Archives de catégorie : T15 – ccd eed

Si j’osais je dirais ce que je n’ose dire — 1958 (6)

Raymond Queneau Sonnets

Qui cause? qui dose? qui ose?

Si j’osais je dirais ce que je n’ose dire
Mais non je n’ose pas je ne suis pas osé
Dire n’est pas mon fort et fors que de le dire
Je cacherai toujours ce que je n’oserai

Oser ce n’est pas rien ce n’est pas peu de dire
Mais rien ce n’est pas peu et peu se réduirait
A ce rien si osé que je n’ose produire
Et que ne cacherait un qui le produirait

Mais ce n’est pas tout ça Au boulot si je l’ose
Mais comment oserai-je une si courte pause
Séparant le tercet d’avecque le quatrain

D’ailleurs je dois l’avouer je ne sais pas qui cause
Je ne sais pas qui parle et je ne sais qui ose
A l’infini poème apporter une fin

Q8 – T15

Acriborde acromate et marneuse la vague — 1958 (5)

Raymond Queneau Sonnets

Acriborde acromate et marneuse la vague
au bois des écumés brouillés de mille cleurs
pulsereuse choisit un destin coquillague
sur le sable ou les nrous nretiennent les nracleurs

Si des monstres errants emportés par l’orague
crentaient avec leurs crons le crepâs des sancleurs
alors tant et si bien mult et moult c’est une ague
qui pendrait sa trapouille au cou de l’étrancleur

Où va la miraison qui flottait en bombaste
où va la mifolie au creux des cruses d’asthe
où vont tous les ocieux sur le chemin des mers

on ne sait ce qui court en poignant sur la piste
on ne sait ce qui crie en poussant le tempiste
dans le ciel où l’apur cherche un benith amer
on ne sait pas?

Q8 – T15 + x – 4s: v.15 – 15v

La Nation débordait de cent torrents grossie — 1958 (1)

Henri BassisSonnets pour la République


La Mer

La Nation débordait de cent torrents grossie
Toutes les rues charriaient ce soir d’étranges fleuves
Une coulée d’azur trouant les jours d’épreuves
Comme si l’Avenir faisait une éclaircie

Des hommes avançaient en bleu les mains noircies
Et des femmes portant parfois des robes neuves
Des gavroches sifflaient Paris faisait ses preuves
La République était vivante Dieu merci

Chantant grondant riant oubliant sa fatigue
Tout un peuple océan battait contre ses digues
Moi j’écoutais sans fin ce géant respirer

Je sais qu’un Mai toujours démentira Brumaire
Une vague me prit et j’entrai dans la mer
Où lente mûrissait une énorme marée.

Q15 – T15

La rime est un carcan : je n’en fais pas mystère, — 1957 (5)

Florilège des Sonnets d’Arvers rénovés et signés des lauréats du Concours de la Muse d’Oc

(Georges Poucet)
L’énigme d’art vert

La rime est un carcan : je n’en fais pas mystère,
Un supplice plus dur, dans ce genre, est conçu,
Car le sonnet d’Arvers (j’eus préféré me taire)
Je dois le pasticher, ne l’ayant jamais su.

Mais, pourtant, ce problème est-il inaperçu ?
Non, près des Jeux Floraux, on n’est pas solitaire ,
Et plus d’un cavalier aura mis pied à terre :
Descendant de Pégase, il sera bien reçu.

Il lui faudra choisir le sévère ou le tendre ,
S’inspirer de son mieux, s’il veut se faire entendre,
Qu’on puisse en l’écoutant le suivre pas à pas,

En restant, à la rime, entièrement fidèle,
Gagnant le dernier vers encor tout rempli d’elle,
Il dira : c’est fini ! mais ne finira pas.

Q10  T15  arv  s sur s

Tes yeux m’ont révélé leur secret sans mystère, — 1957 (4)

Florilège des Sonnets d’Arvers rénovés et signés des lauréats du Concours de la Muse d’Oc

(madame Calliot-Bonnat)

Tes yeux m’ont révélé leur secret sans mystère,
Et ce cruel amour en ton âme conçu.
Le mal est sans espoir ! continue à le taire,
Mais je préfèrerais n’avoir jamais rien su.

Tu passais, près de moi, souvent, inaperçu
Dans la foule, partout, je restais solitaire …
Je ferai, jusqu’au bout, mon chemin sur la terre,
Ne demandant plus rien, ayant assez reçu.

Grâce à Dieu, quelquefois, je suis douce et très tendre
Mais je vais mon chemin, ne voulant pas entendre
Ce murmure d’amour élevé sur mes pas.

L’agréable devoir auquel je suis fidèle,
M’empêche de frémir au sonnet tout plein d’ELLE.
Eternel  ton amour ? Non, je ne le crois pas.

