Archives de catégorie : past

Céleste Ki-Tan-Fô, délivre de la cangue — 1947 (3)

Claude VidalLe cheval double

…. Jose-Maria de Heredia
L’offrande chinoise

Céleste Ki-Tan-Fô, délivre de la cangue
Le très indigne Pouh, fils de Rhâ, fils de Lin,
Et prends ce vase ouvré dans le pur kaolin.
Il est entre mes mains comme l’or dans la gangue.

Du céladon fleuri coule un reflet exsangue
Sur le flanc translucide à l’émail opalin,
Et le Dragon de sang au mufle de carlin
Y déroule sa croupe et fait saillir sa langue.

J’ai sculpté dans le cèdre un socle précieux.
Du langage Kou-Wen que préfèrent les Dieux
J’ai peint sur ses côtés les sacrés caractères.

Vois, j’accroche un lampion bleu pâle à chaque bout
Du triple toit cambré surplombant de ses ptères
Ta pagode laquée aux lattes de bambou.

Q15 – T14 – banv

Sur les drymides verts et sur les blancs clistax — 1947 (2)

Claude VidalLe cheval double


Bonheur  près de l’Apurimac

Sur les drymides verts et sur les blancs clistax
volète un cnétocampe, étrange rubicelle
vivante, et qu’un cinabre artistement ocelle.
Mais dans un psathyra guette un calothorax.

Le beau trochillidé lance un cri de crécelle,
Lissant son rostre fin sur l’or de son thorax.
L’insecte, butinant aux grappes d’un styrax,
brusquement est saisi dans l’experte précelle.

Gourmand, le colibri déguste l’abdomen
d’abord. Le corselet, gras comme un cérumen,
se déchiquète alors mieux qu’avec des quenottes.

Puis, les six pattes. Puis, les deux ailes. Et quand
Il a tout avalé le bombyx urticant,
du grand air de « Louise’ il siffle quelques notes.

Q16 – T15

Don Ruy Gomez, vieillard en fraise d’organdi, — 1947 (1)

Claude VidalLe cheval double

Le livre est un livre de parodies. Ici parodie au second ordre: de Hugo au moyen d’une parodie de Georges Fourest

Hernani

Don Ruy Gomez, vieillard en fraise d’organdi,
sa cape s’enroulant à sa coliche marde,
horrible de triomphe, insolemment brandit
le curare espagnol où grince la Camarde.

Dogna Sol s’est dressée, et son regard se darde
vers le sénile amant. Sa croix d’or resplendit.
Pâle de la terreur de cette nuit blafarde
elle ose protéger son ténébreux dandy.

Mourir! voilà son choix, et non vivre en veuvage.
( Pensif, et maudissant son absurde servage
Jean d’Aragon se cabre et claque un peu des dents.)

Mais arrachant la fiole avec un cri sauvage:
 » Qu’il est amer! dit-elle en buvant le breuvage,
Le vieux aurait bien pu mettre un sucre dedans! »

Georges Fourest

Q8 – T15

Ô puissant, ô cruel, ô toi clair Bourbaki, — 1945 (4)

Pierre Samuel

Le filtre

Ô puissant, ô cruel, ô toi clair Bourbaki,
Vas-tu nous déchirer dans un accès de crise
Le Goursat filandreux, miroir de l’Analyse,
Défenseur attardé d’un passé qui a fui ?

La suite d’autrefois se croyait l’infini,
Inutile, et que sans la comprendre utilise
Le maladroit conscrit, lui que Valiron grise
De son cours ténébreux qui distille l’ennui.

Ignorant les secrets de la Topologie
À l’espace infligée, et toi qui l’étudies,
Il nage dans l’erreur où son langage est pris.

Il contemple étonné, comme enivré d’un philtre,
L’adhérence, un manteau qu’il n’a jamais compris,
Que vêt sur un compact, immobile, le FILTRE.

Q15 – T15

Souffle, songe, silence, invisible accalmie, — 1934 (8)

Abel Valabrègue Les uns et les autres, pastiches

Paul Valéry

Souffle, songe, silence, invisible accalmie,
Sur qui la paix soudaine a trompé la douleur,
Quand de ce plein sommeil l’onde grave et l’ampleur
Semblent se concevoir à la bouche infinie.

Pire. Pire ? – Comme ils venaient d’une autre vie.
Mais toi, de bras plus purs, présent comme une odeur,
Ouvre au ciel en moi-même une autre profondeur
Dont la close étendue au centre me convie.

Gemmes rouges de jus, mépris de tanr d’azur,
Ne cherchez plus … Pleurez la chance d’un fruit mur !
Sous nos mêmes amours à peine il se redresse.

Mais, comme les soleils ne voient plus que le sang
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Epuise l’infini de l’effort impuissant

Bibliographie Dormeuse-Anne- La jeune Parque – Fragment du Narcisse – Au platane – Ebauche d’un serpent – Air de Sémiramis- La femme forte – La grenade – Le rameur – Dolmen – Cantique des colonnes – La fileuse

Q15  T14 – banv

Mon âme éteint ses lumières — 1933 (10)

Armand Masson in Felix  Arvers : articles (fonds rondel, RF 21313)

à la manière de Paul Valéry

Mon âme éteint ses lumières
Pour que le silence élude
L’amour que, sous mes paupières,
A figé la solitude.

Et la page est vierge où l’homme
Compose et dédicace
La prière inefficace
Avec l’estampe et la gomme.

