Archives de catégorie : Q16 – abba baab

Puisque l’Astre fut tel de mon adolescence — 1924 (5)

Maurice du Plessys Le feu sacré

Conclusion

Puisque l’Astre fut tel de mon adolescence
De n’avoir qu’à son terme un prix qui différait
Apollon, ce grand dieu m’enseigne par le trait
Qu’il voulait pleine épreuve à ma résipiscence.

Il permit donc que, de sa caution distrait,
Je tentasse, d’un cœur détaché, la licence:
Attentif à l’écart où du moins sa présence
Témoignait qu’au retour ce cœur fut toujours prêt.

Jaloux qu’après qu’on l’eût abjuré, on l’encense?
Ou s’il voulait, comme au trépied, un minerai,
Au feu d’un sein mortel éprouver son essence?

Ne tâchons à savoir des Dieux le soin secret:
Ainsi toute la grâce est dans l’obéissance,
Etant de l’ordre universel l’Objet seul vrai.

Q16 – T20 – y=x :c=a, d=b

Les fruits à la saveur de sable — 1923 (3)

AragonLe mouvement perpétuel


Un air embaumé

Les fruits à la saveur de sable
Les oiseaux qui n’ont pas de nom
Les chevaux peints comme un pennon
Et l’Amour nu mais incassable

Soumis à l’unique canon
De cet esprit changeant qui sable
Aux quinquets du temps haïssable
Le champagne clair du clairon

Chantent deux mots panégyriques
Du beau ravisseur de secrets
Que répète l’écho lyrique

Sur la tombe Mille regrets
Où dort dans un tuf mercenaire
Mon sade Orphée Apollinaire

Q15 – T23 – octo

Tu fus un bon bourgeois de ta petite ville, — 1921 (16)

Emile Faguet Chansons d’un passant

Emmanuel Kant

Tu fus un bon bourgeois de ta petite ville,
Tu vécus solitaire et comme clandestin ;
Sans jamais réfléchir un horizon lointain,
Le ruisseau de tes jours coula calme et tranquille.

Mais tout jeune tu pris ton front pur dans ta main,
Dédaignant du dehors le tumulte stérile,
Et de tes yeux fermés le regard immobile
Traversa, net et froid, l’ombre du cœur humain.

Là, levant lentement les lourds voiles du doute,
Comme une lampe d’or pendue aux saintes voûtes,
Tu vis la Loi-Devoir écrite en traits de feu.

Et tu te relevas plein d’une fierté franche…
Tu t’aperçus alors que ta tête était blanche
Et, les yeux vers le ciel, tu t’écrias : « Mon Dieu !

1873.

Q16 – T15

Dans les Cités à l’air brûlant — 1921 (5)

Mathias Lübeck in L’Oeuf dur

Périples et cie
‘ Au seul souci de voyager
Outre une Inde splendide et trouble »
Mallarmé

Dans les Cités à l’air brûlant
(Oporto, Palos ou Lisbonne)
De vieux messieurs chargés d’automne
Etablissent des portulans.

Au Cap de l’Espérance-Bonne
Vasco nous montre ses talents
Pour ce qui est de Magellan,
Je ne sais pas ce qu’il mitonne.

Les braves bougres n’ont pas peur
D’affronter l’océan hurleur
Sur l’aléa des caravelles,

Car le Génois si mal coté
Découvrit des terres nouvelles
Pour s’être trompé de côté.

Q16 – T14 – octo

A songer que l’état m’assigne — 1920 (8)

Aragon (sonnets non repris dans Feu de joie)

Satan, ses pompes et ses oeuvres

A songer que l’état m’assigne
Six francs, le prix d’une catin
Et le déjeuner du matin
Le noir registre je le signe:

Docteur, et ce nom qu’un destin
Favorable doit rendre insigne
Non sans quelque gaieté maligne
De mentir à ce bulletin.

Il n’est de titre que j’envie
garder ou l’une ou l’autre vie
comme en-tête pour mes papiers,

sinon celui que me confère
ce doux emploi de ne rien faire:
Médecin des Sapeurs-Pompiers.

Q16 – T15 – octo – sns

Ma Triste, les oiseaux de rire — 1920 (3)

René Ghil – in Oeuvres Complètes

Sonnet

Ma Triste, les oiseaux de rire
Même l’été ne volent pas
Au Mutisme de morts de glas
Qui vint aux grands rameaux élire

Tragique d’un passé d’empire
Un seul néant dans les amas
Plus ne songeant au vain soulas
Vers qui la ramille soupire.

Sous les hauts dômes végétants
Tous les sanglots sans ors d’étangs
Veillent privés d’orgueils de houle

Tandis que derrière leur soir
Un souvenir de Train qui roule
Au loin propage l’inespoir.

1886

Q15 – T14 – octo

Les hautes œuvres dont vous avez le souci, — 1919 (4)

Jules SuperviellePoèmes

Le Sonnet capital
à un bourreau en lui envoyant un panier fleuri

Les hautes œuvres dont vous avez le souci,
Vous les exécutez en sage qui s’efface,
Et c’est sot de penser avec la populace
Que vous n’appréciez l’homme qu’en raccourci.

Vous avez des égards savants, des mots de grâce;
Vous dites aux vieillards: « Ce jour vous rajeunit,
Les meilleurs jours sont ceux que point on ne finit;
Aux jeunes « il faut bien que jeunesse se passe ».

Mais, à l’heure où le soir ramène le chagrin,
L’horrible souvenir du panier purpurin
Monte, et vous essuyez une larme d’apôtre …

Je veux, sympathisant, vous offrir roses, lis,
Avec la pâquerette et le volubilis,
Que ce panier fleuri vous console de l’autre.

Q16 – T15

Pasteur, nous n’irons plus aux pâtis de l’aurore, — 1917 (2)

Jean Royère Par la lumière peints

Pasteur
A Gustave Geffroy

Pasteur, nous n’irons plus aux pâtis de l’aurore,
Tous mes agneaux sont morts d’avoir brouté l’azur;
Je veux, scellant sur eux l’ombre du clair-obscur,
Fermer notre bercail au soir qui vient d’éclore.

Un tendre clair de lune endormi sur un mur
Sera l’écho pensif de mon été sonore,
La seule volupté par quoi je puisse encore
Feindre au couchant du rêve un lendemain plus sûr.

Mais par les trous du toit dans la crèche où je couche
Mon âme a frissonné divine moins que lui
De sentir s’allumer aux astres qui m’ont lui
Le baiser de mes vers descendu sur ma bouche,

Fantôme dont la nuit s’éclaire d’un flambeau
Pendant que l’autre azur succède à son tombeau.

Q16 – T30 – disp: 4+4+4+2

Pâle, et sentant en moi vibrer des accords sombres, — 1916 (2)

Francis Ponge in Oeuvres, II (ed.Pléiade)

Sonnet

Pâle, et sentant en moi vibrer des accords sombres,
J’écoutais s’élever la mélopée du vent,
Douloureux adagio dans le soir angoissant,
Plainte ardente, sanglot tumultueux de l’ombre.

Serait-ce le total de tous les hurlements,
Dans tous les craquements du navire qui sombre,
Des gémissements sourds s’exhalant des décombres,
De tous les pleurs, de tous les grincements de dents?

Hélas non! Je sais trop que ce n’est que le bruit,
Lamentable et lugubre au tomber de la nuit,
Du vent crépusculaire attardé dans les branches.

De la lointaine Action rien en vient jusqu’à nous.
On voudrait s’élancer, se griser de revanches!
Mais on ne peut qu’attendre, et tomber à genoux.

Q16 – T14