Archives de catégorie : T15 – ccd eed

Voyant qu’aujourd’hui les marchands — 1865 (5)

Alfred Besse in Choix des improvisations…

L’histoire

L’histoire est une belle chose
Pour celui qui l’écrit sans fard ;
De l’effet il cherche la cause,
Qu’il chante Alexandre ou César ?

Mais souvent un auteur qui glose ;
Dans un livre écrit au hasard,
De fables augmente la dose,
Et vend des contes de bazar.

Un quidam (le fait est notoire),
Veut pour les récits de l’Histoire,
Des écrivains sans passion ;

Mais moi dont l’âme est plus naïve,
Je veux que celui qui l’écrive
Soit un auteur …. Sans pension.

abab’ abab’ – T15  octo  improvisé au Petit-Séminaire, Saint-Gaultier (Indre le 4 juin 1865 »

Lincoln, grand citoyen, fils de la liberté, — 1865 (3)

J.C. Lusine extrait du Phare de la Loire sous forme de faire-part


Un rameau d’Immortelle

Lincoln, grand citoyen, fils de la liberté,
Intègre magistrat, vertu digne d’Homère ;
Toi qui n’oublias point ton berceau ni ta mère,
Gloire de l’Amérique et de l’Humanité !

Ton devoir est rempli ; ton ombre avec fierté
Voit l’esclavage en vain quêter un victimaire,
Il n’a pris que ton coprs, le crime est éphémère …
Ton œuvre à toi s’envole à l’Immortalité !

Aussi, comme une femme au fruit de ses entrailles
Le Sud au Nord uni pleure à tes funérailles :
Ton sang dicte la paix au peuple fier géant.

Reçois donc, ô martyr de la Liberté Sainte,
Des travailleurs dans le deuil et la plainte
Un rameau d’Immortelle à travers l’Océan !

Q15 – T15

Au Louvre, bien souvent, je n’ai regardé qu’elle, — 1865 (2)

Madame Auguste Penquer, née Léocadie Salaün Révélations poétiques

La Joconde

Au Louvre, bien souvent, je n’ai regardé qu’elle,
C’est la beauté suprème, infinie, éternelle;
La femme, ainsi que Dieu l’a faite pour charmer,
Pour inspirer l’amour et surtout pour aimer.

Son oeil, sombre et profond, par instants étincelle,
Comme un  foyer ardent couvé sous la prunelle;
Son sourire a ce don qui ne peut s’exprimer,
Qui semble tout permettre et sait tout réprimer.

Devant ce beau portrait, je rêve et je m’oublie,
L’esprit rempli d’extase et de mélancolie.
J’admire avec mon coeur autant qu’avec mes yeux:

C’est l’idéalité vivante et solitaire
Qui passe, en se mêlant aux splendeurs de la terre,
Mais qui garde toujours une empreinte des cieux.

Q1 – T15

Alors que nous étions jeunes adolescents — 1864 (10)

Jules de Voris Fleurs et chardons

Regret

Alors que nous étions jeunes adolescents
Et qu’on nous permettait des doux jeux innocents,
C’est vous que j’embrassais pour sortir de la ronde,
Tressaillant sous le poids d’une ivresse profonde.

Loins des fades bavards qui composent le monde,
Un soir, tous deux, tout seuls, timides, rougissants,
Et le cœur dévoré de désirs impuissants,
Je vous ai dit, je crois, que j’aimais une blonde.

Hier, dans ce grand bal où l’on vous admirait,
Près du petit salon, que l’ombre enveloppait,
Moi, jeune homme perdu dans la foule ennuyeuse,

Je regrettais le temps où main à main, sans frein,
Sans souci ni remords en leur amour serein,
Je fermai d’un baiser votre bouche rieuse.

Q4  T15

Je veux faire un sonnet, – superbe … magnifique! — 1864 (7)

Frederick Juncker Sonnets

Fantaisie

Je veux faire un sonnet, – superbe … magnifique!
Original, surtout: mon sujet est charmant.
Je l’ai tiré du coeur, et, certes!, je me pique
De toucher cette corde harmonieusement …

Pour qu’il soit sans reproche, il faut que je m’applique,
Le revoie et corrige; – il faut également
Qu’il soit mis bien au net, afin que la critique,
Honteuse, devant nous, s’incline poliment.

