Archives de catégorie : Disposition strophique

La disposition ordinaire 4+4+3+3 n’est pas signalée.

D’Hébé, jeune et vive, la fraicheur éclatante — 1832 (7)

– Jeannet Desjardins Mes souvenirs d’Angleterre

XIV – Hébé

D’Hébé, jeune et vive, la fraicheur éclatante
Eclipse les roses mêlées à ses cheveux ;
L’émail éblouissant de sa robe flottante
Est moins resplendissant que l’éclat de ses yeux.
Un jour en versant dans la coupe fumante
Le nectar qu’à longs traits savourent tous les dieux,
Elle glisse, chancelle, et tombe dans les cieux.
Combien les déesses, jalouses de ses charmes,
Goûtèrent de plaisirs à la vue de ses larmes !
La seule qui fut triste est mère de l’amour !
L’immortelle assemblée la bannit sans retour,
Donnant à Ganymède aussitôt son office,
Et son petit faux pas causa ce grand supplice.

Métrique très irrégulière. 13v !

Sommeil, fils du Silence et père du Repos, — 1832 (6)

– Jeannet Desjardins Mes souvenirs d’Angleterre

XVI – Sonnet imité de Drummond

Sommeil, fils du Silence et père du Repos,
La Paix, née de ton sein, se répand sur la terre ;
Les bergers et les rois devant toi sont égaux,
C’est toi qui des humains consoles la misère !
L’être qui respirait dans l’oubli de ses maux
Sent sous ta baguette se fermer sa paupière :
Tu refuses sur moi d’épancher ces pavots
Que tu verses sur tous d’une aile tutélaire.
Daigne étendre ta main qui sécha tous les pleurs,
J’implore ta puissance, accablé de douleurs,
Ah, viens, viens de mon cœur dissiper les alarmes !
Dieu puissant, quels qu’ils soient, dispense tes bienfaits !
Plutôt que de vivre sans connaître tes charmes,
Si tu m’offrais la mort je baiserais tes traits !

Q8  T14  sns  tr

adaptation du sonnet ‘ Sleep, silence’ child, sweet father of soft rest’.

Métrique incertaine : des ‘e muets’ à la césure aux vers 6 et 13

Du haut des cieux, un soir, je vis descendre — 1827 (3)

M.J. in L’hommage aux demoiselles

Imitation de l’italien de Pétrarque
Du haut des cieux, un soir, je vis descendre
Un ange ailé d’un aspect féminin,
Aux blonds cheveux, au regard doux et tendre,
Aux pieds légers, au sourire divin !
Seul, étonné, craignant de me méprendre,
A pas pressés je suivois mon chemin,
Lorsqu’il m’appelle, en me tendant la main.
J’approche … un lacs d’une invisible soie
Fixe mes pieds … et je deviens sa proie.
Depuis ce jour ….combien de maux soufferts !
Mon œil troublé voit partout son image,
J’aime, …. je crains, …. j’espère, …. et perds courage ;
Impatient, fatigué de mes fers,
Je veux quitter la beauté que je sers,
Et ne peux fuir un aussi doux servage.

15 v .-déca   sns  rvf

Lorsque, pensif, j’entends le doux ramage — 1827 (2)

M.M.J. in L’hommage aux demoiselles

Imitation de Pétrarque

Lorsque, pensif, j’entends le doux ramage
De Philomèle exprimant ses douleurs,
Le vent frémir au travers du feuillage,
Et le ruisseau qui baigne ce rivage
En mumurant bondir parmi les fleurs,
Mon esprit suit sa vague rêverie
Et pénétré des feux que je ressens,
Je vois, j’écoute une beauté chérie,
Qui retourna vers les cieux, sa patrie,
Et qui, de loin, répond à mes accents !
Sa voix me dit, dans un tendre langage :
« Pourquoi vouloir, au milieu de ton âge
Te consumer en stériles regrets ?
Si j’ai quitté le bocage si frais,
Si le néant a dévoré mes charmes,
Sur mon destin ne verse pas de larmes ;
Songe plutôt à mes félicités,
La mort me donne une vie immortelle,
Et quand mes yeux, de douleur attristés,
Semblaient voilés par la nuit éternelle,
Ils se rouvraient aux célestes clartés »

21 octosyllabes  rvf  sns

Italie! Italie! Ah! quel destin perfide — 1821 (4)

Madame de Staël Oeuvres (tome XVII)

