Archives de catégorie : Formule de rimes

C’est le Milieu, la Fin et le Commencement, — 1867 (2)

Coll.Le Parnassiculet contemporain

Panthéisme

C’est le Milieu, la Fin et le Commencement,
Trois et pourtant Zéro, Néant et pourtant Nombre,
Obscur puisqu’il est clair et clair puisqu’il est sombre,
C’est Lui, la Certitude et Lui l’Effarement!

Il nous dit Oui toujours, puis toujours se dément.
Oh! qui dévoilera quel fil de Lune et d’Ombre
Unit la grange noire et le bleu firmament,
Et tout ce qui va naître avec tout ce qui sombre?

Car Tout est tout! Là-haut, dans l’Océan du Ciel,
Nagent parmi les flots d’or rouge et les désastres
Ces poissons phosphoreux que l’on nomme des Astres,

Pendant que dans le Ciel de la Mer, plus réel,
Plus palpable, ô Proteus, mais plus couvert de voiles,
Le vague Zoophyte a des formes d’étoiles.

Q14 – T30 – plusieurs auteurs parmi lesquels Paul Arène et Alphonse Daudet. Sur la garde de l’exemplaire offert par Paul Arène, à Charles Monselet : 
« Cette parodie du Parnasse contemporain fut imaginée et composée en commun par la colonie dite de Clamart, alors que nous y demeurions, Alphonse Daudet, Jean du Boys, Charles Bataille et moi .. »

L’Iambe estropié, — 1867 (1)

J.F. CostaLa Harpe éolienne

L’Iambe

L’Iambe estropié,
Cherchant un dactyle,
Rencontre Batylle,
Qui le met sur pié.

Alors, pour marcher,
Il bat la mesure;
Mais une césure
Le fait trébucher.

Il faut un spondée;
Il faut une idée,
Pour plus de soutien;

Cherche dans la nue,
Iambe, et continue
Ton métier de chien.

Q63 – T15 – 5s

de la préface: « A quoi rime, par le temps qui court, un recueil de sonnets? C’est ce que vont se dire les rares curieux qui jetteront un regard, en passant, sur la couverture de ce livre. Je trouve qu’ils auront parfaitement raison, et que notre époque a autre chose à faire que de s’occuper de ces vétilles. Elle a …. elle a …. je ne dirai pas ce qu’elle a.

Je confesse donc humblement ma faute; et les confessions publiques étant les plus méritoires, ces quelques lignes ont uniquement pour but de demander pardon pour les pages qui vont suivre. On me fera observer qu’il était plus simple de supprimer les pages; cela est encore vrai; mais, comme on n’est pas forcé de les lire, la chose revient absolument au même.

J’offre ici moins, à la vérité, un recueil de sonnets qu’une poignée de rêves. Je les donne dans l’état où ils sont venus et avec la forme qu’ils ont voulu revêtir. Il est possible, du reste, que ce soient des sonnets; ce dont je conviens, c’est que quelques uns en remplissent les conditions rythmiques. « 

Une habitude longue et douce lui faisait — 1866 (33)

Le Parnasse contemporain

Les violettes

Une habitude longue et douce lui faisait
Aimer pendant l’hiver les violettes blanches;
A l’agrafe du châle un peu court sur les hanches
Son doigt fin, sentant bon comme elle, les posait.

Un jour que le soleil piquant et clair grisait
Les moineaux francs criant par terre et dans les branches,
Elle me proposa d’aller tous les dimanches
Cueillir avec l’amour la fleur qui lui plaisait.

A présent, ce bouquet est tout ce que j’ai d’elle;
Mais j’y trouve toujours, pénétrant et fidèle,
Un vivace parfum émané de mon coeur.

Tel le verre vidé qu’un souvenir colore:
Le regret du buveur pensif l’embaume encore
Et la lèvre y croit boire un reste de liqueur.
Albert Mérat

Q15 – T15

La Mélencolia se tient sur une pierre, — 1866 (32)

Le Parnasse contemporain

Devant la Mélencolia d’Albert Durer

La Mélencolia se tient sur une pierre,
Le visage en sa main, cependant que le soir,
Triste, comme elle, étend son ombre sur la terre
Et qu’au loin le soleil s’éteint dans un ciel noir.

Que bâtit-on près d’elle? Est-ce un grand monastère
Pour une foi qui meurt, ou bien quelque manoir
Dont les canons un jour feront de la poussière?
– Le soleil, lentement, s’éteint dans le ciel noir. –

La Mélencolia, songeant à ce mystère,
Qui fait que tout ici s’en retourne au néant,
Et qu’il n’est nulle part de ferme monument,

Et que partout nos pieds heurtent un cimetière
Se dit: Oh! puisque tout se doit anéantir,
Que sert donc de créer sans fin et de bâtir?

Henri Cazalis

Q8 – T30

Timide, il me souvient qu’au jour je l’ai menée — 1866 (31)

Le Parnasse contemporain

La Saint-Jean

Timide, il me souvient qu’au jour je l’ai menée
Sur la terrasse haute au splendide coup d’oeil,
Où jadis un château gothique sous l’orgueil
De ses tours a tenu la plaine dominée.

