Archives de catégorie : banv

Un nasillement doux. C’est elle et c’est assez. — 1938 (4)

Francis Jammes – Poèmes inédits et isolés in Oeuvres

Les quatre demoiselles Ducos

Un nasillement doux. C’est elle et c’est assez.
Ni poitrine, ni bras, ni jambes, ni cervelle.
Dieu bon mit un corset à son corps de javelle
Et pour la douce enfant créa les cétacés.

La seconde a des yeux de chinoise sensés.
Et ces yeux-là feraient au Japon des fidèles
Car ils ont la couleur des soupes d’hirondelle.
On dit que c’est très bon, ma cousine. Excusez.

La troisième des soeurs ressemble aux Philis douces
Qui, près des vieux châteaux, s’étendant sur les mousses
Semblaient être les fleurs vivantes du gazon;

Et la petite Ady que tout le monde vante
A l’air, lorsque son corps s’ajoute à sa raison,
D’un petit papillon plus gros qu’une éléphante.

1891?

Q15 – T14 – banv

Ouvrier précieux qui polis et qui rodes — 1938 (2)

Francis Jammes – Poèmes inédits et isolés in Oeuvres

Ouvrier précieux

Ouvrier précieux qui polis et qui rodes
Le cristal fin des vers aux doux résonnements,
Plus inquiet que toi des clairs raisonnements,
Je ne gemmerai point mes pages d’émeraudes.

Quand tu rimes ainsi, grand artiste, tu fraudes
Et facette du strass pour de durs diamants,
Orfèvre d’Hiéron dont les faux parements
Sont faits de cuivre vil avec lequel tu brodes.

Je forge ce sonnet pur impeccablement,
Impassible, et cachant mon noir accablement,
Pour te montrer qu’aussi je dompte et je terrasse

Les rhythmes solennés en mon œuvre bannis,
Faisant voir que mon livre est de ma seule race
Et que c’est bien exprès que mes mots sont ternis.
1888

Q15 – T14 – banv

O vous qui percevez, sous la rime qui sonne, — 1936 (4)

Jacques Langlois Les sonnets amoureux de Pétrarque

1

O vous qui percevez, sous la rime qui sonne,
L’écho de ces soupirs dont j’ai nourri mon cœur
Au temps de ma première et juvénile erreur,
Lorsque j’étais alors tout une autre personne,

Sous le style divers où sanglote et raisonne
Ma bien vaine espérance et ma vaine douleur,
Que votre expérience, en lisant mon ardeur,
M’accorde une pitié qui comprenne et pardonne.

Mais, je vois aujourd’hui combien longtemps je fus
La fable de la foule; et j’en suis tout confus
Vis-À-Vis de moi-même et rempli de vergogne.

Honte est fruit de folie; et j’apprends clairement,
Par repentir tardif de si folle besogne,
Qu’ici-bas ce qui plaît est songe d’un moment.

Q15 – T14 -banv –  tr (rvf 1)

Joli pays, riant de toutes ses minuscules, — 1936 (2)

Michel SeuphorL’ardente paix

Joli pays, I

Joli pays, riant de toutes ses minuscules,
De toutes ses mille et mille minuscules fleurs,
Ses mille blanches et mauves et jaunes réflecteurs
De la lumière inaltérable. Particules

De l’être, de l’Amour émouvantes émules:
Si vraiment humbles, artistes, si vraiment de ferveur
Illuminées, nous irradiant de la candeur
De leur ardente paix, leur oraison que nulle

Erreur n’infirme, que le péché originel
N’entame pas: le mal est extérieur et tel
Qu’il tempère l’Amour à la fragilité

Et qu’il accroît la lune pour le soleil en berne.
Pays qui par tout temps nous parle de clarté,
Pays si bien instruit de Celui qui gouverne.

Q15 – T14 – banv – quelques vers métriquement îrréguliers

Sonnet, ô sonnerie amie, ô soûlerie — 1936 (1)

Michel SeuphorL’ardente paix

Sonnet

Sonnet, ô sonnerie amie, ô soûlerie
De sons jolis, ô bal joyeux des lettres belles,
Ô fête très polie. Pensive pastourelle,
Quel est le doux joueur de vielle ou le génie,

Caché de nous, qui découvrit ton harmonie,
Ta forme claire, heureuse et à jamais nouvelle?
En as-tu mis sous ta tutelle, de ta dentelle
Liés, depuis le Dante et les académies

Chantantes de Provence! Moi, j’aime ta leçon:
Que le plus noble pas de danse est en fonction
D’une science de l’immobilité. C’est la contrainte

Qui donne la liberté, stimule, inspire, et l’art
Déjà triomphe, aborde la discipline sans crainte:
Au corps à corps paisible il reconnaît sa part.

