Archives de catégorie : Q09 – abab abba

je me souviens de la Libération — 1993 (5)

William CliffAutobiographie

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je me souviens de la Libération
nous fûmes déguisés ma soeur et moi
en petits pages tenant les cordons
d’un écusson et le cortège alla

à travers les rues au milieu des sons
de fanfare et ne comprenant rien à
cette fiesta que les gens faisaient là
j’ouvrais mes grands yeux de petit garçon

sans savoir où nous conduisait tout ça
ce jour-là ce fut sur une étendue
où toute la cité s’était rendue

plus jamais je n’ai vu un tel fatras
de gens massés errant sans autre vue
que celle de se voir et d’être vus

Q9 – T29 – déca

L’océan mesuré sur quoi je règne en maître — 1966 (1)

Olivier LarrondeL’arbre à lettres

A ma plage

L’océan mesuré sur quoi je règne en maître
Va léchant tes longs pieds en plage surhumaine.
La minuscule tête ouverte à la fenêtre,
Lui garde tout pour lui sauf des vagues amènes.

Il garde la distance, un monde à ses fenêtres,
Des madrépores morts sans tombeau que lui-même;
L’intérieure plaie des coraux se démène
Dans l’absence d’échos sous sa robe de prêtre.

S’en veut-il ignorer la douce pourriture
Qu’un coup d’air fait entrer sous de moins souples fronts,
Qu’un ciel compréhensif par ses ors les moins dures

Eût en douceur brûlé tel un baiser d’affront,
Qu’il vide ses bruits purs et garde son silence
Pour t’y garder de soi en toute vigilance.

Q9 – T23

Le jeune homme moderne — 1935 (1)

Francis Jammes De tout temps à jamais

Dans les combles

Le jeune homme moderne
Essaye en son grenier
Qu’éclaire une lanterne
L’habit d’un chevalier.

Je ne sais s’il nous berne,
Mais son aspect altier
Semble bien le lier
Au temps de la poterne.

Cependant, il est chic.
Dans l’œil, un léger tic
Semble dire à sa femme,

Folle de lui d’ailleurs:
Que pensez-vous, Madame,
De mon ancien tailleur?

Q9 – T14 – 6s

Qui donc es-tu? toi qui te lèves — 1912 (1)

Raoul Lecomte, l’employé de métro poète – Recueil de poésies

Aurora (sonnet)

Qui donc es-tu? toi qui te lèves
Là-bas où paraît le soleil
Toi qui fait achever mon rêve
En souriant à mon réveil.

Resplendissante tu t’élèves
Embrasant l’horizon vermeil,
Décor sublime et sans pareil
Surgit dans la nuit qui s’achève.

De tes éclats éblouissants
Aux mille feux étincelants
Tu fais s’épanouir la flore.

Et parmi le calme serein
A ma fenêtre le matin
Je vois apparaître « L’aurore ».

Q9 – T15 – octo  – « Au fond du souterrain où ma vie se déroule »
En quatrième de couverture: « Toi qui souffres et te lamentes / Ayant des troubles dans le cœur, / De Ricqlès prend l’Alcool de Menthe / Tu trouveras le vrai bonheur // »

Sous l’exact jersey bleu qu’ample sa gorge crève, — 1910 (8)

Paterne Berrichon Poèmes décadents 1883-1895

La belle femme

Sous l’exact jersey bleu qu’ample sa gorge crève,
Toute elle m’apparaît, avec sa majesté
Grasse, comme un royal fruit d’amour dont mon rêve
Morbide exprime et suce un sûr jus de santé;

Et comme un lac de chair, lorsque sur le lit, grève
De toile fleurant bon, s’épand le flot lacté
De ses molles lourdeurs qu’un vent de volupté
Gonfle et fait déferler ardemment et sans trêve!

Aussi quand près de moi, fiers et rythmant son pas,
Passent paradoxaux ses fluctuants appas,
Mon masque se rougit d’une pudeur intense,

Et, de la nuque aux pieds, m’érode le tourment
Sanguin d’un fol prurit qui noie en sa tentance
L’anémique Voulu de mon affinement.

Q9 – T14

L’exquise Bouquetière aux sourires discrets, — 1905 (16)

Emile Boissier in Les Fééries interieures (2008)

LA CAMARGO A Mme SAINT POL ROUX.

