Archives de catégorie : Formule de rimes

Ami, pourquoi nous dire, avec tant de mystère — 1897 (10)

Louis AigoinNotice sur Félix Arvers et variations sur les rimes de son sonnet.

Réponse de la femme ‘au devoir fidèle

Ami, pourquoi nous dire, avec tant de mystère
Que l’amour éternel en votre âme conçu
Est un mal sans espoir, un secret qu’il faut taire,
Et comment supposer qu’Elle n’en ait rien su?

Non, vous ne pouviez point passer inaperçu,
Et vous n’auriez pas dû vous croire solitaire
Parfois les plus aimés font leur temps sur la terre
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.

Pourtant Dieu mit en nous un coeur sensible et tendre.
Toutes, dans le chemin, nous trouvons doux d’entendre
Le murmure d’amour élévé sur nos pas.

Celle qui veut rester à son devoir fidèle
S’est émue en lisant vos vers tout rempli d’elle:
Elle avait bien compris …. et ne le disait pas.

Q10 – T15 – arv

La lumière avait délié les fleurs d’entre les feuilles; — 1897 (9)

Robert de Souza Sources vers le fleuve

La Lumière

La lumière avait délié les fleurs d’entre les feuilles;
Les feuilles tendaient  leurs petites mains tendues
Suppliantes, au-devant des chenilles velues;
Mais les chèvres renouaient le tout en une touffe, d’une faim qui cueille.

Et les hommes ne sentaient point la vie, espoir et deuil,
Les songes dormaient des femmes étendues nues
Par les gazons qui frisent, et font les chairs moussues,
Pour, sans doute, que d’humbles ombres rases cachent notre orgueil…

Ni les âmes ne connaissent les grandes ailes,
Ni les coeurs la volonté de leurs appels,
Seules les bouches s’ouvraient au plaisir d’être nées;

C’était l’attente vague des existences,
Qui ne sentaient pas quand les aurait enfin créées,
La Lumière qui relie toutes choses- par qui l’on pense.

Q15 – T14 – banv – m.irr

Je sais qu’un lis s’ouvrit à la saison lointaine: — 1897 (8)

Levet (Le Pavillon ou La Saison de Thomas W. Lance – petit poème cultique)


VI. Hiver
Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide, où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi, plein de tristesse lâche
Un bâteau frêle comme un papillon de mai.

Arthur Rimbaud
La crémerie:

Je sais qu’un lis s’ouvrit à la saison lointaine:
– ô clair matin d’hiver baisez la crémerie
Comme l’agneau du saint approuve de sa laine
Le moine blanc qui pleure à l’autel de Marie.

En tes cheveux – l’ombre dès sa source est tarie! –
Le linceul de mon rêve où tes yeux porcelaine
Rayonnent le néant d’un calme de Germaine,
Neige que ne saurait troubler la laiterie!

Et c’est comme un repos sur des douleurs exquises!
(Ma bouche a murmuré la poudre des marquises
D’ « antan ») – halte future où la fumée émane

Le « Pâle Voyageur, qui, ses armes rongées,
Evoque les blondeurs crémeuses du barman
Sous les palmiers drapés d’antilopes vengées …

THOMAS W. LANCE A DIT.

Q10 – T14

Voulant encourager ses aurores charmées, — 1897 (7)

LevetLe drame de l’allée

III

Voulant encourager ses aurores charmées,
Le soleil, qui vous remarquait et vous baisa,
Laissa sur votre peau ses teintes plus aimées,
Pour poser ses rayons qu’aux reines il lança!

De larges papillons aux ailes imprimées,
Laquais trop effrontés qu’un vent jaloux chassa,
Sans répondre à l’élan des roses alarmées,
S’envolèrent désorbités de ci, de là ….

Respirai-je la fleur par le soleil élue,
Rayonnante aux jardins enfiévrés de chaleur,
Déplorant le conseil d’une sainte mévue,

Car le soleil jaloux du poète voleur,
A lâchement placé, sentinelle imprévue,
Qui veillait, le serpent-minute dans la fleur.

Q8 – T20

Eros, roi de la mer, des cieux et de la terre, — 1897 (6)

Stuart Merrill Poèmes

La Vision d’Eros
pour un tableau d’Armand Point

Eros, roi de la mer, des cieux et de la terre,
Apparaît, le carquois lourd de ses dards de feu,
Contre les flots d’azur d’où surgit, solitaire,
Aux premiers jours du monde, Aphrodite à l’oeil bleu.

Son âme est un secret, son sexe est un mystère,
Et tel qu’il se révèle, homme et femme, le Dieu
Eveille tour à tour, lascivement austère,
En le coeur de la femme et de l’homme le voeu

Impur qui fit pleurer Achille sur Patrocle,
Et retentir Lesbos des plaintes de Sapho,
Et saigner don Juan d’Elvire à la Margot.

Et voici qu’il entend Troie immense qui brûle,
Et le cri de Leucade, et dans le crépuscule
Les pas du Commandeur descendu de son socle.

