Archives de catégorie : s sur s

Sonnets sur le sonnet

C’est un sonnet. Pensant à vous, très belle, — 1949 (1)

Tristan Klingsor Cinquante sonnets du dormeur éveillé

Le sonnet

C’est un sonnet. Pensant à vous, très belle,
A cet iris bordé de cils de nuit
Où la moquerie fait luire une perle,
Je le compose pour tromper l’ennui

Sorcier des mots, hélas! ce soir ne suis;
En habits d’or la syllabe rebelle
Paraît, danse, tournique et puis s’enfuit
Dès que ce niais de Sologne l’appelle

Et si l’amour recommençait sa fête,
Si la folle du logis revenait,
Ah! seriez-vous à cette heure où vous êtes?

Tant pis, je veux en avoir le cœur net;
Encore un vers, voici la chose faite:
N’en doutez pas, belle, c’est un sonnet.

Q11 – T20 – déca (peu réguliers) – s sur s

A quoi, mon cher amour, servirait l’exercice, — 1944 (10)

Robert Mélot du Dy Rimes des rhétoriqueurs

Chaîne d’amour

A quoi, mon cher amour, servirait l’exercice,
Si ce n’est à former de beaux corps amoureux?
Regarde ces danseurs, ivres de leurs délices:
Lis ce sonnet dansant que j’invente pour eux.

Heureux, l’amant bien fait, qu’en secret il jouisse
Ou hisse l’étendard de son cœur valeureux;
Heureux que la beauté deux fois les éblouisse,
Oui! ces corps deux fois beaux sont doublement heureux.

Regarde encor: voici qu’on accouple avec rimes,
Crimes délicieux du langage, les mots,
Modulant la musique amoureuse des mimes:

Imminent, le baiser sur les lèvres éclos
(L’eau m’en vient à la bouche) unira leurs tendresses …
Dresse-toi, mon sonnet, libre de maladresses!

Q8 – T23   s sur s

Exercice de ‘rime annexée’ (ACh): la fin de vers est reprise au début du vers suivant: exercice / Si cepour eux / heureux

Sonnet, ô sonnerie amie, ô soûlerie — 1936 (1)

Michel SeuphorL’ardente paix

Sonnet

Sonnet, ô sonnerie amie, ô soûlerie
De sons jolis, ô bal joyeux des lettres belles,
Ô fête très polie. Pensive pastourelle,
Quel est le doux joueur de vielle ou le génie,

Caché de nous, qui découvrit ton harmonie,
Ta forme claire, heureuse et à jamais nouvelle?
En as-tu mis sous ta tutelle, de ta dentelle
Liés, depuis le Dante et les académies

Chantantes de Provence! Moi, j’aime ta leçon:
Que le plus noble pas de danse est en fonction
D’une science de l’immobilité. C’est la contrainte

Qui donne la liberté, stimule, inspire, et l’art
Déjà triomphe, aborde la discipline sans crainte:
Au corps à corps paisible il reconnaît sa part.

Q15 – T14 – banv –  quelques vers métriquement îrréguliers – s sur s

Jadis, quand on rimait et pensait richement, — 1933 (5)

H René Lafon La rôtisserie des Muses ou l’art d’accommoder les rimes

Sonnet au sonnet

Jadis, quand on rimait et pensait richement,
Nos poètes faisaient, avec respect, usage,
Pour abriter l’idée ou pour fixer l’image
D’un tout petit hôtel particulier charmant.

On l’appelait : Sonnet. Cet étroit logement
Suffisant pour l’aïeul, semble au fils d’un autre âge ,
Et l’on fuit ce cher cadre où l’on tenait langage
Quatuordecimoversiculairement.

Le temps était auguste, il fleurait son naguère.
Pétrarque l’habita. Bombardé par la guerre,
La Muse en cheveux courts, ingrate, l’éconduit.

Un sonnet, pensez donc ! trois étages ! trop maigre ! …
Et c’est pourquoi l’on voit triompher aujourd’hui
Le gratte-ciel yankee… ou la paillotte nègre !

Q15  T14 -banv –  s.sur s

Violante m’ordonne de faire un sonnet, — 1930 (4)

Lope de Vega  (trad. G.Boussagol)

Violante m’ordonne de faire un sonnet,
De ma vie je ne me suis vu en un tel embarras ;
On dit que quatorze vers c’est un sonnet ;
Tout en plaisantant, en voilà trois ci-dessus

Je pensais que je ne trouverais pas de rime,
Et je suis à la moitié de l’autre quatrain :
Mais si j’arrive au premier tercet,
Il n’y a rien dans les quatrains qui m’épouvante.

Je suis en train d’entrer dans le premier tercet,
Et il semble même que j’y entre d’un bon pied,
Puisqu’avec ce vers j’y mets fin.