Ah! Nous allons donc faire une oeuvre de génie!
Je me sens tout dispos! La rime et l’harmonie
Chantent à mes côtés leurs plus belles chansons;

Vite! Dans ce beau feu que ma verve s’allume;
Mon buvard! …   mon papier! Mon garde-main, ma plume!
Et maintenant j’y suis, – tout est prêt – Commençons!

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Q8 – T15 – 15v  – s sur s Ici, il allonge le texte d’une ligne de points, quinzième vers, ou premier vers d’un sonnet absent.

J’aurai trente-six ans dans onze mois d’ici; — 1864 (6)

Frederick Juncker La gerbe


Ego

J’aurai trente-six ans dans onze mois d’ici;
Je suis blond, grand et mince, assez facile à vivre;
Les extrêmes chez moi vont se touchant – Ainsi
Je suis plus fou qu’un singe, ou plus grave qu’un livre.

Je ne suis pas courtois; – pourtant, je dis: Merci!
Quand on m’offre une chaise. – Aisément je me livre
A qui m’offre son coeur; mais – qu’on me pende! – si
J’en ai jamais cherché qu’on rougirait de suivre!

Quant à mes qualités, mes défauts, mon humeur,
Ma foi! N’en parlons pas; je ne suis point fumeur
Et c’est une vertu, de nos jours, assez belle.

Je travaille pour vivre et chante par amour,
Enfin, je crois en Dieu, très-cher lecteur, et pour
En finir avec moi, sache que je m’appelle:
Frédérick Juncker

Q8 – T15 Frédérick Junker introduit son nom en supplément à son sonnet, par sa signature manuscrite en facsimile.

Qui peut vous oublier blondes filles du Nord, — 1864 (4)

A. de Flaux Sonnets

XIV
Sur les jeunes filles de Stockholm

Qui peut vous oublier blondes filles du Nord,
Au teint pâle, aux yeux bleus, si pures et si belles
Qu’il nous semble toujours aux voûtes éternelles,
Comme des séraphins, vous allez prendre essor!

De vos yeux abrités sous vos longs cheveux d’or
Parfois, à votre insu, sortent des étincelles.
C’est que le feu caché qui couve en vos prunelles
N’a dans aucun climat fait battre un coeur plus fort.

Pendant les courtes nuits de juin, ô jeunes  filles,
Quand vous veniez, le front caché sous vos mantilles,
Fouler d’un pied léger les prés de Djurgarden,

Je croyais voir au ciel scintiller plus d’étoiles;
L’air était embaumé, la nuit était sans voiles,
Et mon rêve enchanté durait jusqu’au matin.

Q15 – T15

Je me suis laissé prendre au piège — 1863 (12)

François-Victor Lacrampe Les chaumes

Sonnet

Je me suis laissé prendre au piège
De ces deux yeux noirs et profonds,
Et les miens leur font un cortège
Comme aux roses les papillons.

Ces yeux ornent un front de neige
Couronnés de beaux cheveux blonds,
C’est comme un voile qui protège
Leurs mélancoliques rayons.

Malgré moi, je reste en extase ;
Je veux parler, mais chaque phrase
S’arrête et jamais ne finit.

J’admire leur beauté divine,
Silencieux … çà, ma voisine,
Je suis bien près de votre nid.

Q8  T15  octo  bi

Tandis que pour trouver, tous deux, la bonne étoile, — 1863 (10)

Charles Sorbets Poésies

A MON FRERE

Tandis que pour trouver, tous deux, la bonne étoile,
Mon frère, nous portons nos regards vers l’azur,
A tes yeux attendris un astre se dévoile
Brillant aux doux reflets du firmament si pur.

Une étoile! insensé, j’ai cru trouver la mienne;
Une femme au coeur d’ange, un trésor que j’aimais!..,
Quelle autre destinée est égale à la tienne!
Que ton bonheur, ami, ne s’éloigne jamais,

Ah! pour moi le bonheur est une étrange chose.
Une fleur qui s’entr’ouvre et meurt à peine éclose ;
Une ombre qui me fuit quand je crois la saisir.

Le ciel que tu cherchais t’apparaît sans nuages.
Moi, je n’ai rencontré que de trompeurs mirages,
J’oubliais que mon sort est de toujours souffrir.

Q59  T15  bi