Archives de catégorie : Q08 – abab abab

Les femmes en pays vaincus aiment la guerre. — 1881 (19)

Paul Déroulède in  Le Tintamarre (février)

« Au banquet offert par madame Adam …M. Paul Déroulède a lu un charmant sonnet de M. Marc Monnier, recteur de l’Université de Genève, et un autre sonnet … de lui-même. Celui-ci, nous sommes heureux de pouvoir en publier le texte

Les femmes en pays vaincus aiment la guerre.
Vous souvient-il par qui ces mots furent écrits,
Madame, et dans quel lieu, inspiré par Homère
Une Grexcque de France ose jeter ces cris ?

C’est une Grecque, hélas ! comme l’on n’en vit guère
Brave comme Pallas, belle comme Cypris,
Et même elle aurait eu quelque muse pour mère
Que, qui la connaît bien, n’en serait pas surpris.

Sa grâce et par beauté vous charment quoi qu’on fasse ;
Mais d’aller lui déplaire, en la nommant en face,
La crainte que j’en ai l’interdit à ma voix,

J’aurais trop de remords à troubler son sourire.
Elle me permettra seulement de lui dire :
C’est cette Grecque-là, madame, à qui je bois

« dans quel lieu, inspiré, comme hiatus, n’est pas mal réussi, et comme faute d’orthographe, donc !
«  que, qui la connaît bien » !
«  vous charment , quoi qu’on fasse »
« Assez, n’est-ce pas ?

Q8 – T15 –

Pourquoi nier l’amour ? il existe en ce monde — 1881 (17)

Cécile Coquerel (C.Ga y) Matin et soir

Sonnet

Pourquoi nier l’amour ? il existe en ce monde
Bienheureux mille fois celui qui l’a trouvé
Et qui ressent au cœur cette ivresse profonde
D’avoir connu l’amour après l’avoir rêvé.

Sur la terre où tout change et s’enfuit comme l’onde,
Ce dont on vit le plus, c’est encor du passé.
Le souvenir est doux quand notre espoir se fonde
En un séjour meilleur, dont le deuil est chassé.

C’est là qu’on doit ouvrir son âme tout entière,
C’est là qu’est l’idéal et notre vrai milieu.
Ah ! plus d’absence au ciel et de douleur amère

Sur cette terre, au moins, n’élevons de barrière
Qu’au préjugé mesquin, qu’à l’amour éphémère,
Car aimer maintenant, c’est s’approcher de Dieu.

Q8  T16

Es-tu bien sûr, ami, qu’elle n’ait pu l’entendre ; — 1881 (16)

Cécile Coquerel (C.Ga y) Matin et soir

Réponse à Arvers

Es-tu bien sûr, ami, qu’elle n’ait pu l’entendre ;
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas ?
Une femme, crois-moi, sait toujours le comprendre
Ce langage muet qui se parle tout bas.

Si Dieu l’avait créée à la fois douce et tendre,
Elle a dû se livrer de douloureux combats,
Et tenir à deux mains son coeur pour le défendre
Contre un amour si vrai qu’il ne se trahit pas.

A l’austère devoir pieusement fidèle,
Sa vertu la plus haute était peut-être celle
De paraître insensible et distraite à ta voix.

Penses-tu seul avoir un secret dans ton âme ?
Il est sur cette terre, ami, plus d’une femme
Qui garde un front serein tout en traînant sa croix.

Q 8  T15 – arv

Cette réponse a été ensuite gravée par les soin de mademoiselle Casalonga qui l’a mis en musique

Lecteur, les vers de ce recueil — 1880 (24)

Tristan Gratien in La nouvelle lune

« Notre ami n’ayant pas le courage de commencer son volume, en a d’abord écrit l’épilogue »

Sonnet-épilogue

Lecteur, les vers de ce recueil
On un parfum de pourriture,
De réalisme et de cercueil,
En un mot, sont d’après nature.

Rarement j’ai franchi le seuil
De la Morgue, où le ciel figure,
Et mes vers en portent le deuil,
Lugubrement, je te le jure.

Tu peux les voir d’un mauvais œil
Ou leur faire un charmant cercueil,
Ami lecteur, je n’en ai cure !

S’ils froissent un peu ton orgueil,
Cher mortel, fais-en un linceul
Pour ta noble et superbe ordure.

Q8  T6  octo  y=x (c=a & d=b)

Némésis secoua le peintre frémissant, — 1880 (22)

Eugène Pottier in Oeuvres complètes (ed.1966)

Le triomphe de l’ordre
Tableau d’Ernest Picchio sur le Mur des Fédérés

Némésis secoua le peintre frémissant,
Il eut de l’abattoir la vision complète,
Ramassa la cervelle et le caillot de sang,
Et des tons de massacre il chargea sa palette.