Traduction du sonnet de Filicaia sur l’Italie

Italie! Italie! Ah! quel destin perfide
Te donna la beauté, source de tes malheurs?
Ton sein est déchiré par le fer homicide,
Tu portes sur ton front l’empreinte des douleurs.
Ah! que n’es-tu moins belle, ou que n’es-tu plus forte?
Inspire plus de crainte, ou donne moins d’amour.
De l’étranger jaloux la perfide cohorte
N’a feint de t’adorer que pour t’oter le jour.
Quoi! verras-tu toujours descendre des montagnes
Ces troupeaux de Gaulois, ces soldats effrénés,
Qui, du Tibre, du Pô, dans nos tristes campagnes,
Boivent l’onde sanglante, et les flots enchaînés?
Verra-t-on tes enfans, ceints d’armes étrangères,
Des autres nations seconder les fureurs;
Et ne marchant jamais sous leurs propres bannières,
Combattre pour servir, ou vaincus, ou vainqueurs?

ababcdcdefefghgh – sns – 16v – tr

Quand Jésus expiroit, à ses plaintes funèbres, — 1821 (3)

Madame de Staël Oeuvres (tome XVII)

Traduction du sonnet de Minzoni sur la mort de Jésus Christ

Quand Jésus expiroit, à ses plaintes funèbres,
Le tombeau s’entr’ouvrit, le mont fut ébranlé.
Un vieux mort l’entendit dans le sein des ténèbres;
Son antique repos tout à coup fut troublé.
C’était Adam. Alors, soulevant sa paupière,
Il tourne lentement son oeil plein de terreur,
Et demande quel est, sur la croix meurtrière,
Cet objet tout sanglant, vaincu par la douleur.
L’infortuné le sut, et son pâle visage,
Ses longs cheveux blanchis et son front sillonné
De sa main repentante éprouvèrent l’outrage.
En pleurant il reporte un regard consterné
Vers sa triste compagne, et sa voix lamentable
Que l’abîme, en grondant, répète au loin encor,
Fit entendre ces mots: Malheureuse coupable,
Ah! pour toi j’ai livré mon Seigneur à la mort.

ababcdcdefefghgh – sns – 16v – tr

Quelle est la région du ciel où la nature — 1819 (6)

Pierre Chas Pétrarque, suivi de Poésies diverses

Traduction libre du sonnet de Pétrarque, ‘in qual parte del ciel..’

Quelle est la région du ciel où la nature
A vu le type humain de l’aimable figure
Dont l’ensemble, ici-bas, est la preuve, à nos yeux,
De tout ce qu’elle peut, dans le séjour des cieux?
Quelle Déesse, errant dans la forêt lointaine,
Ou quelle Nymphe, assise au bord d’une fontaine,
Comme Laure, avec grâce, aux zéphirs amoureux,
Sut jamais déployer l’or pur de ses cheveux?
Voit-on tant de vertus ensemble dans une âme?
Et cependant je meurs, victime de ma flamme.
Il se figure en vain la divine beauté
Celui qui, de l’objet dont je suis enchanté,
Ignorant les attraits, n’a jamais su surprendre
De ses yeux enivrants le mouvement si tendre.
Il ignore comment l’amour blesse et guérit,
Celui qui ne sait pas comment Laure sourit,
Celui qui ne sait pas apprécier encore
La douceur des soupirs et du parler de Laure.

aabbccddeeffgghhii – sns – 18v – rvf

Pierre Chas se satisfait de 18 alexandrins plats pour rendre le n° clix de Pétrarque ( » In qual parte del ciel, in quale ydea »).

Alors qu’un franc courtier tient en main bonne affaire — 1817 (5)

–  A. Poujol Sonnet Impromptu – A des commerçans qui ont abusé de la confiance d’un commissionnaire


Alors qu’un franc courtier tient en main bonne affaire
S’il connoît des marchans qui veulent la traiter
Seroit-il pas un sot s’il alloit s’arrêter
A celui qui toujours lui rogne son salaire ?
Plus encore aux marchands d’un âpre caractère,
Qui ne connoissant point l’art de se respecter,
Et celui, moins encor, le grand art de traiter,
Contents de s’épargner un modique honoraire.
Quand un courtier loyal leur a lâché le nom
Et le prix du vendeur, sur bon échantillon,
Ils refusent soudain ce qu’ils brûlent de prendre.
Que font ces maladrois ? ils traitent sans courtier,
Risibles ignorans du jeu de ce métier
Qu’il pretent dix pour un, trop sots pour bien comprendre.

Q15  – T15 – sns

Agent trop criminel du tyran Robespierre, — 1806 (1)

Alexandre Sonnerat Collection complète des œuvres de poésie

Sonnet à Collot d’Herbois, d’exécrable mémoire

Agent trop criminel du tyran Robespierre,
Bourreau de mon pays, infâme dictateur !
Avant de terminer ta coupable carrière,
Laisse entrer un moment le remords dans ton cœur !
Contemple, malheureux, la suite de tes crimes !
Vois le Rhône frémir et reculer d’horreur !
Ses flots ensanglantés ont roulé tes victimes
Vivant pour la patrie et mourant pour l’honneur.