Comme rien n’emplit le vide
Du néant qu’elle dévide,
Elle écoute sans entendre

La voix muette et soupire :
« Qu’est-ce que cela veut dire ? »
Mais semble ne pas comprendre

Q60  T15   rim.fem. arv pastiche -7s

Comme le fruit son ver, ma vie — 1933 (9)

Armand Masson in Felix  Arvers : articles (fonds rondel, RF 21313)

à la manière de P.J Toulet

Comme le fruit son ver, ma vie
Cèle un tourment secret,
Bien malin qui devinerait
Le nom de mon envie.

Toi-même ne me connais point,
Qui nourrit ma pensée,
Et qui plus distraite est passée
Que le vent sur les coings.

Car ce désir qui me lancine,
Il cède à ta vertu :
Et si je t’aime, je l’ai tu
Ou si c’est la voisine.

– arv  pastiche  3 qu – 2m: octo, 6syll

La fruitière m’a dit:  » La légume est plus chère, — 1918 (1)

Georges de La Fouchardière in L’Oeuvre

Le Songe

La fruitière m’a dit:  » La légume est plus chère,
Car le ressemelage encor a raugmenté.  »
Le charcutier m’a dit: « Le cochon exagère,
Car, au comptoir voisin, le pinard a monté. »

Une poule m’a dit, dressant sa tête altière:
« Ponds toi-même tes oeufs à l’heure du repas. »
Le débitant m’a dit: « Dedans ma tabatière,
J’ai d’excellent tabac, mais tu n’en auras pas.  »

Plus avide de jour en jour, de proche en proche,
La main du mercanti fouille dans notre poche;
Pendant que dans sa poche opère une autre main.

Et la richesse, au jour d’aujourd’hui, n’est qu’un leurre.
Toujours, toujours plus haut, monte le prix du beurre,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain

(Armand Sully Prudhomme)

Q32 – T15 pastiche

Tel qu’en l’obscur discours de Locke — 1913 (10)

Charles Derennes, Charles Perrot, Pierre Benoit, ed. La grande anthologie

Stéphane Mallarmé

Tel qu’en l’obscur discours de Locke
Agonisait sa sombre ardeur
Où sourdre avec tant de candeur
La gigantesque et molle cloque

Si pendillait la pendeloque
Cette languide et noire odeur
Qui hors du cœur du maraudeur
S’exalte et tend et flotte loque

Mais chez qui par amour se pend
Lourdement pend un grand serpent
En la courbure hypothétique

Tel qu’en l’unanime foison
Selon nul autre amer poison
L’aigre malade ne se pique

Q15 – T15 – octo

Orgueil du grand sitôt en extase cabré, 1913 (8)

Paul Reboux et Charles Müller A la manière de
Sonnets

II

Orgueil du grand sitôt en extase cabré,
D’ombre et torse forêt en qui la même absconse
Fut. Etoile vitreuse où le nombre s’annonce,
Ascension clamée au trouble de l’entré,

Accord du geste avec le destin conjuré,
Vertical attestée en sa double réponse,
Pourpre en immensité banale et, si je fonce,
Pars, cri silencieux, et règne, soupiré!

Alors quand révolu triple s’itérative
L’astre, flux que soudain cueille une main craintive
Où l’infini du peu déploie un vol impur.

Et l’arc ainsi bandé par la détresse aiguë
Fera, foudre d’acier, incendie et ciguë,
Luire des larmes d’or aux blancheurs du futur.
Stéphane Mallarmé

Q15 – T15  on remarquera que la dispositions des rimes n’est pas mallarméenne
Glose
Un groupe d’érudits prépare une traduction française des oeuvres de Stéphane Mallarmé. Cette entreprise, en raison des recherches qu’elle nécessite, n’aboutira pas, sans doute, avant de longues années. Nous ne pouvons aujourd’hui donner au lecteur que la traduction du premier de ces deux sonnets:

Quand le vaticinant I Quand  le poète prophète

erratique I    qui ne sait où il va

Au larynx dédaléen, I et dont la parole s’égare,

divague, I divague

en sa manie I           en sa folie

tant dédiée I        si coutumière

et avant tout I   et qui, avant d’exister,
radiée de I se retranche même de ce
l’absent I       qui n’existe pas,

pour animer I     lorsqu’il va souffler

le syrinx de l’insaisissable, I   dans une flûte sans son,

O n’être que I     il rêve de n’être que
du sphinx I un sphinx
le mystère I          dont l’énigme
aboli I       n’ait pas de sens

par qui l’âme est congédiée I et de supprimer de l’âme
I     tout ce qui n’est pas

du clair-obscur I      complètement obscur,

O chevaucher I     il rêve, chevauchant

le lynx, aveugle I          un lynx aveugle

et de ses yeux exorbités I       aux yeux arrachés,
vers la victoire I      d’aller vers la gloire
irradiée I rayonnante!
Enigme I       Etant une énigme

telle la Pythie I     semblable à la Pythie
hypogéenne I      qui vit sous la terre,
Ambage I Etant plein de détours
non pas un I multiples

d’où dévie l’inconnu, I     d’où ne sort rien,

j’ai approfondi l’azur I j’ai reculé les limites

de l’impénétrable. I       du galimatias.

Et, cygne ténébral I Et, poète ténébreux

Sitôt hiéroglyphique I       dès que j’écris,
qu’ombre I        que rend nul

en son vide I   au sein de la nullité

un déléatur I un signe de suppression
obstructif, I paralysant,
J’offusque, I Je réponds
triomphal, I        triomphalement

le néant qui m’assigne. I      au défi du néant.

Les cryptographes ne se sont pas jusqu’ici mis d’accord sur le sens du deuxième sonnet. Certains proposent une version, mais nous respectons trop nos lecteurs pour la leur mettre sous les yeux.