Archives de catégorie : Formule de rimes

Sur les autels de pourpre ornant les cathédrales — 1891 (18)

Le concours de La Plume
(concours, premier prix)

Les vrais crucifiés, ce sont les amoureux
Jean Richepin

Sur les autels de pourpre ornant les cathédrales
Qu’élève un coeur mystique à la seule Beauté,
Des Madones, nimbant leurs fronts purs de clarté,
S’érigent dans l’orgueil de leurs robes astrales.

Les Christs crucifiés aux peintures murales
Lèvent leurs yeux pâmés d’amère volupté:
A leurs lèvres du sang de leur sein dévasté
Monte un baiser d’amour avec leurs derniers râles.

La Déesse, invincible aux regards des fervents,
S’épand et se transforme en songes décevants
Qui flottent doucement dans la pâleur des cierges.

Et mêlés aux parfums des encensoirs dorés
Plus haut que l’hosannah des pleurs désespérés,
Planent les chants subtils des implacables Vierges.

Marcel Noyer

Q15 – T15

D’un concours de Sonnets — 1891 (17)

Le concours de La Plume

Au Concours

D’un concours de Sonnets
L’idée est excellente
Et je t’en complimente;
Car ne sachant jamais

Où prendre mes sujets
Tolère que je chante,
Au lieu de mon amante,
Le concours de Sonnets.

Oui, je te glorifie
O concours, stimulant
L’art de la Poésie!

Par contre, maintenant,
Comme à Vénus la pomme,
Donne-moi le diplôme!

Q15 – T23 – 6s

La brise pleine de chansons — 1891 (16)

Le concours de La Plume
(concours n° 96)

La brise pleine de chansons
Apporte des senteurs marines
Qui vont réjouir vos narines,
O calmes filles des boxons!

C’est l’heure tendre où les garçons
S’en vont vider dans les latrines
Les vases remplis des urines
Des marins danois ou saxons.

L’oeil pesant et suivant l’Idée,
Clarisse, à sa table accoudée,
Songe à des vers pour son amant.

De liliales tourterelles
Roucoulent extatiquement
Aux fenêtres des maquerelles.

Q15 – T14 – banv – octo

Le grand soufflet gémit et le noir charbon fume, — 1891 (14)

Le concours de La Plume

Vers forgés

Le grand soufflet gémit et le noir charbon fume,
Voici que le foyer de la forge s’allume,
J’aime le forgeron qui soude sur l’enclume
A grands coups de marteau les fers incandescents.

Le métal obéit à ses efforts puissants
Et son travail joyeux a de mâles accents.
J’aime aussi l’écrivain qui soude avec la plume
Les mots de notre langue en groupes frémissants.

Il les prend dans le rêve éthéré, dans la boue,
Il va pour les chercher au fond de l’univers,
Puis il les réunit, les disjoint, les secoue,

Les assemble en paquet, les attache, les noue
L’un à l’autre, à sa guise, à l’endroit, à l’envers,
Et l’on trouve la vie humaine dans ses vers.

aaab bbab – T18

J’ai de l’amour pour l’art Chinois et Japonais, — 1891 (13)

Le concours de La Plume

Emmanuel Souinet

Vers ciselés

J’ai de l’amour pour l’art Chinois et Japonais,
Pour l’ivoire sculpté, la fine porcelaine,
Les mille bibelots fouillés et raffinés,
Où l’on n’a ménagé ni le temps ni la peine.

J’aime ces bibelots; on n’y suit pas l’haleine
Des concepts réfléchis et bien déterminés,
Mais ils ont leur beauté dans un autre domaine,
Elle est dans les détails finement burinés.

Tel est l’art du poète amoureux de la forme,
Ciselant son poème avec fidélité
Et s’assujettissant en esclave à la norme.

Qu’importe que mon vers soit peu mouvementé,
Il est beau par lui-même, et si ses oeuvres dorment,
C’est d’un sommeil auguste et plein de majesté.

Q11 – T20

Un sonnet, dites-vous, savez-vous bien, madame, — 1891 (12)

Henri Meilhac Le concours de La Plume

Un sonnet, dites-vous, savez-vous bien, madame,
Qu’il me faudra trouver trois rimes à sonnet?
Madame, heureusement, rime avec âme et flamme
Et le premier quatrain me semble assez complet.