Sous sa brosse on revit les canons vomissant ;
La cigarette aux doigts, le meurtre en épaulette ;
Les croix, le mur sinistre et le talus glissant
Et les martyrs sur qui l’avenir se reflète.

Le Triomphe de l’Ordre ! o travailleurs, voyez!
Resterez-vous ainsi mutilés, foudroyés ;
Sentez-vous pas en vous courir Quatre-vingt-treize ?

Cadavres par les trous qu’ont fait les biscaïens
Dans vos chairs, vous criez : Aux armes, citoyens !
La mort à pleins fossés chante la Marseillaise !

Q8  T15

La pêche est bonne. Le poisson, — 1880 (1)

Marius MartinSonnets de Provence

La Bouillabaisse

La pêche est bonne. Le poisson,
Dans le calot garni de mousse,
Frétille et, dans un long frisson,
Se tord, se débat, se trémousse.

Un joyeux viveur sans façon,
Dressant ses manches qu’il retrousse,
Et fredonnant une chanson,
Assaisonne la sauce rousse.

Que le feu brûle, brûle encor,
Et que l’on verse les flots d’or
Sur les tranches de pain bien fines.

Mais, gourmands, n’en abusez pas,
Car, comme la rose ici-bas
La bouillabaisse a ses épines.

Q8 – T15  octo

Non, poète ; à minuit, ici-bas sur la terre, — 1879 (24)

Victor Froussard (ancien secrétaire de la préfecture de la Haute-Marne ) Recueil de poésies

Minuit
A propos d’un sonnet de M. de Ségur

Non, poète ; à minuit, ici-bas sur la terre,
Tout n’est pas endormi : soyez-en trop certain.
Combien de malheureux, sous leur toit solitaire,
Veillent, en gémissant de leur cruel destin.

Blotti dans son fauteuil, un vieux fauteuil Voltaire,
Près du foyer fumeux où le tison s’éteint,
Oublieux d’aviver la lampe qu’il éclaire,
Même de réchauffer la théière d’étain,

Je sais, je sais quelqu’un qui ne dort pas encore,
Qui n’ira s’endormir qu’à la naissante aurore
Quand va chanter l’oiseau sous les feuillages verts.

Quand gazouille déjà la gentille hirondelle,
Celui-là, c’est, poète, un vieux ami fidèle,
Qui ne peut s’arracher aux charmes de vos vers.

Q8  T15  bi

Sur cinq pieds je suis oiseau — 1879 (12)

L’union littéraire et le Sonnetiste réunis

Arsène Thevenot

Anagramme-Logogriphe

Sur cinq pieds je suis oiseau
D’une grande renommée,
Ou bien du poisson dans l’eau
La qualité présumée.

Puis sur quatre, de nouveau
Je redeviens emplumée
Mais quand j’affecte la peau
Je suis assez mal famée

Sur trois au sein de la mer
On me voit grande ou petite,
Et plus d’un peuple m’habite.

Ou je suis breuvage amer
Que l’on verse à la taverne:
Vois, lecteur, si je te berne.

Q8 – T30 – 7s

Solution d’Alain Chevrier:

Sur cinq pieds je suis oiseau = AIGLE
D’une grande renommée,
Ou bien du poisson dans l’eau
La qualité présumée. = AGILE
Puis sur quatre, de nouveau
Je redeviens emplumée = AILE
Mais quand j’affecte la peau
Je suis assez mal famée = GALE
Sur trois au sein de la mer
On me voit grande ou petite,
Et plus d’un peuple m’habite. = ILE
Ou je suis breuvage amer
Que l’on verse à la taverne: = ALE
Vois, lecteur, si je te berne.

En résumé :

Aigle, agile, aile, gale, île, ale.

Enfant, il se plaisait à torturer les chats — 1879 (11)

L’union littéraire et le Sonnetiste réunis

Maurice Rollinat

Le mouchard

Enfant, il se plaisait à torturer les chats
Et leur tirait les yeux avec ses ongles sales;
Il bafouait son père et couvrait de crachats
Sa mère ayant pour lui des bontés colossales.

Jeune homme, au lupanar, artiste en entrechats,
Il faisait le pantin dans les ignobles salles;
La débauche et le vin formaient tous ses achats;
Son oeil avait déjà des lueurs transversales.

Homme, il s’est marié pour exercer son poing,
Et tandis que sa femme, hélas!, ne mangeait point,
Lui, se gorgeait sans honte avec des catins saoûles.

On le voit aujourd’hui moins fréquemment pochard.
Il passe cauteleux dans l’ombre et dans les foules:
C’est que l’affreux ivrogne est devenu mouchard.

Q8 – T14