Je suis le tensoriel, le vieux, l’inconsommé — 1973 (7)

Raymond Queneau

Deux transformations, à partir de Nerval, par la méthode oulipienne du ‘S+7’, à l’aide de deux dictionnaires différents.- II

El Desdonado
Je suis le tensoriel, le vieux, l’inconsommé
Le printemps d’Arabie à la tourbe abonnie
Ma simple étole est molle et mon lynx consterné
Pose le solen noué de la mélanémie.

Dans l’obi du tombeur toi qui m’as consommé
Romps-moi le Peïpous et la miss d’Olympie
La foi qui poignait tant à mon coin désossé
Et la trempe où la pente à la rosse s’appuie.

Suis-je Ampère ou Phédon? Luxembourg ou Biton?
Mon fruit est roux encor du balai de la peine,
J’ai riblé dans la grue où nappe la trentaine

Et j’ai trois fois vairé travesti l’Alagnon
Moissonnant tour à tour sur la mâche d’Ougrée
Les sourcils de la salle et les crics de la fouée.

Q8 – T30

Je suis le tenu, le vibrant, l’incontrôlable — 1973 (6)

OulipoLa Littérature potentielle

Raymond Queneau

Deux transformations, à partir de Nerval, par la méthode oulipienne du ‘S+7’, à l’aide de deux dictionnaires différents.


El Desecativo

Je suis le tenu, le vibrant, l’incontrôlable
Le priodonte d’Aramits à la tourmaline abonnée,
Ma sextile étrangeté est moulue et mon lycanthrope constricteur
Poste le solin nominal de la mélique.

Dans la nuncupation du ton, toi qui m’as constellé
Renfaîte-moi le Pélion et la mercuriale d’Ivry,
La floculation qui planifiait tant à mon cofidéjusseur dessalé
Et la trempe où le panaméricanisme à la rosse s’alphabétise.

Suis-je Amundsen ou Philémon? Lycomède ou Blackett?
Mon frottement est roulier encor du balai de la réitération.
J’ai reviré dans la guelte où nasalise la smaltine

Et j’ai trois fois valide trélingué l’Adriatique
Modelant tour à tour sur la machette d’Ortolan
Les sourires de la saisie-exécution et les cricris de la félonie.

vL

1973 (1 à 5)

- Oulipo – La Littérature potentielle
Jean Queval
1-5 Cinq sonnets
ce  coeur pur   vitrifié     mystérieux       un peu mort
ce  richard     décéda       dans son parc    étoilé
ce  faux dur    supprimé     vaniteux         il s'endort

ce  vieillard   susurra      que son arc      épuisé
ce  n'enfant    réfléchit    dit qu'ailleurs  sur la trame
ce  mormon      suçotant     le radar         qui l'avive
ce  mendiant    reverdi      ce rameur        et sa dame

ce  cochon      tatouillant  le nectar        d'origine
ce  n'outil     ramollot     militant         consterné
ce  fusil       parpaillot   d'un amant       concerné
ce  sabir       connaisseur  d'un gymnaste    infernal
ce  trépas      amoureux     le voyeur        un marine
ce  n'en cas    fastidieux   sans chaleur     assassine
ce  roi Lear    inventeur    d'un surplace    ordinal
"Si l'on s'arrête à la disposition verticale du sonnet en alexandrins, quatre autres sonnets se détachent,
ainsi que le suggère avec discrétion leur mise en page: successivement un sonnet en vers de 1 pied
(on pourra soustraire cette plaisanterie sordide), un sonnet en vers de 2 pieds, un sonnet en vers de 3 pieds,
 un sonnet en vers de 6 pieds, un sonnet en vers de 9 pieds. Ensuite les alexandrins. L'ensemble se figure
par conséquent selon le principe alluvionnaire, ou boule de neige. "
Q59 - T15

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers — 1972 (2)

Pierre Albert-Birot Dix sonnets et une chanson

II

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers
Certes plus de pieds sont à la caserne
Si vous préférez quatorze pins verts
Allez aux pins en ce qui me concerne

Vais à sonnet n’est pas piqué des vers
Direz que je m’éclaire à la lanterne
Soit! Tout flambant le moderne univers
Me plaît ce soir d’entrer dans la caverne

Pétrir le silence avecque la nuit
Cherche la loi comme un vieil alchimiste
Aimer ce qui sert barrer ce qui nuit

