Archives de catégorie : T21 – cdc ddc

La fleur de volupté vient enfin de s’ouvrir. — 1866 (9)

Edmond Thiaudière Sauvagerie

Sonnet

La fleur de volupté vient enfin de s’ouvrir.
Un papillon ce soir s’y pose avec délice.
Timidement elle offre au baiser son calice:
A ce premier baiser qui la fait tant souffrir.

Et le sylphe indiscret qui chaque nuit se glisse
Au lit des vierges pour inculquer du plaisir,
Cet être, par malheur, impossible à saisir,
Fait place à l’homme; il faut que l’amour s’accomplisse.

Désormais ce n’est plus en songe seulement
Que passera sur toi la caresse enflammée;
Tu pourras dans l’éveil étreindre ton amant.

Mais le sylphe est sincère, et l’homme parfois ment.
L’un est toujours divin, l’autre est sot fréquemment.
Par l’homme, pauvre enfant, tu seras moins aimée.

Q16 – T21

Connais-tu la raison pour laquelle je t’aime? — 1861 (5)

Léon Cladel Poésies

5

Connais-tu  la raison pour laquelle je t’aime?
C’est ton amour savante et ton charme érudit,
C’est dans la Volupté ton élégant système…
C’est ta caresse artiste enfin qui m’engourdit.

Nulle pour varier le monotone thème
Du plaisir n’est pareille à toi, je te l’ai dit;
Tes pleurs tombent sur moi comme l’eau d’un baptème,
Tes pleurs que le calcul appelle, ange maudit!

Rythmique, enlace-moi, nonchalante et rythmique;
En ton moelleux dandysme exempt de passion,
Mesure le regard, l’haleine balsamique,

La parole, le geste et l’ondulation:
Voluptueuse avec préméditation,
Tu parais délirante étant mathématique!

Q8 – T21

Je pense à toi, Myrtho, divine enchanteresse, — 1854 (6)

Gérard de Nerval Les Chimères

Myrtho

Je pense à toi, Myrtho, divine enchanteresse,
Au Pausilippe altier, de mille feux brillant,
A ton front inondé des clartés d’Orient,
Aux raisins noirs mêlés avec l’or de ta tresse.

C’est dans ta coupe aussi que j’avais bu l’ivresse,
Et dans l’éclair furtif de ton oeil souriant,
Quand aux pieds d’Iacchus on me voyait priant,
Car la Muse m’a fait l’un des fils de la Grèce.

Je sais pourquoi là-bas le volcan s’est rouvert …
C’est qu’hier tu l’avais touché d’un pied agile,
Et de cendres soudain l’horizon s’est couvert.

Depuis qu’un duc normand brisa tes dieux d’argile,
Toujours, sous les rameaux du laurier de Virgile,
Le pâle hortensia s’unit au Myrte vert!

Q15 – T21

C’était bien lui, ce fou, cet insensé sublime … — 1844 (14)

Nerval Le Christ aux oliviers

V

C’était bien lui, ce fou, cet insensé sublime …
Cet Icare oublié qui remontait les cieux,
Ce Phaéton perdu sous la foudre des dieux,
Ce bel Atys meurtri que Cybèle ranime!

L’augure interrogeait le flanc de la victime,
La terre s’enivrait de ce sang précieux …
L’univers étourdi penchait sur ses essieux,
Et l’Olympe un instant chancela vers l’abîme.

 » Réponds! criait César à Jupiter Ammon,
Quel est ce nouveau dieu qu’on impose à la terre?
Mais si ce n’est un dieu, c’est au moins un démon …  »

Mais l’oracle invoqué pour jamais dut se taire;
Un seul pouvait au monde expliquer ce mystère:
– Celui qui donna l’âme aux enfants du limon.

Q15 – T21

Je vous ai vue enfant, maintenant quand j’y pense, — 1843 (15)

Alfred de Musset in ed. pléiade des Œuvres poétiques

A Marie-Mennessier-Nodier

Je vous ai vue enfant, maintenant quand j’y pense,
Fraiche comme une rose et le cœur dans les yeux,
« Je vous ai vu bambin, boudeur et paresseux ;
Vous aimiez Lord Byron, les grands vers et la danse »

Ainsi me revenaient les jours de notre enfance,
Et nous parlions déjà le langage des vieux ;
Ce jeune souvenir riait entre nous deux,
Léger comme un écho, gai comme l’espérance.

