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sonnets à première rime féminine (Malherbe)

Pétrarque, au doux sonnet je fus longtemps rebelle; — 1855 (10)

Auguste Brizeux Histoire in oeuvres vol II 1884 –


Formes et pensées, II

Pétrarque, au doux sonnet je fus longtemps rebelle;
Mais toi, divin Toscan, chaste et voluptueux,
Tu choisis, évitant tout rythme impétueux,
Pour ta belle pensée une forme humble et belle.

Ton poème aujourd’hui par des charmes m’appelle:
Vase étroit mais bien clos, coffret, plaisir des yeux,
D’où s’exhale un parfum subtil, mystérieux,
Que Laure respirait, le soir, dans la chapelle.

Aux souplesses de l’art la grâce se plaisait,
Maître, tu souriras si ma muse rurale
Et libre a fait ployer la forme magistrale;

Puis, sur le tour léger de l’Etrusque, naissait,
Docile à varier la forme antique et sainte,
L’urne pour les parfums, ou le miel, ou l’absinthe.

Q15 – T30 – s sur s

La mode est au sonnet; et ce n’est pas dommage; — 1855 (9)

Emile Grimaud Fleurs de Vendée

Le Sonnet

La mode est au sonnet; et ce n’est pas dommage;
Moi, je m’en réjouis et je dis hautement
Que le sonnet mérite en tout point notre hommage,
Que Despréaux eut tort d’en faire un vrai tourment.

Un sonnet! C’est léger comme un léger ramage;
C’est une étoile d’or qui passe au firmament;
C’est un cristal limpide où se peint une image,
Pétrarque l’adopta, je l’aime infiniment.

Tandis qu’avec les fleurs il se joue et lutine,
C’est un beau papillon qu’une main enfantine
Ose à peine toucher, tremblant de le ternir;

Enfin, c’est un anneau, religieux emblême,
Que le Poête met aux doigts de ceux qu’il aime,
Pour que de lui toujours ils gardent souvenir.

Q8 – T15 – s sur s

Je dansais avec vous, vous qu’en tremblant je nomme; — 1855 (8)

Jules Marchesseau Les croyances

Sonnet à mlle Cécile de ***

Je dansais avec vous, vous qu’en tremblant je nomme;
Vous me disiez: ‘ J’ai vu R*** aujourd’hui. »
Et, si de trop d’éclat vos yeux bleus n’avaient lui,
Je vous eusse conté le propos d’un grand homme:

– Un jour qu’en Ibérie il allait, plein d’ennui,
César, voyant un bourg pauvre et laid devant lui,
Dit à ses compagnons: « J’aimerais mieux, en somme,
Etre ici le premier que le second à Rome. »

– De César et de vous les titres sont égaux,
Car génie et beauté portent un diadème:
Cécile aux blanches dents, penseriez-vous de même?

Vous plairait-il aussi régner sur nos hameaux
Plutôt que?  – Mais, hélas!, pour être au rang suprême,
Vous n’avez pas besoin d’abandonner Bordeaux

Q18 – T28

Je suis fort amoureux, non de vos yeux, madame, — 1855 (6)

Marc du Velay Les Vélaviennes


Au plus joli pied
« Ce n’est pas vous, non, madame, que j’aime » Théophile Gautier

Je suis fort amoureux, non de vos yeux, madame,
Non de vos doigts menus et blancs comme le lait,
Du limpide sourire où se trahit votre âme,
De ce front gracieux d’un doux rêve voilé,

De vos sourcils d’ébène à la courbe si pure,
De ce cou délicat, arrondi, potelé,
Des brillants anneaux d’or de votre chevelure,
De ce bras, vrai bijou, si beau sans bracelet,

Non de ce grain charmant, antithèse qui joue,
Perle de jais éclose au lis de votre joue,
Ou du noble profil de ce nez aquilin …

Non! mais je rimerais vingt rondeaux, dix poèmes,
Je traduirais en vers Cirrode et ses poèmes,
Pour tenir votre pied rose et nu dans ma main.

Q38 – T15 la rime ‘b’ est incorrecte

O mon fils! Ne sois plus triste. Dis-moi, qu’importe — 1855 (4)

Marc du Velay Les Vélaviennes

Consolation

O mon fils! Ne sois plus triste. Dis-moi, qu’importe
Ces luths toujours muets à tes murs suspendus;
Les pierres des méchants pleuvant contre ta porte,
Et tes meilleurs amis au tombeau descendus?

Coursier sans frein, le temps, dans sa fuite t’emporte,
Il franchit au galop un pays dévasté:
N’arrête pas tes yeux sur cette terre morte,
Regarde seulement le but: l’éternité!

Fortune, gloire, amour: vanité, vanité.
Tout plaisir, tout savoir, toute douleur est vaine:
Seul, je suis le vrai bien et ta route est certaine.

– Père, sous votre joug nous plions à genoux;
Ecrasez le néant de la raison humaine:
Seigneur, Seigneur, Dieu bon, ayez pitié de nous.

