Archives de catégorie : 1-fem

sonnets à première rime féminine (Malherbe)

Fin de partie, fin de vers, fin de siècle, — 1989 (2)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Alin Anseeuw


Fin de partie: Trouvez Hortense!

Fin de partie, fin de vers, fin de siècle,
L’inspiration arrache au coeur du firmament
Une larme, c’est le sel de la vie, les amants
Et le poète assis nient la course des siècles,

Mange dans le miroir les reliefs du bonheur
La poésie que de tes larmes tu arroses
Dans les jambes d’Hortense a le goût d’une chose
Vaine, l’avant-printemps est un regard trompeur.

L’éternité est à la porte et le vent mord
Les corps qui ont pris froid, amour tu éparpilles
En poussant de mon vit ce qui tombe par mille

J’ai au bout de ma course un coeur qui s’essouffle et
Je traîne avec mes vers un cadavre enchaîné
Hortense est dans mon rêve une main qu’on dévore.

Q63 – T35

Qu’à son plaisir mon œil te considère — 1988 (7)

Bernard Manciet (trad) André du Pré Sonnets gascons

X

Qu’à son plaisir mon œil te considère
Il fait de toi toute sorte de fleur
La fraîche rose en sa belle couleur
C’est ton menton, ton col, ta main légère

Qu’avec des lis candides il tempère.
Sur ton front naît le souci de pudeur
Dedans tes yeux violette se meurt
Et giroflée aux lèvres fait enchère.

De fleurs sont faits et la joue et le nez.
Oreille et sein carmin vous soutenez.
Mais ce doux voir est tout ce qu’on me laisse.

Et tout ainsi qu’au ciel, quand serai mort
Dieu regarder sera mon réconfort
Sur cette terre est te voir ma liesse.

Q15 T15 tr

Même quand le silence aura bu mon passage — 1988 (6)

Michel Vaillant in Dictionnaire de poétique et rhétorique (4ème ed.)


Couronne de sonnet : sonnet maître

Même quand le silence aura bu mon passage
Immolé sur la borne obscure du chemin,
Ce nom qui, sans écho, n’aurait plus rien d’humain,
Houle incertaine qui s’éloigne du rivage

Et que remportent les ténèbres sans partage,
Laisse qu’il chante encore au creux chaud de ta main,
Vaine, vaine rumeur de croire que Demain
A la conque fragile a livré son message.

Innombrable mensonge, un jour et puis un jour !
La terre s’épaissit et s’engraisse d’amour,
Le monde s’engloutit d’entasser la lumière.

Amer laurier l’espoir de penser que mes cris
Nocturnes retournés au repos de la pierre,
T’aideront à descendre au silence où je suis.

Q15  – T14  – banv – acrostiche

Les Alpes me séparent de l’Italie. — 1988 (4)

Pierre Gripari Marelles


Frontières naturelles

Les Alpes me séparent de l’Italie.
Le Rhin me sépare de l’Allemagne.
Les Pyrénées me séparent de l’Espagne.
La Seine sépare Pa de Ris.

Un monde me sépare de toi.
Le mur me sépare du dehors.
La vie me sépare de la mort.
Longtemps me sépare d’autrefois.

Le fleuve me sépare de l’autre rive.
Pauvreté me sépare d’un beau livre.
Le peur me sépare de tout.

Un geste me sépare du désastre.
Le silence me sépare des fous.
Le vide me sépare des astres.

Q63 – T14  m.irr.

Mon âme a ses dessous, ma vie en est l’émule: — 1987 (9)

Jacques Jouet in une réunion de l’Oulipo

La Dissimulation ou Sonnet à une mule
dédié aux mânes de Luc Etienne

Mon âme a ses dessous, ma vie en est l’émule:
Un penchant sans limite en un moment conçu,
Le mal est accompli, je le tais, dissimule,
Et celle qui l’a fait, l’a fait à son insu.

Maudit attouchement d’un dos bis et fessu,
Utopique passion qui sans cesse accumule
Les silences, non-dits, le dédain je simule,
Et jamais ne me plains cependant que déçu.

Mais dites-moi comment semblable sauvageonne,
Anesse mi-cheval que Dieu fit douce et bonne,
Me put ainsi… Hélàs!, noble calamité!

