Archives de catégorie : Formule de rimes

Je sais une villa sur les hauteurs de Naples — 1989 (5)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Xavier Bordes

Après la fin

Je sais une villa sur les hauteurs de Naples
Où je fus quelquefois reçu par des amis
J’entends encor la grille du jardin qui racle,
En grinçant sur ses gonds, le gravier endormi.

On déjeunait dehors pour jouïr du spectacle:
Les gens déambulaient, gros comme des fourmis
Sur le port et les yeux ne rencontraient d’obstacle
Qu’au sud, là où fumait le volcan insoumis…

Sur la terrasse rose avec ses cyprès noirs
En contemplant la baie unique par les soirs
D’été napolitain d’une touffeur d’étuve

J’imaginais l’horreur qui saisit le pays
Quand un matin parmi les vignes du Vésuve
Le feu pétrifia Pompeï.

Q8 – T14  – 2m: octo: v.14

Fin de partie, fin de vers, fin de siècle, — 1989 (2)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Alin Anseeuw


Fin de partie: Trouvez Hortense!

Fin de partie, fin de vers, fin de siècle,
L’inspiration arrache au coeur du firmament
Une larme, c’est le sel de la vie, les amants
Et le poète assis nient la course des siècles,

Mange dans le miroir les reliefs du bonheur
La poésie que de tes larmes tu arroses
Dans les jambes d’Hortense a le goût d’une chose
Vaine, l’avant-printemps est un regard trompeur.

L’éternité est à la porte et le vent mord
Les corps qui ont pris froid, amour tu éparpilles
En poussant de mon vit ce qui tombe par mille

J’ai au bout de ma course un coeur qui s’essouffle et
Je traîne avec mes vers un cadavre enchaîné
Hortense est dans mon rêve une main qu’on dévore.

Q63 – T35

Qu’à son plaisir mon œil te considère — 1988 (7)

Bernard Manciet (trad) André du Pré Sonnets gascons

X

Qu’à son plaisir mon œil te considère
Il fait de toi toute sorte de fleur
La fraîche rose en sa belle couleur
C’est ton menton, ton col, ta main légère

Qu’avec des lis candides il tempère.
Sur ton front naît le souci de pudeur
Dedans tes yeux violette se meurt
Et giroflée aux lèvres fait enchère.

De fleurs sont faits et la joue et le nez.
Oreille et sein carmin vous soutenez.
Mais ce doux voir est tout ce qu’on me laisse.

Et tout ainsi qu’au ciel, quand serai mort
Dieu regarder sera mon réconfort
Sur cette terre est te voir ma liesse.

Q15 T15 tr

Même quand le silence aura bu mon passage — 1988 (6)

Michel Vaillant in Dictionnaire de poétique et rhétorique (4ème ed.)


Couronne de sonnet : sonnet maître

Même quand le silence aura bu mon passage
Immolé sur la borne obscure du chemin,
Ce nom qui, sans écho, n’aurait plus rien d’humain,
Houle incertaine qui s’éloigne du rivage

Et que remportent les ténèbres sans partage,
Laisse qu’il chante encore au creux chaud de ta main,
Vaine, vaine rumeur de croire que Demain
A la conque fragile a livré son message.

Innombrable mensonge, un jour et puis un jour !
La terre s’épaissit et s’engraisse d’amour,
Le monde s’engloutit d’entasser la lumière.

Amer laurier l’espoir de penser que mes cris
Nocturnes retournés au repos de la pierre,
T’aideront à descendre au silence où je suis.

Q15  – T14  – banv – acrostiche

Je voudrais écrire un sonnet. — 1988 (5)

Pierre Gripari Marelles

Sonnet

Je voudrais écrire un sonnet.
– Un sonnet? Mon Dieu, c’est horrible!
– Mais non! Ce n’est pas si terrible!
Voici le premier quatrain fait!

Pour le second, j’avoue que c’est
Plus dur de taper dans la cible!
D’autant qu’il me faut, c’est visible,
Une nouvelle rime en « ê »!

Enfin voici les deux tercets,
Que je peux bâtir, s’il me plaît,
En utilisant d’autres rimes …

Encore un vers à vue de nez,
Puis un tout dernier coup de lime,
Et le poème est terminé!

