Archives de catégorie : Variétés particulières

Mer — 1985 (5)

Maurice Regnaut Recuiam

Jamais
Et toujours,
N’es-tu pour nous,

Battante et sonnante
Qu’une horloge éternelle
Ou nos heures les plus hautes,
N’es-tu pas masse de nous voir

Faire aussi fous ces geste d’écume
Vers tant d’horizon, tant d’éphémère,
Mer, jamais et toujours pour rien et personne

Qu’être et que dire en vérité, horreur, splendeur,
Qui ne soit ni toi ni moi, mais l’énigme même,
Et simplement, par soif de sel, de gel de grand vent, de silence?

bdn – vL

C’était à l’horizon quelque peu moins loin qu’en lui-même, — 1985 (4)

Maurice Regnaut Recuiam

C’était à l’horizon quelque peu moins loin qu’en lui-même,
Il écoutait longtemps, puis soudain, de nouveau seul,
Il parlait: « Où sont-ils partis? Un jour peut-être,
Que peut-on espérer d’autre, ils reviendront,

Ils se rueront de n’importe où, ciel, routes,
Et je sais, le temps n’attendait qu’eux,
Survivants tous du même rêve,
Tous éclatants d’existence,

Ils passeront sur moi,
Sans rien reconnaître
Et m’enfouiront

Dans ta boue
Sanglante,
Siècle. »

bdn – boule de neige métrique fondante

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers — 1972 (2)

Pierre Albert-Birot Dix sonnets et une chanson

II

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers
Certes plus de pieds sont à la caserne
Si vous préférez quatorze pins verts
Allez aux pins en ce qui me concerne

Vais à sonnet n’est pas piqué des vers
Direz que je m’éclaire à la lanterne
Soit! Tout flambant le moderne univers
Me plaît ce soir d’entrer dans la caverne

Pétrir le silence avecque la nuit
Cherche la loi comme un vieil alchimiste
Aimer ce qui sert barrer ce qui nuit

Tel mot n’entre pas tant pis on le tord
On fait le savant et on fait l’artiste
Ci-gît un sonnet peut-être ai-je eu tort

Q8 – T24 – 10s – s sur s

Je félixarverise hélas! en vers risibles, — 1971 (1)

– Docteur René Chauvelot Les nouveaux sonnets du docteur


Les nouveaux sonnets

Je félixarverise hélas! en vers risibles,
Mais laisserai pourtant, quelques idées nouvelles:
Sonnet de type classique avec des extraits
De beaux vers méconnus, et du siècle dernier;

Quatorze vers dont chacun a son propre thème;
Reflet de notre époque, en vers blancs ou rimés;
Par réaction sonnet santé-moralité;
Une autre nouveauté le ‘sonnet d’Antigone’,

Avec mots retournés. Et puisque le sonnet
Est délaissé, je veux souvent sonnetiser
Et sur ce vieux surjeon créer quatorze formes.

bl  – 11v – s sur s

La volupté du soir, la nuit et son mystère — 1970 (10)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

Moïse

La volupté du soir, la nuit et son mystère
Descendaient sur ces monts où Japhet fut conçu ;
Et Moïse, accablé, enfin las de se taire,
Re-disait à IAVE ce discours par trop su :

«  O Seigneur, j’ai vêcu puissant et solitaire.
Souhaitant de passer de vous inaperçu
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre,
Exaucez-moi, Seigneur, vous dont j’ai tant reçu.

De cette auguste main que vous daignez me tendre
Rayez-moi de ce monde où nul ne veut m’entendre.
Je reviens à ma terre, en glissant tous mes pas

Sous votre ombre, ô Seigneur, à qui je fus fidèle ».
Or, Sa Voix retentit, et que lui disait-elle ?
« Je suis celui qu’on aime, et qu’on ne connaît pas »

Q08  T15  arv  d’après Vigny.

La cigale, un beau jour, s’en vint en grand mystère, — 1970 (9)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

La cigale et la fourmi

La cigale, un beau jour, s’en vint en grand mystère,
Chez la fourmi, ayant conçu
De quémander, mieux eût valu se taire
Un grain de mil, tout un chacun l’a su.

« Mon dénuement d’insecte solitaire
N’a pu de vous passer inaperçu
Prêtez-moi ces trésors que vous cachez sous terre,
Et je vous signe un bon reçu »

La fourmi, pas toujours tendre
Lui laisse entendre
D’aller ailleurs porter ses pas

«  A mes moindres défauts je veux rester fidèle »,
Lui dit-elle
« J’ai du bon tabac, tu n’en auras pas ».