Tel mot n’entre pas tant pis on le tord
On fait le savant et on fait l’artiste
Ci-gît un sonnet peut-être ai-je eu tort

Q8 – T24 – 10s – s sur s

Eve de l’été belle et les Greques en mer — 1972 (1)

Adolphe Haberer in Georges PerecLes revenentes

Eve de l’été belle et les Greques en mer
Que cherché-je en ces nefs et qu’égrénent mes rêves
Hélène qe je révère en l’ébène pervers
Est le léthé qe j’erre de femme en sèche grève

Vers qelle trève versé-je sèves en terre
Qe d’eternelles pentes épellent en lèvre lentes
Trente femmes blessèrent le blé de Déméter
Et le blé que je sème dressé levé me tente

Le pré bée vert de celle (et le dé est jeté)
Qe pressent sept épées emmêlées de l’été
Q’Eve lésée en l’Eden qe le gel défend

Ne s’éveye d’emblée et me rejette rèche
Vermeye c’est le ventre vers leqel je tends
Qe se fêle l’été en ce rêve revèche.

Q59 – T14 – Monovocalique en ‘e’.

La nuit était ancienne — 1971 (3)

René CharLe nu perdu

Déshérence

La nuit était ancienne
Quand le feu s’entrouvrit.
Ainsi de ma maison.

On ne tue point la rose
Dans les guerres du ciel.
On exile une lyre.

Mon chagrin persistant,
D’un nuage de neige
Obtient un lac de sang.
Cruauté aime vivre.

O source qui mentis
A nos destins jumeaux,
J’élèverai du loup
Ce seul portrait pensif!

s.rev – bl – 6s

Je félixarverise hélas! en vers risibles, — 1971 (1)

– Docteur René Chauvelot Les nouveaux sonnets du docteur


Les nouveaux sonnets

Je félixarverise hélas! en vers risibles,
Mais laisserai pourtant, quelques idées nouvelles:
Sonnet de type classique avec des extraits
De beaux vers méconnus, et du siècle dernier;

Quatorze vers dont chacun a son propre thème;
Reflet de notre époque, en vers blancs ou rimés;
Par réaction sonnet santé-moralité;
Une autre nouveauté le ‘sonnet d’Antigone’,

Avec mots retournés. Et puisque le sonnet
Est délaissé, je veux souvent sonnetiser
Et sur ce vieux surjeon créer quatorze formes.

bl  – 11v – s sur s

La volupté du soir, la nuit et son mystère — 1970 (10)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

Moïse

La volupté du soir, la nuit et son mystère
Descendaient sur ces monts où Japhet fut conçu ;
Et Moïse, accablé, enfin las de se taire,
Re-disait à IAVE ce discours par trop su :

«  O Seigneur, j’ai vêcu puissant et solitaire.
Souhaitant de passer de vous inaperçu
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre,
Exaucez-moi, Seigneur, vous dont j’ai tant reçu.

De cette auguste main que vous daignez me tendre
Rayez-moi de ce monde où nul ne veut m’entendre.
Je reviens à ma terre, en glissant tous mes pas

Sous votre ombre, ô Seigneur, à qui je fus fidèle ».
Or, Sa Voix retentit, et que lui disait-elle ?
« Je suis celui qu’on aime, et qu’on ne connaît pas »

Q08  T15  arv  d’après Vigny.

La cigale, un beau jour, s’en vint en grand mystère, — 1970 (9)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

La cigale et la fourmi

La cigale, un beau jour, s’en vint en grand mystère,
Chez la fourmi, ayant conçu
De quémander, mieux eût valu se taire
Un grain de mil, tout un chacun l’a su.

« Mon dénuement d’insecte solitaire
N’a pu de vous passer inaperçu
Prêtez-moi ces trésors que vous cachez sous terre,
Et je vous signe un bon reçu »

La fourmi, pas toujours tendre
Lui laisse entendre
D’aller ailleurs porter ses pas

«  A mes moindres défauts je veux rester fidèle »,
Lui dit-elle
« J’ai du bon tabac, tu n’en auras pas ».

Q08 – T15  arv – 2m :Texte polymétrique : alexandrins au vers 1 et 7 – décasyllabes : v 3 à6 – taratantara au vers 14 – octo : 2,8,11 – hepta :v 9 – tétrasyllabe : vers 10 – trisyllabe : vers 13.

par Jacques Roubaud