Q15 – T7 – y=x : c=a – octo – s sur s

Les Alpes me séparent de l’Italie. — 1988 (4)

Pierre Gripari Marelles


Frontières naturelles

Les Alpes me séparent de l’Italie.
Le Rhin me sépare de l’Allemagne.
Les Pyrénées me séparent de l’Espagne.
La Seine sépare Pa de Ris.

Un monde me sépare de toi.
Le mur me sépare du dehors.
La vie me sépare de la mort.
Longtemps me sépare d’autrefois.

Le fleuve me sépare de l’autre rive.
Pauvreté me sépare d’un beau livre.
Le peur me sépare de tout.

Un geste me sépare du désastre.
Le silence me sépare des fous.
Le vide me sépare des astres.

Q63 – T14  m.irr.

Mon âme a ses dessous, ma vie en est l’émule: — 1987 (9)

Jacques Jouet in une réunion de l’Oulipo

La Dissimulation ou Sonnet à une mule
dédié aux mânes de Luc Etienne

Mon âme a ses dessous, ma vie en est l’émule:
Un penchant sans limite en un moment conçu,
Le mal est accompli, je le tais, dissimule,
Et celle qui l’a fait, l’a fait à son insu.

Maudit attouchement d’un dos bis et fessu,
Utopique passion qui sans cesse accumule
Les silences, non-dits, le dédain je simule,
Et jamais ne me plains cependant que déçu.

Mais dites-moi comment semblable sauvageonne,
Anesse mi-cheval que Dieu fit douce et bonne,
Me put ainsi… Hélàs!, noble calamité!

Une mule au mulet pïeusement fidèle
Lit sans aucun émoi ce sonnet tout plein d’elle
En ne constatant pas son impudicité. »

Q10 – T15 – arv

L’odeur de l’eau qui sèche sur le sable — 1987 (6)

Jean Grosjean La reine de Saba

L’odeur de l’eau qui sèche sur le sable
Comme un poisson qu’on retire du fleuve
A moins hanté mon âme que ne peuvent
La hanter tes départs irrespirables.

Comment vivre après toi? Le soleil même
N’est plus qu’un vieux lampion sur la campagne
Le coeur dont toute absence est la compagne
Va-t-il se souvenir longtemps qu’il t’aime?

Mais si tu n’avais l’art de t’éloigner
Tu haïrais sans doute un coeur novice
Et si mon coeur n’était pas si novice

L’amour parfait t’aurait bientôt lassé.
A ta façon de détourner la tête
J’ai su que tes départs étaient nos fêtes.

Q63 – T30=shmall* – disp: 4+4+4+2 – déca

L’ombre d’un micocoulier — 1987 (5)

Jean Grosjean La reine de Saba

L’ombre d’un micocoulier
S’est couchée sur le chemin.
J’entends les grillons crier
Dans l’air tremblant du matin.

Le chemin va par les près
Comme vont les orphelins,
L’ombre se met à tourner
Sans presque bouger les mains.

Bien que l’horizon m’invite
A marcher à l’aventure,
Je reste avec ta brochure,

Je m’endors sous le feuillage
Sans avoir tourné la page
Et ta durée me visite.

Q8 – T35 – 7s

Quando en vesper blanc s’extourbit lougarou — 1986 (4)

René BellettoLoin de Lyon – XLVII sonnets –


XLVII

Quando en vesper blanc s’extourbit lougarou
Et dravant tout sbubu in vivo castrati
Barjaque parlamor nonobstant qui est qui
Anscrut les stachichi au su des roudoudous,

Quando maliss (tendo limass) il vi dermou
S’éruminentérut au verso des étri
Au persu des foutrons sevré de mal en pis
Et ris noir aïe jailli tout prurit et rectou,

Alor alor, pastan hors les basoubasax
(Mais par un trou carré esquintant tous les axes),
Rinlaidron touboubou kif kif kes amours fussent

Dénérénélés déjà éternels par l’art
Sans loup, effaçons ma chérie hors papyrus
De lapins et moutons à jamais le départ

Q15 – T14 – banv