Q08 – T15  arv – 2m :Texte polymétrique : alexandrins au vers 1 et 7 – décasyllabes : v 3 à6 – taratantara au vers 14 – octo : 2,8,11 – hepta :v 9 – tétrasyllabe : vers 10 – trisyllabe : vers 13.

Mais si, mon vieil ami, votre secret mystère — 1970 (8)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

Mais si, mon vieil ami, votre secret mystère
Je l’avais deviné quand vous l’aviez conçu.
Une femme sait bien l’amour qu’on veut lui taire,
J’attendais votre aveu sans que vous l’ayez su.

Hélas ! il est trop tard mon cher inaperçu !
Vous méritez un peu de rester solitaire :
Qui ne demande rien sur cette ingrate terre
Ne peut pas s’étonner de n’avoir rien reçu.

Puisque vous savez bien écrire des mots tendres,
J’aurais peut-être aimé, jeune encor, vous entendre
Au lieu du bruit discret de vos pas dans mes pas.

Vous n’avez pas senti, quoiqu’étant tout plein d’elle
Les rêves que peut faire une femme fidèle
Dans le lit d’un époux qui ne la comprend pas.

Q10  T15  arv

Hors paradis terrestre, en fleur d’or animé, — 1964 (1)

Emile Roumer Rosaire (couronne de sonnets)

sonnet liminaire
Immaculée conception

Hors paradis terrestre, en fleur d’or animé,
Eve entre flore ingrat, caverne l’ours pour asile,
Flancs déchirés par enfantement main inhabile
A repousser la mort et serpent endiamé*

Lors Isaïe té dit, parole enflammé
Le Christ oun vierge t’a fe l’, cé fond même l’Evangile
De Pi à Jean XXIII – Min san t’a pi facile
Soti lan jardin clos ou lun tombeau fermé ?

La Genèse pas t’ manqué prédi gloire deuxième Eve
Et toute chrétiene connin la Vierge, à la relève
T’a crasé tête serpent pour trahison passé.

Lan salut genre humain Bon Dieu prend, bien suprême
Choisit ac dilection rameau tige a Jessé
Pour que fleur donnin fruit et rété fleur quand même !

Q15  T14  – banv – métrique irr.

Il y avait une fois un vers de douze pieds — 1958 (7)

Raymond Queneau Sonnets

Invraisemblables sornettes de sodomites convertis

Il y avait une fois un vers de douze pieds
Qui se sentait trop seul cherchait un acolyte
Il n’alla pas plus loin que le bout de son nez
Et trouva le copain qu’il voulait tout de suite

Ils firent connaissance et tous deux étonnés
Qu’ils eussent en commun la rime sodomite
Contents un peu jaloux ils s’étaient accordés
Pour juger la rencontre un peu hermaphrodite

Le temps passa De deux ne devenant pas trois
Une astuce leur vint: la rime féminine
Puis d’autres: la césure et l’hiatus bien sournois

Il n’y eut plus de borne à tout ce feu grégeois
Multipliant sans fin prouesses comme exploits
Ils firent du sonnet la suprême combine

Q8 – T16 – s sur s

La rime est un carcan : je n’en fais pas mystère, — 1957 (5)

Florilège des Sonnets d’Arvers rénovés et signés des lauréats du Concours de la Muse d’Oc

(Georges Poucet)
L’énigme d’art vert

La rime est un carcan : je n’en fais pas mystère,
Un supplice plus dur, dans ce genre, est conçu,
Car le sonnet d’Arvers (j’eus préféré me taire)
Je dois le pasticher, ne l’ayant jamais su.

Mais, pourtant, ce problème est-il inaperçu ?
Non, près des Jeux Floraux, on n’est pas solitaire ,
Et plus d’un cavalier aura mis pied à terre :
Descendant de Pégase, il sera bien reçu.

Il lui faudra choisir le sévère ou le tendre ,
S’inspirer de son mieux, s’il veut se faire entendre,
Qu’on puisse en l’écoutant le suivre pas à pas,

En restant, à la rime, entièrement fidèle,
Gagnant le dernier vers encor tout rempli d’elle,
Il dira : c’est fini ! mais ne finira pas.

Q10  T15  arv  s sur s