Archives de catégorie : T15 – ccd eed

Soit que paisible au sein du foyer domestique, — 1843 (10)

François Ponsard in Oeuvres complêtes, III (1876)


A madame Dorval, après la représentation de Lucrèce

Soit que paisible au sein du foyer domestique,
Vous nous rajeunissiez le gynécée antique,
Et qu’ouvrant votre coeur à la douce pitié,
Vous charmiez le malheur  par des mots d’amitié;

Soit que vous commandiez, majestueuse et sainte,
Au crime audacieux le respect et la crainte,
« Et qu’un courroux auguste éclatant dans votre oeil,
Des regards de Sextus fasse baisser l’orgueil »;

Soit qu’appelant chez vous un tribunal intime,
Vous y comparaissiez, pâle mais plus sublime,
Pour l’exemple  à donner résolue au poignard;

Tout à tour gracieuse, ou sévère, ou funeste,
Aux mouvements du coeur empruntant votre geste,
Trois fois vous nous montrez la nature de l’art.

Q55 – T15 Quatrains: aabb  a’a’b’b’. Sans réfléchir, et par ignorance sans doute, mr Robb prend l’emploi de quatrains plats par Ponsard pour une plaisanterie !

Quand je touche rêveuse à ces feuilles sonores, — 1843 (9)

Marceline Desbordes-Valmore Bouquets et prières


Au livre de Consolations
par Monsieur Sainte-Beuve

Quand je touche rêveuse à ces feuilles sonores,
D’où montent les parfums des divines amphores,
Prise par tout mon corps d’un long tressaillement,
Je m’incline et j’écoute avec saisissement.

O fièvre poétique! O sainte maladie!
O jeunesse éternelle! O vaste mélodie!
Voix limpide et profonde! Invisible instrument!
Nid d’abeille enfermé dans un  livre charmant!

Trésor tombé des mains du meilleur de mes frères!
Doux Memnon! Chaste ami de mes tendres misères!
Chantez, nourrissez-moi d’impérissable miel:

Car je suis indigente à me nourrir moi-même;
Source fraîche, ouvrez-vous à ma douleur suprême,

Et m’aidez, par le monde, à retrouver mon ciel!

Q27 – T15 – Quatrains à trois rimes: aabb a’a’bb

Moi, je suis la tulipe, une fleur de Hollande; — 1843 (8)

(Balzac)

– Que pensez-vous de mes pauvres sonnets? demanda formellement Lucien.
– Voulez-vous la vérité? dit Loustau.
– Je suis assez jeune pour l’aimer, et je veux trop réussir pour ne pas l’entendre sans me fâcher, mais non sans désespoir, répondit Lucien.
– Hé! Bien, mon cher, les entortillages du premier annoncent une oeuvre faite à Angoulème, et qui vous a sans doute trop coûté pour y renoncer; le second et le troisième sentent déjà Paris; mais lisez-m’en un autre encore? ajouta-t-il en faisant un geste qui parut charmant au grand homme de province.
Encouragé par cette demande, Lucien lut avec plus de confiance le sonnet que préféraient d’Arthez et Bridau, peut-être à cause de sa couleur.

CINQUANTIEME SONNET.
La Tulipe.

Moi, je suis la tulipe, une fleur de Hollande;
Et telle est ma beauté que l’avare flamand
Paye un de mes oignons plus cher qu’un diamant,
Si mes fonds sont bien purs, si je suis droite et grande.

Mon air est féodal, et, comme une Yolande
Dans sa jupe à longs plis étoffée amplement,
Je porte des blasons peints sur mon vêtement:
Gueules fascé d’argent, or avec pourpre en bande;

Le jardinier divin a filé de ses doigts
Les rayons du soleil et la pourpre des rois
Pour me faire une robe à trame douce et fine.

Nulle fleur du jardin n’égale ma splendeur,
Mais la nature, hélas! N’a pas versé d’odeur
Dans mon calice fait comme un vase de Chine.

Q15 – T15

– Eh, bien? dit Lucien….

ce sonnet est dû, semble-t-il, à Théophile Gautier

Chaque fleur dit un mot du livre de nature: — 1843 (7)

(Balzac)

Quand il eut fini, le poème regarda son aristarque, Etienne Loustau contemplait les arbres de la pépinière.
– Eh! bien? lui dit Lucien.
– Eh! bien? mon cher, allez! Ne vous écouté-je pas? A Paris, écouter sans mot dire est un éloge.
– En avez-vous assez? dit Lucien?
– Continuez, répondit assez brusquement le journaliste.
Lucien lut le sonnet suivant …

TRENTIEME SONNET
Le camélia

Chaque fleur dit un mot du livre de nature:
La rose est à l’amour et fête la beauté,
La violette exhale une âme aimante et pure,
Et le lis resplendit de sa simplicité.

Mais le camélia, monstre de la culture,
Rose sans ambroisie et lis sans majesté,
Semble s’épanouir, aux saisons de froidure,
Pour les ennuis coquets de la virginité.

Cependant, au rebord des loges de théâtre,
J’aime à voir, évasant leurs pétales d’albâtre,
Couronne de pudeur, de blancs camélias

Parmi les cheveux noirs des belles jeunes femmes
Qui savent inspirer un amour pur aux âmes,
Comme les marbres grecs du sculpteur Phidias.

Q8 – T15

Du sonnet, moi j’ai la manie, — 1843 (3)

Gustave Levavasseur – in Vers

Sonnet

Du sonnet, moi j’ai la manie,
J’aime calembourgs et rébus,
J’aime la royauté bannie,
J’invoque Pégase et Phoebus.

