Archives de catégorie : Formule de rimes

Près émaillés de fleurs, champs qu’arrose le Tage, — 1828 (5)

Pierquin de Gembloux Poésies nouvelles

Adieux du Camoëns

Près émaillés de fleurs, champs qu’arrose le Tage,
En répandant partout la vie et les plaisirs,
Ne vous verrai-je plus que dans mes souvenirs,
Bois charmans, frais gazons, témoins de mon jeune âge!

J’ignore si long-temps la fortune volage
Loin de vos heureux bords retiendra mes soupirs,
Quand vous serez rendus à mes brûlans désirs,
Et quand je reverrai ce paternel rivage!

Mais puisqu’ainsi l’ordonne un destin trop jaloux,
En éternels soucis je vais changer mes goûts;
A ce coeur qui vous aime il faut mettre des chaînes;

La voile est prête: on part: adieu, sol des héros!
Sur de nouveaux autels je vais porter mes peines,
Et mes larmes sans prix vont troubler d’autres eaux!

Q15 – T14 – banv

Mon nom parmi leurs noms! Y pouvez-vous songer? — 1828 (4)

–  Charles Nodier in Album d’Emile Deschamps

Mon nom parmi leurs noms! Y pouvez-vous songer?
Et vous ne craignez pas que tout le monde en glose?
C’est suspendre la nèfle aux bras de l’oranger,
C’est marier l’hysope aux boutons de la rose.

Il est vrai qu’autrefois j’ai cadencé ma prose,
Et qu’aux règles des vers j’ai voulu la ranger;
Mais sans génie, hélas, la rime est peu de chose,
Et d’un art décevant j’ai connu le danger.

Vous, cédez à la loi que le talent impose;
Unissez, dans vos vers, Soumet à Béranger,
Et l’esprit qui pétille à la raison qui cause.

Volez de fleurs en fleurs, comme, dans un verger,
L’abeille qui butine et jamais ne se pose.
Ce n’est qu’en amitié qu’il ne faut pas changer.

Q8 – T20 – y=x : c=b&d=a

Depuis longtemps je suis entre deux ennemis; — 1828 (3)

Antoni Deschamps in Album d’Emile Deschamps

Depuis longtemps je suis entre deux ennemis;
L’un s’appelle la mort & l’autre la folie;
L’un m’a pris ma raison, l’autre prendra ma vie;
Et moi, sans murmurer, je suis calme et soumis.

Cependant, quand je songe à tous mes chers amis,
Quand je vois à trente ans ma jeunesse flétrie,
Comme un torrent d’été ma fontaine tarie,
J’entr’ouvre mon linceul et sur moi je gémis.

– Il repose pourtant, disent entre eux les hommes,
Et, debout comme nous sur la terre où nous sommes,
Nous survivra peut-être encor plus d’un hiver.

– Oui, comme le polype aux poissons de la mer,
Ou comme une statue, en sa pierre immortelle,
Survit à ceux de chair qui passent devant elle.

Q15 – T14 – banv

Quand le temps, grand changeur des hommes et des choses, — 1828 (2)

Emile Deschamps Etudes françaises et étrangères

Sonnet

Quand le temps, grand changeur des hommes et des choses,
Aura, sur ce beau lieu, jeté l’oubli des ans,
Quand chênes et sapins, brisés comme des roses,
Ne seront plus que cendre ou cadavres gisants;

Qui sait si, du chaos de ces métamorphoses,
Ressuscitant nos bois, aux détours séduisants,
L’histoire saura dire à nos vieux fils moroses,
Quels rois y poursuivaient sangliers et faisans?

Mais peut-être mes vers, à la race lointaine,
Diront: Elle passa deux mois à Mortfontaine,
Et ces deux mois pour nous, passèrent comme un jour;

Et c’est pourquoi les fleurs, les biches inquiètes,
Et les oiseaux chanteurs, et les amants poëtes,
Pleins du souvenir d’elle, aimaient tant ce séjour.

Q8 – T15

Modèle d’amitié pour un sujet perfide, — 1828 (1)

Casimir Delavigne
La princesse Aurélie

Acte I, sc III: Alphonse, amoureux de la princesse: « J’écrivais … Malheureux! à qui pensais-je écrire?  / A ma verve amoureuse alors rien ne coûtait; / Mon inspiration jusqu’aux vers se montait: / Oui, j’ai jusqu’aux sonnets poussé la frénésie! / Quelle flamme éloquente et quelle poésie! / Allez, si du public un beau jour ils sont lus, / De Laure et de Pétrarque on ne parlera plus. /

Acte II, Scène I

Vers composés à Nola, sur le tombeau d’Auguste

Béatrix, lisant
Modèle d’amitié pour un sujet perfide,
Sans pitié pour l’amour, ton coeur, qui pardonna
Le crime avéré de Cinna,
Punit les torts secrets d’Ovide.

Aurélie Je veux voir l’écriture
(elle lit)

Amant d’une princesse, il trahit son devoir;

Une si douce erreur est-elle si coupable?
Sans y prétendre on est aimable,
Et l’on aime sans le vouloir.

Béatrix C’est bien vrai

Aurélie
Loin, bien loin du beau ciel dont l’azur nous éclaire,
Il meurt, mais il avait su plaire,
Et l’amour dut le regretter.
Sur ce froid monument, où mon exil m’enchaîne,
Je consens à subir sa peine,
Mais je voudrais la mériter.

