
Flancs déchirés par enfantement main inhabile
A repousser la mort et serpent endiamé*

Lors Isaïe té dit, parole enflammé
Le Christ oun vierge t’a fe l’, cé fond même l’Evangile
De Pi à Jean XXIII – Min san t’a pi facile
Soti lan jardin clos ou lun tombeau fermé ?

La Genèse pas t’ manqué prédi gloire deuxième Eve
Et toute chrétiene connin la Vierge, à la relève
T’a crasé tête serpent pour trahison passé.

Lan salut genre humain Bon Dieu prend, bien suprême
Choisit ac dilection rameau tige a Jessé
Pour que fleur donnin fruit et rété fleur quand même !

Q15  T14  – banv – métrique irr.

sur les deux roues de son vélocipède — 1963 (3)

Jean QuevalLieux-dits

Sur un film de Harry Langdon

sur les deux roues de son vélocipède
un garnement comme un cheval de cirque
regarde cette fille il est timide
il tourne et n’ose pas prendre de risque

c’est un gars muet qui joue du lasso
la fille est changée en momie vivante
avecque ses yeux ses tours de vélo
il vise le cœur de l’étoile absente

c’est le temps des cops et des fiançailles
baraques de bois blancheur des images
magie galopante à la corde raide

il meurt et reste à la périphérie
à l’enseigne des années de la vie
sur les deux roues de son vélocipède

Q59 – T15 – déca

A chacune âme éprise et gentil cœur — 1962 (3)

Pierre-Jean JouveGénie

(Rêve de la Vita nova)

A chacune âme éprise et gentil cœur
En qui viendra la parole présente
Pour que me renvoie la sienne pensante
Salut en son seigneur qui est Amour

Déjà c’était presque la troisième heure
Du temps qui fait tous les astres brillants
Quand m’apparut Amour subitement
Essence qui fait peur à la mémoire

Joyeux me semblait l’Amour il tenait
Mon cœur en main, et dans ses bras avait
Ma dame en un drap voilée endormie

Puis il la réveillait, et de ce cœur brûlant
Il la paissait humblement attendrie:
Mais à la fin je le voyais partir pleurant

Q63 – T14 – 10s – tr

A chaque doigt sourd la goutte — 1959 (8)

Paul Valéry Douze poèmes inédits (ed. Octave Nadal)

A chaque doigt

A chaque doigt sourd la goutte
Et tu trempes tes mains pour
Mieux feindre sur qui t’écoute
L’onde d’un premier amour

Né limpide flamme ou bulle
D’azur qu’on croit étranger
A tous les sus et sans nulle
Epaule à boire ou manger

Sans se pencher ton visage
Ou l’autre qu’on dirait tel
Vers ses sœurs du paysage
Que le vacarme immortel

Peur de la chèvre camuse
Inonde de cornemuse.

shmall 7s

Maint passé par tant de couloirs — 1959 (5)

Olivier LarrondeRien voilà l’ordre

Cheminée

Maint passé par tant de couloirs
Riches d’affres en lourds trophées
Part fumant à chaque bouffée
Dont s’allume un l’autre nos soirs.

Feu, des orgueils chambre! où surseoir
– Chambre un rien l’isole étouffée –
Aux serres jusqu’au bout chauffées
Du rien cher qui console un loir.

Torche ô fulgurant nécessaire…
Moi le tien en branle. Abandon:
Il a chu le sépulcre dort,
Nos nuits blanches nous agrippèrent.

Chambre où fumée en désaveu
De nos feux en immortel vœu.

Q15 – T30 – octo – disp: 4+4+4+2

Le jour fourmille introuvable; —1959 (3)

Olivier LarrondeRien voilà l’ordre

Arqué

Le jour fourmille introuvable;
L’écraser trace un chemin!
Son lever strident sème
un Désarroi. Ce jour lavable

Au passé fils de tes mains
Qu’en est-il? Jour repassable
Entre deux, ses lendemains.
Et tant repris que ma fable.

S’improvisa sur du sale
Tout départ pris sans la fin
Quand l’un l’autre se croisant

Nous font ce beau présent dont
L’abîme se retourne en
Athlète, et croissant: le PONT.

Q16 – abc dcd – 7s