L’exquise Bouquetière aux sourires discrets,
Camargo, la danseuse adorable, c’est Elle !
Sa main pâle, doigts fins, nous offrant des oeillets
S’enrubanne au frisson câlin de la dentelle.

Fanfreluchés un peu sous le bleu des lacets
Vers le tulle mutin givré de brocatelle,
On devine en leur grâce éblouissante et frêle
Ses seins blancs et neigeux enclos au corselet.

Une toque, enfantin caprice, à son oreille
Se penche, bride au vent, sur ses cheveux poudrés
Et ses yeux sont naïfs et sa bouche vermeille.

Dans la pourpre du soir tendre et crépusculaire,
Avec le charme doux de ses longs cils nacrés
La belle au front câlin s’ingénie à nous plaire

Q9  T24  y=x (d=a)

Le corps droit, bien assis sur son siège moëlleux, — 1905 (15)

Pierre Reynes in La Sylphide

Le Cycliste

Le corps droit, bien assis sur son siège moëlleux,
Superbe, dégagé, bienséant, plein de grâce,
Le cycliste, en passant, montre un jarret nerveux,
Respire l’air salubre et dévore l’espace.

Il a le long du torse, insigne glorieux,
Une écharpe qui flotte et fièrement l’enlace,
Et sur son fin coursier que nul effort ne lasse
Il file comme un trait magique et lumineux.

Il file sans rien voir, il ne pense plus même
Que le record qu’il tente est un ardu problème
Qui peut coûter la vie à sa témérité.

O cycliste vaillant qui voles sur nos rives,
Si tu pouvais savoir combien tu nous captives
Et comme à ton aspect sourit l’humanité !

Q9  T15

Je porte en moi, parmi des clartés de vitrail, — 1904 (6)

Marie Dauguet Par l’amour

Dédicace

Je porte en moi, parmi des clartés de vitrail,
Des fleuves éclatés, des cités fulgurantes,
Des bouleaux d’argent pur, des prés de frais émail,
Des jardins constellés de lys et d’amaranthes.

Je nourris des dragons en de lointains bercails;
Mais rien ne transparaît du rêve qui me hante;
Je suis ce manuscrit fleuri d’obscures plantes
Qui recèle à l’abri de son double fermail,

Magique parchemin et dont la garde est vierge,
Que nul doigt n’effleura sous sa gaine de serge,
Des psaumes exaltés et d’amoureux cantiques.

A toi, j’offre aujourd’hui des cités, des chimères,
Le vitrail d’or liquide et le livre mystique
Où repose mon coeur comme en un reliquaire.

Q9 – T14

L’Amour, entre deux madrigaux. — 1889 (19)

Henri Finistère in  Le Parnasse Breton contemporain

L’invention du sonnet

L’Amour, entre deux madrigaux.
De Pan raillait les vers rustiques :
— « Te tairas-tu, dieu des fagots,
« Depuis le temps que tu t’appliques

« A moduler sur tes pipeaux,
« Avec des sons mélancoliques,
« De monotones bucoliques
« Et de sempiternels rondeaux

— « Assez ! dit Pan, le front morose.
« Ferais-tu mieux, critique rose? »
L’Amour sourit d’un air moqueur,

Et de son carquois qu’il balance,
Comme un trait le Sonnet, s’élance…
Cupidon est toujours vainqueur.

Q9  T15  octo  s sur s

Tes doigts sont merveilleux ! leur moindre mouvement — 1888 (35)

?

Le décadent

Indue mutation

Tes doigts sont merveilleux ! leur moindre mouvement
Fait sourdre sur ma peau des sons comme des sources.
Toute part de mon être imite un instrument :
Viole ou musette un peu charmeuse des Ourses.

Les boules d’or de mes bras bruns ont l’agrément
Des piastres sonnant clair dans les mailles des bourses
Et même je détiens, quelque part, les ressources
De la flute où s’abouche un rêve, goulument.

Le clavier de mes dents sait l’air qu’on se recorde
Et mon ventre en façons de lyre tétracorde
S’enfle et s’abaisse avec des bruits délicieux.

Parfois en éructant le gravier roux des tombes
Quand l’aube rose étend son linge pâle aux cieux
Je claironne, effarant l’essaim fin des colombes
(Arthur Rimbaud (sic))

Q9  T14