Une mule au mulet pïeusement fidèle
Lit sans aucun émoi ce sonnet tout plein d’elle
En ne constatant pas son impudicité. »

Q10 – T15 – arv

Les amoureux fervents des fleuves impassibles — 1987 (7)

OulipoLa Bibliothèque Oulipienne , vol. II

Marcel BénabouAlexandre au greffoir


Les chats

Les amoureux fervents des fleuves impassibles
Aiment également, à l’ombre des forêts,
Les chats puissants et doux comme des chairs d’enfants
Qui comme eux sont frileux dans les froides ténèbres.

Amis de la science et de Pasiphaé,
Ils cherchent le silence et les cris de la fée;
L’Erèbe les eût pris aussi bien que l’Euripe,
S’ils pouvaient au servage gémir, pleurer, prier.

Ils prennent en songeant le sévère portique
Des grands sphinx allongés au Théâtre Français,
Qui semblent s’endormir aux feuillets souvent lus;

Leurs reins féconds sont pleins d’une profonde nuit,
Et des parcelles d’or, plus belles que vos jours,
Etoilent vaguement les grands pays muets.

bl

L’odeur de l’eau qui sèche sur le sable — 1987 (6)

Jean Grosjean La reine de Saba

L’odeur de l’eau qui sèche sur le sable
Comme un poisson qu’on retire du fleuve
A moins hanté mon âme que ne peuvent
La hanter tes départs irrespirables.

Comment vivre après toi? Le soleil même
N’est plus qu’un vieux lampion sur la campagne
Le coeur dont toute absence est la compagne
Va-t-il se souvenir longtemps qu’il t’aime?

Mais si tu n’avais l’art de t’éloigner
Tu haïrais sans doute un coeur novice
Et si mon coeur n’était pas si novice

L’amour parfait t’aurait bientôt lassé.
A ta façon de détourner la tête
J’ai su que tes départs étaient nos fêtes.

Q63 – T30=shmall* – disp: 4+4+4+2 – déca

La solitude me dévore — 1986 (3)

René BellettoLoin de Lyon – XLVII sonnets –

XXVI

La solitude me dévore
Encore une saison passée
Chaque matin l’aube s’endort
Mon âme s’est abandonnée

Je ne saurai pas qui je suis
Etranger à mon territoire
Avec mes larmes s’est tarie
La belle image du miroir

En moi se noue comme un secret
Le destin dont je parlerais
Soucis douleurs et mauvais rêves

Sont les maisons de mon voyage
Et toujours commence et s’achève
Le cours ennuyeux de mon âge

Q59 – T14 – octo

Voilà cent ans, cher Soulary, tu croyais juste — 1984 (1)

Boris Vian Cent sonnets

Ma Muse

Voilà cent ans, cher Soulary, tu croyais juste
De ceindre de maint busc le corps souple et charmant
De ta Muse, et contraire à l’ordinaire amant
Voulais pour ta maîtresse un appareil vétuste.

Si la femme féconde à la grâce robuste
Vit souvent de sa chair le mol affaissement
Si la distension de tous ses ligaments
Fit pendre son nombril et s’écrouler son buste,

Ce siècle est révolu. L’oisiveté cruelle
N’entraîne plus la mort de la beauté des belles
Nos jours ont retrouvé le secret du printemps.

Notre Egérie pratique aussi la gymnastique
Et le massage sait lui rendre en peu de temps
Son ventre plat, sa ligne et ses seins élastiques.

Q15 – T14 -banv

Nous somme arrivés sur le treizième parallèle. — 1983 (1)

William Cliff America


Talavera. 7.

Nous somme arrivés sur le treizième parallèle.
J’ai déja vu sur l’eau deux ou trois poissons volants
L’Anglais chargé des chambres froides est venu tout courant
Dans le château pour qu’on lui prête un moment les jumelles

Il prétend avoir vu bouger au loin une baleine
On se met à scruter tous les cantons de l’océan
Mais on ne voit bouger au loin que des clapotements
Le cétacé n’a visité l’Anglais que dans son rêve

Ainsi à force de ne voir à longueur de semaines
Que rien et toujours rien faire le vide autour de nous
On se met à jeter sur le désert des rêves fous

Pour tenter d’alléger le poids de n’être que notre être
L’Anglais est retourné s’occuper de ses chambre froides
Et l’officier a recouché la tête sur ses cartes

Q15 – T exc – 14s  Les rimes sont très lâches