A. de Gagnaud (ed.) – Almanach du sonnet pour 1874.
Au Poète
Sens
Prime
Rime:
Prends
Temps,
Trime,
Lime,
Fends;
Range,
Change
Mots …
Peine
Mène
Los.
Georges Garnier
Q15 – T15 – mono
A. de Gagnaud (ed.) – Almanach du sonnet pour 1874.
Au Poète
Sens
Prime
Rime:
Prends
Temps,
Trime,
Lime,
Fends;
Range,
Change
Mots …
Peine
Mène
Los.
Georges Garnier
Q15 – T15 – mono
– A. de Gagnaud (ed.) – Almanach du sonnet pour 1874. Sonnets inédits publiés avec le concours de 150 sonnettistes – Aix –
Dans cette époque ardente où la vapeur est reine,
Où les jours, plus pressés, pour tous semblent courir,
L’idéal, exilé de sa sphère sereine,
De rêves longs et doux ne peut plus se nourrir.
Le fait parle en despote, et sa voix souveraine
Nous dit: il faut marcher et ne plus discourir,
Car la vie, aujourd’hui, n’est qu’une grande arène,
Où l’on entre à son tour pour lutter et mourir.
Dans cette course folle, où s’agiter c’est vivre,
Eh, qui donc a le temps de composer un livre,
Comme pour le présent écrit pour l’avenir?
Le sonnet, par sa forme exacte et condensée,
Répond à notre hâte, en servant la pensée,
Et par un dernier trait l’impose au souvenir.
Auguste de Vaucelle
Q8 – T15 – s sur s
– A. de Gagnaud (ed.) – Almanach du sonnet pour 1874. Sonnets inédits publiés avec le concours de 150 sonnettistes – Aix –
mr de Gagnaud écrit: » Le sonnet devient, de jour en jour, le moule préféré des poètes contemporains. « Il est à mes yeux, nous écrit Arsène Houssaye, le dernier mot de la poésie ». Ce qu’il y a de sûr, c’est que le temps a passé de ces versificateurs verbeux et vulgaires qui avaient si fort contribué à discréditer la rime et les rimeurs. Si quelque chose peut désormais réconcilier notre siècle avec les vers, ce ne peut être que ce petit poème, à l’allure alerte, au cadre exigu et rempli, et qui vise, non plus au charme banal et prolongé de l’oreille, mais à saisir, comme par surprise, la pensée ou le coeur. Déjà ceux qui ont suivi de près le mouvement littéraire de ces derniers ans ont pu constater que le retour au sonnet semble avoir rendu à la vieille Muse française quelque chose de son relief et de son prestige effacés. Propager le rhythme de Pétrarque, et de Marot sera donc travailler au relèvement de la poésie et, par suite, de toutes les grandes et belles choses dont elle est le véhicule. Telle est la première explication de ce petit livre. »
Le sonnet, selon lui, pourrait également ‘réduire la désunion politique’. Bigre!
Il propose la création d’une Académie du Sonnet.
L’ouvrage contient également une citation fort intéressante de Baudelaire, écrivant à un ami à propos de Joséphin Soulary. Cette lettre (généralement citée de manière incomplète) contient une des rares réflexions pertinentes dans le siècle sur la forme-sonnet. » Quel est donc l’imbécile (c’est peut-être un homme célèbre) qui traite si légèrement le sonnet et n’en voit pas la beauté pythagorique? parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense. Tout va bien au sonnet: la bouffonerie, la galanterie, la passion, la rêverie, la méditation philosophique. Il y a là la beauté du métal et du minéral bien travaillés. Avez-vous observé qu’un morceau de ciel aperçu par un soupirail, ou entre deux cheminées, deux roches, ou par une arcade, etc. donnent une idée plus profonde de l’infini que le grand panorama vu du haut d’une montagne? Quant aux longs poèmes, nous savons ce qu’il faut en penser; c’est la ressource de ceux qui sont incapable d’en faire de courts. Tout ce qui dépasse la longueur de l’attention que l’être humain peut prêter à la forme poétique, n’est pas un poème. » (L’image du ‘morceau de ciel fait penser à Oscar Wilde)
‘ L’homme célèbre’ en question était le père Enfantin (le principal propagateur des idées saint-simoniennes) qui avait envoyé à Soulary (dont un livre de sonnets était imprimé en caractères rares) une virulente admonestation:
« Que faire en un sonnet? pourquoi faire des copies de Raphaël, quand on sait manier le pinceau? pourquoi flûter dans des pipeaux, quand on a l’orgue? Pourquoi imprimer en caractères que personne ne sait lire, et qui seront de l’hébreu avant un siècle, à l’usage seulement de quelques dizaines d’archéologues?