Q32 – b’cc dcd rare exemple de rime ‘orpheline dans les tercets’

Madame, j’aime fort les châteaux en Espagne, — 1855 (3)

Marc du Velay Les Vélaviennes

Une chaumière et la mer

Madame, j’aime fort les châteaux en Espagne,
Seul au coin de mon feu j’en bâtis quelquefois;
Mais je n’en fais jamais d’aussi charmants, je crois,
Que notre humble chaumière au fond de la Bretagne.

Elle est toute de joncs, de mousse, et je la vois
Si bien, qu’assez souvent j’espère en ce beau rêve;
Et je me dis: peut-être, au bord de quelque grève
Est-il un doux abri que Dieu fit pour nous trois.

Que nous serions heureux! Vous iriez sur la plage
Cueillir la nacre verte au brillant coquillage,
Camille chasserait plus loin dans les taillis,

Et moi sur un vieux roc noirci par les orages
Je vous griffonnerais d’effrayants paysages …
Et voici le sonnet que je vous ai promis!

Q48 – T15 ‘plage’ et orages ne riment que pour l’oreille

Un sonnet est bien peu de chose: — 1855 (1)

Marc du Velay (Auguste Blanchot) Les Vélaviennes


Le Sonnet

Un sonnet est bien peu de chose:
Un souffle qui s’envole, un soupir, un accord;
Une larme de pluie aux feuilles d’une rose;
Un vacillant rubis que suspend un fil d’or.

C’est un cadre de nacre ouvragé jusqu’au bord
Serrant d’une Péri la figurine rose.
Dans l’urne de cristal, que d’eau tiède on arrose,
C’est d’une fleur d’Alep le fragile trésor.

C’est moins que tout cela; c’est une folle rime,
Quatorze papillons qu’à saisir on s’escrime:
C’est un tour de souplesse et rien de plus ma foi!

Cependant, jeune fille, en ces heures d’extase,
Où l’âme s’affranchit du rythme et de la phrase,
J’ai rimé des sonnets pour toi.

Q10 – T15 – 2m (octo: v.1 &14) – s sur s

Puisque, troublant toujours nos pieuses études, — 1854 (12)

Ferdinand de Gramont Chants du passé

CLVI

Puisque, troublant toujours nos pieuses études,
Le monde à nos regards fait trembler le grand X,
Et dans les cieux voilés revoler Béatrix
Cherchons plus loin encor d’austères solitudes.

Écartons nous surtout des viles habitudes,
Aux Syrtes de Lybie, aux cavernes d’Éryx
Des dipsades, des dards, des sépés, des natrix,
Moins hideux sont les coups et les poisons moins rudes.

Quand chacun se tient ferme et combat à son rang,
Malgré les vents de flamme et les torrents de sang
On doit suivre sa route et mourir en silence,

Mais quand tout se débande, et que la foule émeut
L’air de ses cris peureux, alors, laissant sa lance,
L’intrépide guerrier se fait jour comme il peut.

Q15 – T14  – banv – On a voulu y voir un précurseur du ‘sonnet en x’ de Mallarmé. – (H.N.) dipsade : serpent dont la piqûre produit une chaleur et une soif excessives – sépé : morceau de fer qui sert à assujettir le canon du fusil dans la coulisse – natrix : nomm de la couleuvre à collier

Napoléon mourant vit une Tête armée … — 1854 (10)

Gérard de Nerval Les Chimères

La tête armée

Napoléon mourant vit une Tête armée …
Il pensait à son fils déjà faible et souffrant:
La Tête, c’était donc sa France bien-aimée,
Décapitée aux pieds du César expirant.

Dieu, qui jugeait cet homme et cette renommée,
Appela Jésus-Christ; mais l’abyme, s’ouvrant,
Ne rendit qu’un vain souffle, un spectre de fumée:
Le Demi-Dieu vaincu se releva plus grand.

Alors on vit sortir du fond du purgatoire
Un jeune homme inondé des pleurs de la Victoire,
Qui tendit sa main pure au monarque des cieux;

Frappés au flanc tous deux par un double mystère,
L’un répandait son sang pour féconder la Terre,
L’autre versait au Ciel la semence des Dieux!

Q8 – T15

La treizième revient … C’est encor la première; — 1854 (9)

Gérard de Nerval Les Chimères

Artémis

La treizième revient … C’est encor la première;
Et c’est toujours la Seule, – ou c’est le seul moment;
Car es-tu Reine, ô Toi! la première ou dernière?
Es-tu Roi, toi le Seul ou le dernier amant? …

Aimez qui vous aima du berceau dans la bière;
Celle que j’aimai seul m’aime encor tendrement:
C’est la Mort – ou la Morte … O délice! ô tourment!
La rose qu’elle tient, c’est la Rose trémière.

Saint napolitaine aux mains pleines de feux,
Rose au coeur violet, fleur de Sainte Gudule:
As-tu trouvé ta Croix dans le désert des Cieux?

Roses blanches, tombez! vous insultez nos Dieux,
Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle:
– La Sainte de l’Abîme est plus sainte à mes yeux!

Q9 – T17