Déjà je suis dans le second, et je soupçonne même
Que je suis en train d’achever treize vers ;
Comptez s’ils sont quatorze, et le voilà fait.

r.exc. –   m.irr- tr –  s sur s « Un soneto me manda hazer Violante »

O Sonnet, tes quatorze rimes, — 1929 (1)

Henri de RégnierVestigia Flammae

Frontispice

O Sonnet, tes quatorze rimes,
En leur ordre bien mesuré,
Ont je ne sais quoi de sacré
Pareil aux dépouilles opimes!

Pur joyau, honneur de nos rimes,
Ton or, avec art ajouté,
Enchâsse le reflet nacré
Des mots qu’avec soin nous polîmes.

Comme les conques de la mer
Que travaille le flot amer
Au gouffre bleu que nul ne sonde,

Tu conserves tous les échos,
O Sonnet à la vie profonde,
En tes méandres musicaux!

Q15 – T14 – banv – octo  – s sur s

Comme un beau vase il doit être parfait ou plein. — 1928 (10)

Mathilde Delaporte Sonnets

Le sonnet

Comme un beau vase il doit être parfait ou plein.
Lorsqu’il est vide il faut, sans tache et sans jaspure,
Que les vers, épousant l’harmonieuse épure,
Soient d’un corps précieux, opaque ou cristallin.

Qu’on tremble d’y toucher, si l’on n’est pas enclin
A chercher au travers des mots la forme pure !
Pour oser modeler la parfaite courbure,
Il faut être un Seigneur de l’art, par un Vilain.

Cependant j’ai tenté la tâche difficile,
Et les flancs imparfaits de mon vase d’argile,
S’emplissent lentement d’une rare liqueur,

Ayant pour concentrer l’atome qu’il réclame,
Pressé de mes deux mains ma pensée et mon cœur
J’ai pu dans le Sonnet mettre des gouttes d’âme.

Q15  T14  s sur s

Sonnet, qui n’étais plus qu’un objet de musée, — 1920 (1)

Gauthier-Ferrières Le miroir brisé – sonnets


Sonnet ….

Sonnet, qui n’étais plus qu’un objet de musée,
Dans l’atelier sans air des froids Parnassiens,
Quitte les ciseleurs pour les musiciens
Et danse enfin sur l’herbe où perle la rosée.

Emplis de vin ta coupe, ouvre au vent ta croisée,
Sois libre, ailé, chantant, tourne, bondis, va, viens!
Et joue aux quatre coins dans tes quatrains anciens
Afin que mon Amie en soit tout amusée.

Rajeunis-toi pour elle et brise tes liens,
O Sonnet, noble fleur des parcs italiens,
Transplantée autrefois dans les jardins de France.

Chante lui sa beauté que tu suis pas à pas
Et quelquefois aussi chante lui ma souffrance,
Pourvu qu’en t’écoutant elle n’en souffre pas.

Q15 – T14 – banv – s sur s

Comme un vaisseau plein d’or s’en revient lentement — 1913 (14)

Charles d’Olonne Nouvelles heures chantantes

L’alexandrin du sonnet

Comme un vaisseau plein d’or s’en revient lentement
Du Pérou, du Far-West ou du sud de l’Afrique,
Le lourd alexandrin, d’un rythme magnifique,
Apporte des lointains un royal chargement.

Ce trésor, ce n’est pas les six pieds seulement,
La césure correcte et la rime classique;
C’est que chaque syllabe ait un bruit de musique,
Le mot une couleur, la phrase un mouvement.

Quand la fin d’un sonnet régulier est bien faite,
L’alexandrin vibrant ralentit, puis s’arrête.
Ainsi suspend ses feux, pavoise et rentre au port

Le navire vainqueur, tandis que sur le bord
Du môle qui s’allonge en un grand promontaire
La foule acclame en lui la puissance et la gloire.

Q15 – T13 – s sur s

Dès longtemps, sur le luth, j’exerce — 1908 (6)

Emmanuel Signoret Poésies complètes


Invocation

Dès longtemps, sur le luth, j’exerce
Mes doigts, sur tous, les mieux instruits:
Qu’une nouvelle mer me berce
Sur des vaisseaux par moi construits.

Ma hache brillante renverse
Un pin couronné de ses fruits,
Qui coupe le ciel et qui verse
Des torrents d’ombres et de bruits.

Qu’en ses flancs je taille ma barque!
Après Ronsard, après Pétrarque,
Légers sonnets, emportez-moi!

Jusqu’à ce qu’en l’or des trompettes,
Faisant trembler les cieux d’effroi,
Ma bouche souffle des tempêtes!

Q8  T14  octo  s sur s