» Les grands artistes que nous prenons pour modèles, pourquoi les admirons-nous? Précisément parce qu’ils ont été les novateurs de leur temps, les initiateurs deleur avenir, et non pas les copistes, même habiles, de leur passé.
« Je sais bien que Didot et l’imprimerie impériale n’ont pas posé les colonnes d’Hercule; mais celles-ci n’ont pas arrêté Vasco de Gama ni Christophe Colomb, qui ne se sont pas bornés à la Méditerranée et à la Mer Rouge. Les renaissances sont bonnes à défaut de naissances; mais ces résurrections sentent toujours le cadavre et non pas le lait des mammelles maternelles.
« David n’a pas pu ressusciter les Grecs et les Romains, ni Hugo le Moyen-âge, ni Sainte-Beuve Ronsard. Tout cela est bien mort au fond, et même dans la forme, qui n’est plus que figures de cire ou trompe-l’oeil, nature morte, objet de curiosité de cabinet d’amateur.
« Ce n’est pas ainsi que marche la nature. Inspirons-nous donc aujourd’hui du sentiment de progrès qui animait à toutes époques les grands artistes, et qui leur ont fait découvrir et exprimer, dans leur temps, les idées et les formes supérieures à celles de leurs devanciers et de leurs contemporains; idées et formes génératrices de leurs successeurs et de nous-mêmes, et produisons, comme eux, les idées et les formes supérieures aux leurs, et génératrices de leur propre avenir. « .
– Achille Servières – Nouvelles givordines , sonnets –
Inutiles conseils. Double sonnet. A mes nouvelles givordines.
Quoi! vous languissez à mourir!
Il vous tarde donc, mes cadettes,
Loin de Givors d’aller courir?
Que je vous plains, Givordinettes!
Vous savez pourtant que vos soeurs
Sont sous le fouet de nos censeurs.
Penseriez-vous, petites folles,
Pouvoir, loin de mon cabinet,
Vous garantir du cabinet
Des Zoïles des deux écoles?
Seriez-vous plus belles, plus drôles,
Comme ma muse, en ce sonnet,
En l’air jetant votre bonnet,
Feriez-vous mille cabrioles;
Des envieux et des jaloux
Serpents, à l’harmonie affreuse,
Dont la morsure est venimeuse,
Vous n’éviterez pas les coups.
Vous pourrez bien trouver chez nous,
Au fond de ma vallée ombreuse,
Quelque âme bonne et généreuse
Qui vous rendra vos jours plus doux.
Mais, hélas!, qu’est-ce qu’un sourire,
Près du sarcasme qui déchire
Comme la ronce du chemin! ….
Et, trépignant d’impatience,
Vous venez me serrer la main …
Allez, enfants, et bonne chance.
s.rev: ede dcc baab baab + Q 15 – T14 – banv – octo – Ce ‘double sonnet ‘ est fait de deux sonnets tête-bêche, commençant par le ‘sonnet renversé’
Joseph Autran
Les éclaireurs de Guillaume
J’avais un serviteur antique,
Brave Caleb sur son déclin ;
J’avais un jeune domestique
Qui se donnait pour orphelin.
Etrangers à la politique,
Aucun d’eux n’avait l’air malin,
De même origine exotique,
Tous deux me venaient de Berlin .
Ces gens, naïfs comme des pitres,
Avaient pourtant l’étrange goût
De fureter dans mes pupitres,
De lire toutes mes épitres,
Enfin, de ne laver les vitres,
Que pour mieux regarder partout.
Q8 T16 octo
– – Joseph Autran – Sonnets capricieux –
Je t’invoque, Sonnet ! Fi du poème énorme
Qui, de ses douze chants, assomme l’auditeur !
Sur le ton solennel que tout autre s’endorme,
Toi, tu n’as pas le temps d’assoupir un lecteur.