Q10  T15  arv

Toute âme a son secret, l’escargot son mystère — 1955 (5)

– ? in Vie et Langage (août 1955)

Toute âme a son secret, l’escargot son mystère
Sous les rayons ardents ; lorsque l’herbe a fondu,
Pourquoi, d’un air pressé, a-t-il quitté la terre
Pour grimper au pylone et rester suspendu ?

Des miliers d’escargots au faîte parvenus ,
En gerbe déployés brillent dans la lumière,
«  Ils sont à moi », pensai-je, et d’une grosse pierre,
Visant bien, frappant mieux, je les ai descendus.

Je me penchai vers eux, pour palper leur chair tendre.
Où sont-ils ? Pas un corps dans les coques de cendre,
Les sépulcres blanchis s’écrasent sous mes pas !

Peut-être, au vent du soir, adorables nacelles,
Les cornes ont porté leurs âmes éternelles
Jusques au paradis ? nous ne le saurons pas

Q10  T15  (arv) approximatif

Un torse plat tout plat comme un pilastre — 1954 (7)

Pierre Albert-Birot Tout finit par un sonnet (Poésie 1952-66)

Sonnet récapitulatif

Un torse plat tout plat comme un pilastre
Un masque rond avec un œil de fer
Un paysage en forme de désastre
C’est à tout prendre et tout foutre à la mer

Et s’en aller sur n’importe quel astre
Chercher un beau grand dieu qui vous soit cher
Plus que Bouddha Jésus ou Zoroastre
Qui vous reçoive juste entre âme et chair

Mais par fenêtre entre de l’amical
C’est grand c’est chaud c’est fort c’est musical
Je reste ici ce que j’ai je le garde

Et quand viendra l’hiver le temps des maux
Pour me chauffer je cuirai des émaux
Quant à la mort je sais ça me regarde

Q8 – T15 – déca

Deux quatrains, deux tercets, jamais plus, jamais moins. — 1952 (2)

Jean-Victor Pellerin Les aveux – LXIV sonnets –

L

Deux quatrains, deux tercets, jamais plus, jamais moins.
– D’aucuns alors de me traiter de maniaque,
D’autres d’aller jeter ce volume au cloaque,
Tous de prendre l’Olympe et Pégase à témoin!

Certains même, au grand cœur, de pleurer dans un coin,
Craignant que l’âpre tâche à laquelle je vaque
Ne m’épuise assez vite et qu’hélas je ne claque
Plus tôt que décemment il n’en serait besoin.

Allez, trop bons amis, bannissez toute crainte:
J’obéis dans la douleur aux sévères contraintes
Qu’impose à ses tenants la forme du sonnet.

Et point n’ai-je regret de me couvrir de honte
En osant rendre hommage à la muse d’Oronte,
– Et si je m’en repens, ce n’est qu’un tantinet.

Q15 – T15 – s sur s

Innover à tout prix, sans trêve, à chaque instant, — 1952 (1)

Jean-Victor Pellerin Les aveux – LXIV sonnets –


III

Innover à tout prix, sans trêve, à chaque instant,
Bousculer la métrique ainsi que la grammaire,
Condamner le durable au nom de l’éphémère,
C’est là suivre une mode – et c’est perdre son temps.

A quoi bon s’encombrer d’un nouvel instrument
Quand celui sur lequel ont excellé nos pères
N’attend que notre amour et notre savoir-faire
Pour vibrer de nouveau mélodieusement?

Le vieil alexandrin à la stricte césure
Peut aussi bien chanter que tel vers sans mesure
L’angoisse et la douleur des hommes d’aujourd’hui;

A nous de l’accorder au ton de nos poèmes,
A nous de l’inspirer, à nous d’être nous-mêmes
Et de l’aimer assez pour nous fier à lui.

Q15 – T15 fières paroles, mais fait rimer le singulier avec le pluriel ce qui aurait sans aucun doute horrifié ‘nos pères’

Mon Baudelaire aimé verse son Chant d’automne — 1947 (11)

Armand Godoy Sonnets pour l’aube

VII

Mon Baudelaire aimé verse son Chant d’automne
Dans celui qu’aujourd’hui va remplacer l’hiver,
Et je revois soudain la chère mer bretonne
Qui sut prendre mon cœur mieux que nulle autre mer.

A-t-elle reflété ces yeux dont m’abandonne
Parfois le souvenir ? et de quel univers
Seraient-ils revenus, par ce soir monotone,
Me dire s’ils étaient jadis bleus, noirs ou verts ?

Là-bas, l’arbre transi dépose sa couronne,
L’hirondelle est partie, et le gazon frissonne.
D’autres ailes, ailleurs, frôlent le ciel couvert.

Le lierre pâlissant s’accroche à la colonne
D’un vieux temple détruit, et l’Angélus résonne
Tendrement … Etaient-ils, ces yeux, bleus, noirs ou verts ?

Q8  T15  y=x :c=a & d=b