Des sifflets de Lyon ton injuste partage
Tu voulus te venger dans ta jalouse rage ;
Tu fis couler le sang pour flatter ton orgueil ;
Pour prix de tes forfaits quand la hache fatale
Viendra s’appesantir sur ta tête infernale
Un bravo général fermera ton cercueil.

Q38  T15  disp 8+6

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M.Restaut : Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise –(première éd. 1748) Du Sonnet – Nous n’avons rien de plus beau dans notre poésie que le Sonnet, quand il est bien exécuté. les pensées doivent y être nobles et relevées, les expressions vives et harmonieuses ; et l’on n’y souffre rien qui n’ait un rapport essentiel à ce qui en fait le sujet. Mais il est assujetti à des regles si gênantes, qu’il est très-difficile d’y réussir, et que nous en avons fort peu de bons.

Il est composé de quatorze vers, toujours de la même longueur, et pour l’ordinaire de douze syllabes, quoiqu’on en fasse quelquefois de dix, et même de huit et de sept. Mais ils ont moins de beauté et d’harmonie.

Ces quatorze vers sont partagés en deux quatrains et un sizain.

Les deux quatrains doivent avoir les rimes masculines et féminines semblables, que l’on entremêle dans l’un de la même manière que dans l’autre.

Le sizain commence par deux rimes semblables, et il y a après le troisième vers un repos qui le coupe en deux parties que l’on appelle Tercets, c’est à dire, stances de trois vers.

Il faut éviter autant qu’il est possible, que le mêlange des rimes dans les quatre derniers vers du sizain, soit le même que dans les quatrains. …..

Voici un sonnet qui exprime la nature du sonnet même
Doris qui sait qu’aux vers quelquefois je me plais,
Me demande un sonnet, et je m’en désespère.
Quatorze vers, grand Dieu ! le moyen de les faire ?
En voilà cependant déjà quatre de faits.
Je ne pouvois d’abord trouver de rimes, mais
En faisant on apprend à se tirer d’affaire.
Poursuivons, les quatrains ne m’étonneront guere,
Si du premier tercet je peux faire les frais.
Je commence au hasard, et si je ne m’abuse,
Je n’ai pas commencé sans l’aveu de ma muse,
Puisqu’en si peu de temps je m’en tire si net.
J’entame le second, et ma joie est extrême :
Car des vers commandés j’achève le treizième.
Comptez s’ils sont quatorze ; et voilà le sonnet.
Regnier Desmarais (1708) ; ‘imité  de Lope deVegue’

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Ainsi donc ta valeur te fait monter au trône! — 1805 (1)

Michel de Cubières (jeune) Traduction d’un sonnet de Luigi Tardi

Imitation

Ainsi donc tavaleur te fait monter au trône!
Ainsi NAPOLEON que le peuple couronne,
Ne doit qu’à ses talens son Empire nouveau:
Il est de son pays le guide et le flambeau,
Il s’est créé lui-même: ô prodige héroïque!
L’histoire, dont la tâche est d’être véridique,
Aux travaux de César préfère ses travaux;
Pour lui la poésie apprête ses pinceaux;
Et déjà l’Italie, en grands hommes féconde,
Aime à le regarder comme un maître du monde.

Reçois le diadême, et que l’esprit divin
T’inspire ô mon héros! L’amour du genre-humain.
De ton couronnement les pompes magnifiques
Te mettent sur la terre au-dessus d’un mortel;
Mais souviens-toi toujours, du haut de ton autel,
Que les Rois les plus grands sont les Rois pacifiques.

aabbccddee – T15 – disp: 10+6 – 16v – tr

Michel de Cubières récidive (cf 1801.1), avec cette Traduction d’un sonnet de Luigi Tardi – Alla sacra Maestà di Napoleone – « Figlio di tuo sapere, della Vittoria / diletto …. » . Il ne respecte toujours pas la forme de son modèle, mais fait un effort pour échapper à la platitude (dans la disposition des rimes, uniquement) avec un dernier quatrain à rimes embrassées (deed). Le placement des vers dans la page (dizain plus sixain, tous deux alignés) est anomal.

Une épigramme-charade  de Rivarol « Avant qu’à mon dernier mon tout se laisse choir / Ses vers à mon premier serviront de mouchoir »
Oeuvre poétique: Les hochets de ma jeunesse
Pendant la Révolution, il composa 36 hymnes civiques sur les 36 décadis de l’année, et un poème sur le calendrier républicain
Son frère aîné, le marquis de Cubières a écrit L’Histoire des coquillages de mer et de leur amours