J’aime ton pas léger, j’aime ta mince forme ;
Ayant si peu de corps, tu n’as pas de lenteur,
On fait un lourd fagot avec le bois de l’orme,
Avec un brin de rose on fait une senteur !
Va donc, cours et reviens, demande à l’hirondelle
Cet essor qui franchit tout le ciel d’un coup d’aile ;
Au fier cheval de Job emprunte son galop
Sois l’éclair, le rayon, le regard, le sourire.
Oh ! et fais en un mot que l’on ne puisse dire :
« Quatorze vers, c’est encor trop ! »
Q8 T15 2m s sur s
Robert Caze Les poèmes de la chair
Plaisirs du dimanche, sonnet bourgeois
Le dimanche, je reste au logis, accoudé
Sur un livre de vers ou bien sur une estampe ;
Et, pour chasser l’ennui qui parfois bat ma tempe,
Je fume lentement ma pipe, comme un dey
Nonchalant et rêveur sous son turban brodé.
Subtile, la fumée au plafond glisse, rampe,
Et meurt. Puis tout à coup j’entends frémir la rampe
De l’escalier; car un ami dévergondé
M’emmène dans les bois de Chaville ou d’Asnières,
Boire du petit bleu, manger du poisson frit.
L’on se grise et l’on fait la cour aux canotières.
Aussi, le lendemain, trouve-t-on dans son lit
Une femme couchée à côté de soi-même,
Qui vous dit doucement à l’oreille : « je t’aime ! »
Q15 T23
Antoine Monnier
Requiem
Quand tu ne seras plus, ô ma belle maîtresse,
Quand sous le marbre blanc reposera ton corps ;
Quand de tes noirs cheveux l’interminable tresse
Ne s’embaumera plus que du parfum des morts ;
Lorsque que le ver aura sur ta gorge polie
Visqueusement laissé son baiser glacial ;
Lorsque l’arc amoureux de ta lèvre pâlie
A nu laissera voir ton rire sépulcral ;
J’étalerai tes os sur un coussin de moire,
Pour liens je prendrai ton collier ciselé,
Alors je dresserai ton squelette d’ivoire :
Dans mon lit s’étendra ton torse articulé ;
Et pour que notre amour aux temps soit révélé ,
Sur ton crâne luisant j’en graverai l’histoire.
Q59 T21
Antoine Monnier Eaux fortes et rêves creux : sonnets excentriques et poèmes étranges
Rien
Il est un mot affreux qui sonne à mon oreille
Comme du glas tintant le funéraire bruit,
C’est celui qu’à la fin de sa dernière veille
Jeta le vieux Faustus aux souffles de la nuit.
C’est celui que Goya grava comme légende
Au-dessous d’un fantôme entr’ouvrant son tombeau,
Semblable au ‘jamais plus !’ qu’après chaque demande
Poë fait répéter le sinistre corbeau.
C’est lui qu’ont prononcé les esprits des ténèbres,
Quand se sont accomplis les désastres célèbres ;
C’est par lui que tout fut, et le mal et le bien ;
C’est lui qui sert d’enseigne à l’humaine misère ;
C’est lui qui peut donner le vertige à la terre ;
Lui qui ronge le monde et cependant est : RIEN !
Q59 T15
– Shakespeare Sonnets, trad. E. Montégut
CXXIX
La luxure en acte c’est la dépense de l’âme dans un abîme de honte, et lorsqu’elle a passé en acte la luxure est parjure, meurtrière, sanguinaire, pleine de blâmes, sauvage, excessive, brutale, cruelle, indigne de confiance. On n’en a pas plutôt joui, que soudain on la méprise; on la poursuit hors de toute raison, et on ne l’a pas plutôt satisfaite qu’on la hait au-delà de toute raison, comme une amorce qu’on a avalée et qui était placée tout exprès pour rendre fou celui qui l’avalerait: c’est une folie dans la poursuite, et une folie dans la possession, elle est extrême à la fois dans le souvenir du plaisir passé, dans le présent de la jouissance, et dans l’appétit qui nous pousse à l’assouvir: d’avance c’est un bonheur, après une véritable infortune; d’abord c’est une joie qu’on se propose, ensuite ce n’est plus qu’un rêve. Tout cela, le monde le sait parfaitement, cependant personne ne connaît le moyen d’éviter le ciel qui conduit les hommes à cet enfer.
sh129 pr