C’était en juin, le mois le plus doux de l’année,
Le soir de la Saint-Jean … Les étoiles, au seuil
Du ciel bleu, surgissaient pâles et comme en deuil,
La plaine de grands feux était illuminée.

Sur les hauteurs, avec des rougeurs de tison,
D’autres brasiers lointains enfumaient l’horizon:
Et le fleuve, au milieu, déroulait ses méandres;

Et, tandis qu’à mon bras, pesait un bras peureux,
Sans nombre scintillaient des fanaux amoureux
Vers les blondes Héros invitant des Léandres.

Léon Valade

Q15 – T15

Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs — 1866 (30)

Le Parnasse contemporain

Angoisse

Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs
Nourriciers, ni l’écho vermeil des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales
Ni la solennité dolente des couchants.

Je ris de l’Art, je ris de l’Homme aussi, des chants,
Des vers, des temples grecs, et des tours en spirales
Qu’étirent dans le ciel vide les cathédrales,
Et je vois du même oeil les bons et les méchants.

Je ne crois pas en Dieu. J’abjure et je renie
Toute pensée, et quant à la vieille ironie,
L’Amour, je voudrais bien qu’on ne m’en parlât plus.

Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
Mon âme pour d’affreux naufrages appareille.

Paul Verlaine

Q15 – T14 – banv

La vie avance et fuit sans ralentir le pas; — 1866 (29)

Le Parnasse contemporain

Après la mort de Laure
Traduction de Pétrarque

La vie avance et fuit sans ralentir le pas;
Et la mort vient derrière à si grandes journées,
Que les heures de paix qui me furent données
Me paraissent un rêve et comme n’étant pas.

Je m’en vais mesurant d’un sévère compas
Mon sinistre avenir, et vois mes destinées
De tant de maux divers sans cesse environnées,
Que je veux me donner de moi-même au trépas.

Si mon malheureux coeur eut jadis quelque joie,
Triste, je m’en souviens; et puis, tremblante proie,
Devant, je vois la mer qui va me recevoir.

Je vois ma nef sans mâts, sans antenne et sans voiles,
Mon nocher fatigué, le ciel livide et noir,
Et les beaux yeux éteints qui me servaient d’étoiles.
Antoni Deschamps

Q15 – T14 – rvf (Pétrarque cclxii ‘La vita fugge e non s’arresta un’ora’)

Fatigué des méchants et des sots: – soucieux — 1866 (28)

Le Parnasse contemporain

Exil

Fatigué des méchants et des sots: – soucieux
Des lâchetés d’un monde immoral et factice,
Je fuis vers l’horizon d’où viendra la Justice,
Et je hais les vivants quand je songe aux aïeux.

Une femme, aux baisers chastes et sérieux,
A trempé ma fierté dans son amour complice;
Et je lui dis: –  » Quand tu craindras que je faiblisse,
Mets la main sur mon coeur et regarde mes yeux.

Va: devant les vainqueurs et ceux qui leur font fête,
Je n’humilierai point l’orgueil de la Défaite;
J’aime en toi la splendeur de ce que nous aimons.

Du moins, dans les mauvais hasards des aventures,
J’ai su placer nos Dieux plus haut que les injures
Et mon coeur est un temple isolé sur les monts!

Louis-Xavier de Ricard

Q15 – T15

Toutes, portant l’amphore, une main sur la hanche, — 1866 (27)

Le Parnasse contemporain

Les Danaïdes

Toutes, portant l’amphore, une main  sur la hanche,
Théano, Callidie, Amymone, Agavé,
Esclaves d’un labeur sans cesse inachevé,
Courent d’un puits à l’urne où l’eau vaine s’épanche.

Hélas! le grès rugueux meurtrit l’épaule blanche,
Et le bras faible est las du fardeau soulevé:
 » Monstre, que nous avons jour et nuit abreuvé,
O gouffre, que nous veut ta soif que rien n’étanche?

Elles tombent, le vide épouvante leurs coeurs.
Mais la plus jeune alors, moins triste que ses soeurs,
Chante et leur rend la force et la persévérance.

Tels sont l’oeuvre et le sort de nos illusions;
Elles tombent toujours, et la jeune espérance
Leur dit toujours:  » Mes soeurs, si nous recommencions! »

Sully-Prudhomme

Q15 – T14 – banv

Ce matin, nul rayon n’a pénétré la brume, — 1866 (26)

Le Parnasse contemporain


Journée d’hiver

Ce matin, nul rayon n’a pénétré la brume,
Et le lâche soleil est monté sans rien voir.
Aujourd’hui, dans mes yeux, nul désir ne s’allume;
Songe au présent, mon âme, et cesse de vouloir!

Le vieil astre s’éteint comme un bloc sur l’enclume,
Et rien n’a rejailli sur les rideaux du soir.
Je sombre tout entier dans ma propre amertume;
Songe au présent mon âme, et vois comme il est noir!

Les anges de la nuit traînent leurs lourds suaires;
Ils ne suspendront pas leurs lampes au plafond;
Mon âme, songe à ceux qui sans pleurer s’en vont!

Songe aux échos muets des anciens sanctuaires!
Sépulcre aussi, rempli de cendres jusqu’aux bords,
Mon âme, songe à l’ombre, au sommeil, songe aux morts!
Léon Dierx

Q8 – T30