Je dis au soir ma litanie,
Et mon feutre insulte Gibus;
Je compterais pour avanie
De m’encaisser en omnibus.

Que l’on me fronde ou qu’on me loue,
Devant notre siècle de boue,
Je me couvre d’un air hautain;

Et si j’étais moine ou bien prêtre,
Je sais ce que je voudrais être:
Abeilard ou l’abbé Cotin.

Q8 – T15 – octo – s sur s

Aux honneurs du poëme, ô toi qui veux prétendre, — 1843 (2)

MollevaultCinquante sonnets,

xlvi – Le Sonnet

Aux honneurs du poëme, ô toi qui veux prétendre,
Toi, tyran de ma verve, impérieux sonnet!
Qui, vanté par Boileau, daigne à peine m’entendre,
Au risque d’un cartel, je te veux parler net.

Lorsque que mon jeune coeur était facile et tendre,
Que l’heure du plaisir pour ma Muse sonnait,
J’allais, près de Vénus, sur le gazon m’étendre,
Et, sans peine, à ses pieds mon vers se façonnait.

Fatigué des travaux, quand du luth je m’escrime,
Mal avec les amours, et mal avec la rime,
Je les suis hors d’haleine, et ne les atteins pas.

Ah! quand l’arrêt du Temps vient tout nous interdire,
Il faut battre en retraite, et chaque jour se dire:
Adieu la rime riche et les riches appas.

Q8 – T15 – s sur s

Alors qu’avec bonheur votre verve s’exprime, — 1843 (1)

MollevaultCinquante sonnets, dédiés au cinquante membres titulaires et honoraires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

xiv – Le sonnet de mr Nodier, offrant huit rimes pareilles, contre la règle

Alors qu’avec bonheur votre verve s’exprime,
Malgré votre talent, je le dis sans façon,
Huit rimes, même soeurs, que je gronde et supprime,
Ont du docte Boileau négligé la leçon.

Si des chants les pensers seuls emportaient la prime,
Vous pourriez vous livrer à ce retour de son,
Et vous verriez le Pinde, où votre talent prime,
Fier de vous présenter son plus cher nourrisson.

Avec un saint respect la langue vous contemple,
Et l’éditeur qui veut lui consacrer un temple
Grave sur le fronton le chiffre de Nodier.

Moi qui n’ai point l’essor de vous ou de Racine,
Au sol des éditeurs je ne prends point racine,
Et mon arbre est, hélas un vrai baguenaudier.

Q8 – T15

Le printemps est venu. Le mois des giboulées — 1842 (21)

Emile de La Bedollière in Les français peints par eux-mêmes

Le printemps est venu. Le mois des giboulées
Cesse de détremper les flancs de nos côteaux,
Voici des jours de flamme et des nuits étoilées,
Un soleil radieux se mîre dans les eaux.

Et déjà l’amandier, sans craindre les gelées,
D’une blanche dentelle argente ses rameaux ;
L’on entend gazouiller sous les vertes feuillées
Un cœur harmonieux d’insectes et d’oiseaux.

N’est-ce pas ? Il est doux d’errer dans la contrée,
Qui s’égaie au soleil, de mille fleurs parée ;
Allons ensemble, ami ; viens, donne-moi la main.

Loin d’un monde brillant quand le bonheur s’exile,
Pour le suivre à la trace abandonnons la ville,
Et puissions- nous bientôt le trouver en chemin.

Q8 – T15

Toi qu’on vit récemment, de ton fauteuil critique, — 1842 (19)

Xavier Marmier Chants populaires du Nord

La conversion au sonnet

Toi qu’on vit récemment, de ton fauteuil critique,
Sur nos pauvres sonnets déverser à longs flots,
Raffinement cruel ! – le sel de ces bons mots
Qui pénètrent au vif par leur mordant attique ;

O blanc cygne venu du pur Olympe antiques !
Pourquoi sur son hermine aujourd’hui sans défauts,
Cette tache aujourd’hui de nos bourbeuses eaux ?
Te serais-tu souillé d’un sonnet romantkjque ?

As-tu donc oublié tant de dérisions,
Et du vieux maître Voss les déclamations
Qu’envenimaient l’injure et les cris d’anathème ?

Ah ! tu me fais penser au précepteur grondant,
Pour des fruits dérobés, son élève imprudent,
Et qui s’éloigne après pour en manger lui-même !

Q15  T15  tr (d’un sonnet de Uhland adressé à Goethe, tardivement converti à cette forme)

Il est vrai, cher ami, qu’à voir ton Italie, — 1842 (18)

Accurse Alix Poésies

A un italien

Il est vrai, cher ami, qu’à voir ton Italie,
On dirait que la mort a fermé ses beaux yeux,
Mais, comme Juliette, elle n’est qu’endormie,
Au milieu des tombeaux de ses nobles aïeux.

Son cœur bat, et parfois à l’oreille ravie
Sa bouche exhale encor un souffle harmonieux ;
Elle ne peut mourir, elle qui fut choisie
Pour hôtesse autrefois de la gloire des Dieux.

Il ne faut, pour rouvrir ses paupières divines,
Qu’un doux rayon du ciel tombé sur ses racines
Qu’un son de voix ami par l’écho répété.

Le cri d’un de ses fils que la vague ramène
Au rivage natal d’où le bannit la haine,
Rapportant son amour avec la liberté.

Q8  T15