Le lâche craint le temps parce qu’il fait mourir ;
Il croît son mur gâté lorqu’une fleur y pousse.
O voyageur ami, père du souvenir,

C’est ta main consolante, et si sage, et si douce,
Qui conserve à jamais un pas fait sur la mousse,
Le hochet d’un enfant, un regard, un soupir.

Q15  T21

Qu’il est saint, qu’il est pur ton beau front sous le voile ! — 1840 (8)

J.L.Tremblai Maladie et guérison

Sonnet à la Vierge Marie

Qu’il est saint, qu’il est pur ton beau front sous le voile !
Sous ses plis longs et blancs que l’on aime à te voir !
Tu parais à nos yeux comme un riant espoir,
Comme l’ardente foi qu’un beau nuage voile !

Ainsi qu’au nautonier qui flotte au loin sans voile ,
Battu par tous les vents sous un horizon noir,
Et lève au ciel ses mains froides de désespoir,
Tu brilles à nos yeux comme une blanche étoile !

Ta bouche vient sourire au cœur souffrant, aigri ;
Aux paroles d’amour dont ta voix sainte abonde,
Le pécheur a pleuré, l’orphelin a souri.

Moi, je souffrais errant, et cherchant en ce monde
A qui dire mes maux et ma peine profonde :
Mes yeux l’on rencontré, et mon cœur a guéri.

Q15  T21

J’ai passé de Sicy le bois mystérieux. — 1835 (1)

Julien TraversSonnets sur le Mont st Michel in Mémoires de la Société Royale Académique de Cherbourg

I

J’ai passé de Sicy le bois mystérieux.
Sous le couteau sacré le sang d’une victime
Inondait le granit pour consulter les cieux:
Ainsi l’on préludait au jugement d’un crime.

Pendant que le druide est l’organe des dieux,
Je gravis en tremblant ta montagne sublime,
Bélinus. Car je viens pour acquitter des voeux,
Qui naguère ont sauvé mon vaisseau de l’abîme.

Ami de la nature, ô soleil, dieu du jour,
Je me dois tout entier à tes saintes prêtresses.
Leur javelots puissants m’ont valu mon retour.

Qu’un rayon de tes feux circule en mes caresses,
Et sur ce roc, enfin, tes belles druidesses
Recevront un mortel digne de leur amour.

Q8 – T21

Belinus : roi des Bretons, d’après Geoffroy de Monmouth

Exilé des combats dans une paix profonde, — 1824 (5)

Hippolyte Thomas
Sonnets

Napoléon.

Exilé des combats dans une paix profonde,
Le héros qui vingt ans a su vaincre et punir,
Consolé de sa gloire et plaignant l’avenir,
Finit sur un rocher sa course vagabonde.

Tous ces rois courtisans dont il peuplait le monde
Partout de ses bienfaits taisent le souvenir.
Je gémis sur sa tombe, et suis seul à gémir!
Le bruit de mes regrets vient expirer sur l’onde.

Ainsi sur le passé courbant de longs rameaux,
Quand le saule pieux pleure ces noms célèbres
Dont la cloche lugubre a sonné le repos,

A la pâle lueur de ces lampes funèbres,
Le remords inquiet mesure les ténèbres
Et recule effrayé du calme du tombeau.

Q15 – T21

Tercets sur deux rimes, de type cdc  ddc (avec une faiblesse: ‘rameaux’ (pluriel), rime avec tombeau (singulier), ce qui est interdit classiquement).

– (gef) les 3 rimes en »-ô » sont – pauvres- (malgré la proximité sonore de p/b et de m/b).

Fille auguste du ciel, ô paix tant désirée ! — 1801 (2)

Viviand-Bellerive Les Pyramides d’Egypte, ode au premier Consul

Invocation à la Paix

Fille auguste du ciel, ô paix tant désirée !
Abaisse enfin sur nous tes consolans regards,
Abandonne l’Olympe où tu t’es retirée :
L’humanité t’appelle au sein de nos rempars !

Fais envier ton règne à l’Europe égarée,
Succéder le repos aux jeux sanglans de Mars,
Et que chez les Français ton olive sacrée
Ranime l’industrie et réchauffe les arts !

D’une mère et d’un fils, viens essuyer les larmes,
Arrête la fureur des peuples et des rois,
Qu’aux pieds de ton autel ils déposent leurs armes !

Pour soutenir le trône, ou défendre leurs droits,
Si les cruels humains furent sourds à ta voix,
Ils en sont trop punis par douze hivers d’alarmes !

Q8  T21