J’entame le second, le second je l’entame,
Et prends en l’entamant un air tout guilleret.
Car ne m’étant encor point servi du mot âme
Je compte m’en servir et m’en sers en effet.

Vous m’accorderez bien, maintenant, j’imagine,
Qu’un sonnet sans amour ferait fort triste mine,
Qu’il aurait l’air boiteux, contrefait, mal tourné.

Il nous faut de l’amour, il nous en faut quand même,
J’écris donc en tremblant: je vous aime, je t’aime,
Et voilà, pour le coup, mon sonnet terminé

Q8 – T15 – s sur s

O créer, avec fièvre un rien: quatorze vers — 1891 (11)

Le concours de La Plume

Gaston Sénéchal

Le Dahlia bleu

O créer, avec fièvre un rien: quatorze vers
Délicats, spéciaux, rares, heureux d’éclore;
Un bouquet effaçant, par le choix de sa flore,
La vieille rhétorique et les jeunes prés verts!

Y mettre le secret de mon coeur, comme Arvers,
Et les vocables doux par lesquels on implore,
Et sous un nom vraiment rythmique, Hélène ou Laure,
Oser vous y parler d’amour, à mots couverts.

Vous les liriez, non pas comme ceux qu’on renomme,
Comme les dieux, avec sollicitude, et comme
Ce sonnet sans défaut vaudrait bien un baiser,

Après l’avoir touché presque du bout des lèvres,
Vous iriez doucement, doucement, le poser,
Sur l’étagère où sont les coupes de vieux Sèvres.

Q15 – T14 – banv – s sur s

Le premier jour de mars allant à Charenton, — 1891 (10)

Mac-NabPoèmes incongrus

Le parapluie

Le premier jour de mars allant à Charenton,
Je m’étais acheté, craignant les giboulées,
Un beau parapluie aux baleines effilées
Emmanché de bois noir et couvert en coton.

J’arrivai sur le quai crotté jusqu’au menton;
Le vent faisait courir les dames dévoilées
Et l’espace était plein de choses envolées.
Mais voilà qu’en mettant les pieds sur le ponton,

Mon emplette m’échappe et tombe dans la Seine:
Pas un homme de coeur pour lui porter secours.
Ainsi disparaissez, illusions, toujours!

L’été suivant, non loin de la Samaritaine,
Un pêcheur qui n’avait rien pris depuis trois jours
En retirant sa ligne y vit une baleine.

Q15 – T28

Depuis Choisy-le-Roi jusqu’au port de Suresnes — 1891 (9)

Mac-NabPoèmes incongrus

Les pâles macchabées

Depuis Choisy-le-Roi jusqu’au port de Suresnes
On les voit lentement flotter au fil de l’eau,
Ils ont le teint blafard comme un tronc de bouleau,
Leur ventre a le ton bleu des mortelles gangrènes

Ah! qu’ils sont laids à voir pendant les nuits sereines
Alors qu’un hydrogène impur gonfle leur peau
Comme un chasselas bien mûr de Fontainebleau …
Et l’on entend au loin le doux chant des Sirènes!

Ils s’en vont par morceaux et nous les achevons:
Des citoyens faisant de longues enjambées
Vont les cueillir avec des perches recourbées.

O vieux fleuve blanchi par l’âge et les savons,
Rejette de ton sein les pâles machabées,
Car cette eau-là, vois-tu, c’est nous qui la buvons!

Q15 – T28

Le soir de soie issu des seins — 1891 (8)

Pierre LouÿsPoèmes in Oeuvres complêtes

Chrysis, II

Le soir de soie issu des seins
Palpite un peu de pâle peine
Plainte en pleur dans la palme pleine
Du deuil des doigts aux durs desseins.

Et l’âme en mal d’amour immole
Un lot de lys lents en lambeaux
Au bout de bras ballants et beaux
Où la mort des mains est moins molle.

Fol effort de feinte en effet
Nulle nuit de nul dard ne fait
Que la crême en croisse crevée

Et rien n’aura leurré l’erreur
Si le tiers n’éteint ta terreur
Voile vain de valve avivée.

Q63 – T15 – octo – Remarquer la contrainte consonnantique en chaque vers