Q8 – T35

Ce marbre élevé que, hautain, — 1897 (1)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris


A Stéphane Mallarmé

Ce marbre élevé que, hautain,
Tu voiles de nuit à long plis,
Nous garde en rythmes assouplis
Beauté sereine et fier dédain.

Nocturne aux rêves anoblis
De mystère, ta voix soudain
Eveille un idéal jardin
De reflets et d’échos pâlis.

Et je t’offre, moi – non pareilles
Aux fruits si vermeils vers les treilles
Que sont les lueurs du matin,

Ces rimes-ci vol immodeste
Devers ton oeuvre (adamantin
Malgré l’ombre) haut de ton geste.

Q16 – T14 – octo

Les Astres haut levés sur d’antiques Mémoires — 1896 (17)

André Ibels. In Cités Futures

Vers d’airain pour Saint-pol-roux

Les Astres haut levés sur d’antiques Mémoires
Irradiant les Temps d’un éblouissement,
Ont mis un peu d’azur épars en ton grimoire,
Et voici que ta voix tremble splendidement.

Las de Procession majestueuse et lente,
Tu sculptas de tes mains des reposoirs magiques,
Et les mots blancs tissés sur les cordes qui chantent
Coulèrent de tes doigts en arpèges rythmiques.

Page royal du Verbe aux armes d’Ironie,
Troubadour et jongleur de fastueuses proses,
Brode un bouclier d’or contre la tyrannie.

Ton Glaive qui dardait sa pointe vers la Lune,
Dédié, désormais, aux races d’infortune,
A lui – dans la Ténèbre – rehaussé de roses !

Q59 – T25

« étrange recueil dont chaque texte, aux accents volontiers prophétiques, désigne au lecteur un soldat-poète de l’armée anarchiste »

Dans deux heures au plus on veut que dare dare — 1896 (16)

Ludovic Sarlat in  L’année des poètes

Un étrange défi

Dans deux heures au plus on veut que dare dare
Je présente au lecteur un sonnet tout entier.
J’accepte avec plaisir ce défi singulier
Qui me séduit surtout parce qu’il est bizarre.

Le sonnet, pour de grands esprits, c’est l’oiseau rare ;
Mais ce genre depuis longtemps m’est familier,
Et j’enfourche Pégase encor sans étrier :
On sait que de sonnets je ne suis pas avare.

Tiens ! je vais être au bout de mes quatorze vers,
Et je sens que, malgré la glace des hivers,
Poésie, en ma main ta coupe est toujours pleine.

J’ai fini mon sonnet et gagné mon pari :
Ma verve est toujours jeune, elle n’a pas tari,
Car j’ai fait celui-ci en un quart d’heure à peine.

Q15  T15  s sur s

Il faut que vous ayez bien regardé les cieux — 1896 (15)

Lafon in  L’année des poètes

L’aveu

Il faut que vous ayez bien regardé les cieux
Pour que leur tendre azur ait déteint dans vos yeux ;
Il faut que vous ayez bien embrassé des roses
Pour qu’elles aient saigné sur vos lèvres mi-closes.

Combien de blonds genêts, quand vous passiez près d’eux,
On offert leur pollen pour dorer vos cheveux,
Et combien de flocons de vierges avalanches
Ont doucement neigé sur vos épaules blanches ?

Les ruisseaux dont l’avril emmurmure les bois
Ont donné leurs appels de rêve à votre voix ;
Jaloux, les rossignols en gémissent encore.

Le ciel a pris pour vous des teintes à l’Aurore …
Mais moi, que le destin a fait naître rêveur,
Je ne puis vous offrir qu’une chose, mon cœur !

Q19  T13

Sur la côte, du bord d’une rivière d’huile — 1896 (14)

Maurice Rollinat Les apparitions

La forme blanche

Sur la côte, du bord d’une rivière d’huile
Qui roulait ses flots gris sous les cieux inquiets,
Loin, loin, vague à travers les feuilles, je voyais
Un très haut cheval blanc qui se mouvait tranquille.

Aux tournants de la route, au creux de chaque pente,
Brusque, il disparaissait pour surgir de nouveau,
Montrant lourdeur de plomb, roideur de soliveau,
Dans son allure grave et qui semblait rampante.

C’était certe un cheval ! Cela ne devait être
Autre chose ! et, pourtant, je pouvais en douter …
Son aspect ambigu me faisait hésiter…
Puis je m’apercevais qu’il avait bien des maîtres.

Oui ! des gens modelant leur marche sur la sienne,
Avec je ne sais quel singulier apparat,
Le suivaient … Et je fus, autant qu’il m’en souvienne,

Tout saisi quand passa juste devant mes saules
Au lieu d’un cheval blanc, un cercueil sous un drap
Que portaient six géants sur leurs larges épaules !

3 quatrains embrassés – T24 (cdc ede (plusieurs exemples dans le même livre))