Archives de catégorie : Q32 – abab ab’ab’

Princesse sidérée à la source des sens — 1970 (7)

Jean Queval En somme

Sonnet en S

Princesse sidérée à la source des sens
Les serpents suppliciés au secret de tes songes
Ces lentes saturnies de saveur et d’absence
Les somnolences sont-ce des sondes des sondes

Ta scissure suscite une amorce de stance
Ta nasse de capture espère aux feux garçons
Ta soif et ton serment s’allient par descendance
Ta source prise s’orne et s’arme des saisons

La sphère comme amphore un astre de ton aire
La césure et la stase et la course corsaire
La serre enfin promise à la scène incendiaire

Tes seins pléniers sanglés au soufre des censures
Tes reins très assaillis par ces muscles augures
Tes liens tant saccagés au souffle des centaures

Q32  T5

Merci pour la Vérole et gardez le Pourboire. — 1966 (8)

Roland Dubillard Je dirai que je suis tombé


Sonnet attribué

Merci pour la Vérole et gardez le Pourboire.
Je m’en vais vers là où on va.
J’ai des soucis, comme la Loire,
J’ai des sourcils froncés très bas.

Je vais, triste et certain des fruits de ma Victoire.
Je suis Vainqueur. Je ne sais pas de Quoi.
Vous êtes de passage au plafond de ma Gloire.
Les Manèges de la Graisse ont fait de nous Trois.

Trois par un puis par quatre et l’air
Pousse dans son trombone une expression divine.
Ce qui est noir ici par là-bas d’illumine.

On dirait la clarté; on dirait cet œil clair,
Et ce Spectacle aussi que mon regard termine:
L’Ovale Vérolé du Visage d’Hermine.

Q32 – T29 – 2m : octo: v.2, v.3, v.4, v.9 ; déca:v.6

Oh que de douleur abonde — 1947 (8)

Mélot du Dy in Jean Paulhan, Dominique Aury – Poètes d’aujourd’hui

Oh que de douleur abonde
Pour ne point nous enrichir
Sous un crâne qui se bombe
A force de réfléchir.

Et bientôt de par le monde,
Je le dis en vérité
Il n’y aura que des monstres
Douloureux d’énormité.

Où qui préfère la simple
Assurance d’une guimpe
A tout autre gonflement?

Où le penseur aux mains vides
Qui jubile s’il avise
Un sein modeste et charmant?

Q32 – T15 – 7s

Combien de temps ô mère du Seigneur avant — 1944 (9)

Pierre-Jean JouveLa Vierge de Paris

Combien de temps ô mère du Seigneur avant
Que ne revive à ce vieux sol le fils en gloire
Que de travaux de pleurs combien de battements
Pour que le rayon doux revienne à notre histoire

Pour que nous retrouvions le bois sacré des ans
Et le soleil du jour patient labyrinthe
D’amour et de folie avec art caressant
Ta robe de grandeur et ton regard sans plainte

O vierge de Paris c’est à présent que l’art
Obscur emplit l’abîme alors que dans tes plis
Disparaissant, que tu n’es plus la vierge mère,

C’est à présent que nous voyons le vent du temps
Mêlant nos murs cassés à nos tristes parvis
Demander durement si nous sommes Lazare.

Q32 – cdx ydc

Tous ces messieurs passent trop vite — 1922 (5)

Mélot du Dy in Le Disque vert

Charlie & Touchstone in the Forest of Arden

Tous ces messieurs passent trop vite
Au gré d’une vue immortelle;
Le mouvement de cette ville
Est difficile à supporter.

Permettez-donc que je vous quitte
Pour m’en aller à la campagne.
Adieu! je veux vivre tranquille.
Le bonheur ne vous comprend pas.

Bonheur de la forêt, le calme…
Mais où fuir ce monde cocasse?
L’arbre même est articulé

Sous l’écorce dissimulé
Un bouffon mime la sagesse;
Quelle forêt de petits gestes!

Q32 – T13 – octo  – certaines rimes approximatives

Dans un numéro de cette revue en l’honneur de Charles Chaplin.

Ni vu ni connu — 1922 (2)

Paul ValéryCharmes

Le sylphe

Ni vu ni connu
Je suis le parfum
Vivant et défunt
Dans le vent venu!

Ni vu ni connu
Hasard ou génie?
A peine venu
La tâche est finie!

Ni lu ni compris?
Aux meilleurs esprits
Que d’erreurs promises!

Ni vu ni connu
Le temps d’un sein nu
Entre deux chemises!

Q47 – T15 – y=x : e=a – 5s – le vers 1 est repris deux fois

La fruitière m’a dit:  » La légume est plus chère, — 1918 (1)

Georges de La Fouchardière in L’Oeuvre

Le Songe

La fruitière m’a dit:  » La légume est plus chère,
Car le ressemelage encor a raugmenté.  »
Le charcutier m’a dit: « Le cochon exagère,
Car, au comptoir voisin, le pinard a monté. »

Une poule m’a dit, dressant sa tête altière:
« Ponds toi-même tes oeufs à l’heure du repas. »
Le débitant m’a dit: « Dedans ma tabatière,
J’ai d’excellent tabac, mais tu n’en auras pas.  »

Plus avide de jour en jour, de proche en proche,
La main du mercanti fouille dans notre poche;
Pendant que dans sa poche opère une autre main.

Et la richesse, au jour d’aujourd’hui, n’est qu’un leurre.
Toujours, toujours plus haut, monte le prix du beurre,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain

(Armand Sully Prudhomme)

Q32 – T15 pastiche

Au Waterloo Hotel, j’ai achevé mon tiffin, —1900 (6)

Henri Jean-Marie LevetSonnets torrides

Les Voyages, III Homewards
A M.P. Bons d’Anty.

Au Waterloo Hotel, j’ai achevé mon tiffin,
Et, mon bill payé, je me dirige vers le wharf.
Voici l’Indus ( des Messageries Maritimes)
Et la tristesse imbécile du « homewards’.

– Quelques officiers français qui reviennent d’Indo-Chine
Passer en Europe un congé de six mois,
Commentent l’embarquement de jeunes misses, divines,
Avec lesquelles je ne flirterai certes pas!

Sur le pont mes futurs compagnons de voyage
Me dévisagent …
Puis on passe une sommaire visite de santé –

(Cette année la peste a fait ici bien des ravages!)
– Enfin voici la cloche du départ, qui sonne
Que je ramène, pieusement ouatée,
La fleur de ma mélancolie anglo-saxonne.

Q32 – ccd ced e – m.irr – 15v

Cueillant les nénuphards d’or jaune et les muguets, — 1884 (21)

Laurent Tailhade
Bagnères-Thermal

Prélude

Cueillant les nénuphards d’or jaune et les muguets,
J’ai conduit ma douleur morose au fil des berges,
Parmi les amoureux quelconques et très gais
Qui grouillent sur le seuil friturier des auberges.

Photographes rêvant aux anciens Uruguais,
Canoteurs insultant la majesté des fleuves,
S’ébattant avec des cris fous de papegais
A travers des sérails de modistes peu neuves.

Ils sont très gais, sachant que, demain, ils pourront
A l’ombre des comptoirs rasséréner leur front
Sous les yeux paternels, ô Durand, qui les guettes.

Leur joie obtuse endort ma peine et, quand le soir
Monte dans l’azur clair, près d’eux je viens m’asseoir
Et mange du lapin aux bosquets des guinguettes.

Q32 – T15