Q63 – T15 – 2m : octo:v.3,4,7,8;10,11,13,14

Prince, c’en est donc fait, tu te rends dans la tombe!! … — 1827 (1)

Emile Astaix Essais de Versification

Sonnet sur la mort de Sa Majesté Louis XVIII, Roi de France

Prince, c’en est donc fait, tu te rends dans la tombe!! …
Le burin de l’histoire et la postérité,
Qui pleureront le jour où ta bonté succombe,
Diront que ta vertu vaut l’immortalité!

Hélas! les vifs regrets de la tendre colombe
Lorsque du plomb mortel son amant est blessé,
N’égaleront jamais ceux où mon coeur retombe
Au douloureux aspect de ton astre éclipsé.

Que m’importe la vie en ce moment funeste?
Au trépas de mon roi, grand Dieu, quel bien me reste? …
Le seul épanchement de mes chagrins pieux.

Mais sans doute ton âme à ses aïeux augustes
Ne pouvait envier un sort plus glorieus …
LOUIS s’est endormi du beau sommeil des justes!

Q8 – T14

Employé de banque à Bordeaux. L’un de ses deux sonnets. (L’autre est un acrostiche).

O ! Cieux, si du Très-Haut, dans votre immensité, — 1826 (2)

J-L – J.R. Les quatorze sonnets

La Divinité

O ! Cieux, si du Très-Haut, dans votre immensité,
Vous ne faites pourtant qu’étaler la puissance,
Quel sera donc l’éclat propre à sa majesté ?
Qui pourra soutenir sa gloire et sa présence ?

A lui seul est l’Empire et la Divinité,
Gardons-nous de vouloir pénétrer son essence,
Tandis que trois fois saint, sans blesser l’unité,
Il s’éclipse aux regards de votre intelligence.

Mais puisque sa nature au-dessus des humains
Demeure inaccessible à nos yeux incertains,
N’allons pas rechercher le jour avant l’aurore.

Mortel en attendant qu’elle se fasse voir,
Que ta raison se taise et ton silence adore
L’être dont le néant reconnut le pouvoir.

Q8  T14

Salut monarque heureux qui protegeas Molière, — 1826 (1)

L.M. Perenon Promenades poétiques

Sonnet aux manes de Louis XIV

Salut monarque heureux qui protegeas Molière,
Les Racine, Boileau, Corneille & Fénelon,
Bossuet & Fléchier, D’Aguesseau, Massillon,
Fontenelle et Rousseau, Sévigné, Deshoulière;
Descartes, Cassini, Pascal et Lafontaine;
Les Couston, les Andreau, le Poussin, & Mignard,
Richelieu, Mazarin, Jean-Bart, Vauban, Villard;
Villeroy, Cativaud, Saxe, Condé, Turenne
Mille contemporains qui tous ont mérité
Tant de bienfaits, vivront dans la postérité!

Du plus grand de nos rois, quand on revoit l’image,
Colbert parle à nos sens, revis ô Belle-Cour :
L’équestre de Louis des beaux-arts doux langage
A son aspect français, nous dicte un cri d’amour.

Q63 – T14- disp: 10+4

Sur un trône éclatant de gloire et de clémence — 1825 (1)

– Jacques-Dominique Harman, Baron de Heermann
Sur le Sacre de Charles X

Sonnet

Sur un trône éclatant de gloire et de clémence
Apparaît un Bourbon, égide de la France
Successeur de Louis, le Solon de nos lois ,
Il marche sur les pas du modèle des rois.

Du faîte des grandeurs, par sa munificence,
On le voit chaque jour secourir l’indigence :
Ralliant les Français aux accords de sa voix,
Sa bonté les accueille et les touche à la fois.

Pour conserver toujours l’éclat de sa couronne,
Dans le rayon divin qui déjà l’environne,
Et réfléchit ses feux au front de Dieudonné ;

Tel qu’à Jérusalem, aux pieds de l’arche sainte,
Du Sceau de l’Eternel David reçut l’empreinte,
Charles X en triomphe à Reims est couronné.

Q1  T15

Exilé des combats dans une paix profonde, — 1824 (5)

Hippolyte Thomas
Sonnets

Napoléon.

Exilé des combats dans une paix profonde,
Le héros qui vingt ans a su vaincre et punir,
Consolé de sa gloire et plaignant l’avenir,
Finit sur un rocher sa course vagabonde.

Tous ces rois courtisans dont il peuplait le monde
Partout de ses bienfaits taisent le souvenir.
Je gémis sur sa tombe, et suis seul à gémir!
Le bruit de mes regrets vient expirer sur l’onde.

Ainsi sur le passé courbant de longs rameaux,
Quand le saule pieux pleure ces noms célèbres
Dont la cloche lugubre a sonné le repos,

A la pâle lueur de ces lampes funèbres,
Le remords inquiet mesure les ténèbres
Et recule effrayé du calme du tombeau.

Q15 – T21

Tercets sur deux rimes, de type cdc  ddc (avec une faiblesse: ‘rameaux’ (pluriel), rime avec tombeau (singulier), ce qui est interdit classiquement).

– (gef) les 3 rimes en »-ô » sont – pauvres- (malgré la proximité sonore de p/b et de m/b).