Q15 – T14 – banv –  quelques vers métriquement îrréguliers – s sur s

Souffle, songe, silence, invisible accalmie, — 1934 (8)

Abel Valabrègue Les uns et les autres, pastiches

Paul Valéry

Souffle, songe, silence, invisible accalmie,
Sur qui la paix soudaine a trompé la douleur,
Quand de ce plein sommeil l’onde grave et l’ampleur
Semblent se concevoir à la bouche infinie.

Pire. Pire ? – Comme ils venaient d’une autre vie.
Mais toi, de bras plus purs, présent comme une odeur,
Ouvre au ciel en moi-même une autre profondeur
Dont la close étendue au centre me convie.

Gemmes rouges de jus, mépris de tanr d’azur,
Ne cherchez plus … Pleurez la chance d’un fruit mur !
Sous nos mêmes amours à peine il se redresse.

Mais, comme les soleils ne voient plus que le sang
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Epuise l’infini de l’effort impuissant

Bibliographie Dormeuse-Anne- La jeune Parque – Fragment du Narcisse – Au platane – Ebauche d’un serpent – Air de Sémiramis- La femme forte – La grenade – Le rameur – Dolmen – Cantique des colonnes – La fileuse

Q15  T14 – banv

A quoi te sert de fuir ? l’Angoisse est prête. — 1934 (7)

– Benjamin Fondane L’exode in Le mal des fantômes (ed.1996)

Voix de l’Esprit

A quoi te sert de fuir ? l’Angoisse est prête.
– Je veux dormir. Qui crie ? est-ce moi ?
Une lumière gicle – Sang ou soie ?
C’était, je m’en souviens, c’était la fête …

Ce n’est, inimitable, qu’une voix
Qui coule de mes reins jusqu’à ma tête :
Arrête-toi ! qui parle ?  suis-je bête !
C’était, je m’en souviens, c’était la joie …

Figures vierges. Solitudes grasses.
Est-ce le plat démon ? une ombre passe,
Emplit mon arc tendu, de mouvement.

Délices fortes que le temps renoue !
O voix !  plus assassines que le sang.
Et pas un fleuve pour coucher ma joue.

Q15  T14  – banv – déca

La chair a beau crier: l’Angoisse est lourde. — 1934 (6)

– Benjamin Fondane L’exode in Le mal des fantômes (ed.1996)

La chair a beau crier: l’Angoisse est lourde.
Et l’Ange a beau gémir : il est lié.
Qui suis-je ? en quelles paumes oublié ?
Mer repliée au cœur de la palourde.

Es-tu ici prière ? o grande sourde !
Je crie. Le monde me revient crié.
Rien ! rien que ce sanglot du temps nié
Où pèse des soleils la masse sourde.

Pas même seul. Des tas ! des tas de SEULS !
Ont elles droit, si maigres, aux linceuls,
Ces pures ombres que l’histoire traque ?

Puisse-t-il être ton moyeu, sommeil,
Ce centre où Dieu rayonne le Zodiaque !

…. Ô terres du futur ! puissants orteils ! ….

Q15  T14  déca – disp: 4+4+3+2+1

Je n’aime pas les dards trop maigres pour ma motte, — 1933 (8)

– ? La guirlande de Priape

Une compliquée


Je n’aime pas les dards trop maigres pour ma motte,
Je n’aime pas têter les bites bandant mou,
Qui tirent à regret un pauvre petit coup,
Je n’aime pas non plus les langues de gougnotte.

Me branloter moi-même en allant aux chiottes,
Ou me faire bouffer goulument les deux trous
Par le klebs bien dressé du voisin d’en-dessous,
Ou me planter au cul une froide carotte,

Ca ne me dit plus rien. J’aime boire à longs traits
D’un polard formidable et raidi le jus frais,
Pendant qu’un autre vit masturbe mes tétons,

Et me baise en nichons. Mais pour que j’éjacule,
Il faut qu’en même temps on lèche mon bouton,
Et qu’un troisième vit, jusqu’aux burnes m’encule

Q15  T14 – banv

Le grand cobra royal, au parc zoologique — 1933 (7)

– ? La guirlande de Priape

Charmeuse ou La revanche d’Eve

Le grand cobra royal, au parc zoologique
Promène son ennui splendide et paresseux,
Car on l’a désarmé : ses crochets venimeux
Tranchés au ras de l’os, l’ont rendu nostalgique.

Il traîne, apprivoisé, ses anneaux à musique,
Lorsqu’il voit Miss Edith, sur un talus herbeux,
Essayant de calmer, par un doigt langoureux
Savamment manœuvré, son ardeur hystérique.

A peine a-t-elle vu le docile serpent
Qu’elle cesse son jeu, grand’ouverte elle attend.
Perplexe, le cobra, dardant son corps en verge,

Au seuil des Paradis à ses yeux dévoilés
Se demande par où s’enfiler dans la vierge
Par le conin juteux ou l’anus étoilé.

(Leconte de Lisle Poèmes barbares)

Q15  T14