Archives de catégorie : Mètre

L’oiseau passera dans un poème formel — 1990 (1)

Alain AnseeuwL’ombre est en toute phrase, le soleil tout autant

L’oiseau passera dans un poème formel
Rien ne passe de l’intelligence des roses
Que les mots de guerre lasse en l’éveil des choses
Ou bien le drap froissé sur le pré immortel
Ici le paysage est partout dans l’été
La comète est tombée au jardin d’Adonis
Qu’une phrase interrompt le creux à l’agonie
Avance lentement sa voix dans la clarté
De l’encre Avant la fin du jour la neige ou l’eau
Auront éparpillé les ailes de l’oiseau
Sur la table qui saigne je mesure le coeur
Et les roses avec toi écrasées de bonheur.
Il faut mettre des mots sur le désir qui bouge
Et des comme et comment en tenant bien sa langue.

abbacddceffegg=sh* – m.irr – sns —

Divine absente, faite forme fugitive — 1989 (7)

– (Robert Marteau Juan de Tarsis, comte de Villamediana Poésies

(Divina ausente, en forma fugitiva)

Divine absente, faite forme fugitive
en raison de l’inégalité de nos sorts,
quand toi sur le plus haut soleil vas te poser
moi je reste en solitude de lumière hautaine;

Pour déclarer qu’en cette ombre sauvage,
celle qui en poussière et cendre se change,
contre les forces même de la mort
reste pur renom vive éternellement.

Ainsi parvient à être profit ce troc
d’une vie de travaux et de peines,
contre deux sûres toujours immortelles.

Seul gémissant Amour en la séparation,
d’un tel soleil est l’ombre poursuivie
par la nuit éternelle et les éternels malheurs.

r.exc – m.irr – tr

Je sais une villa sur les hauteurs de Naples — 1989 (5)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Xavier Bordes

Après la fin

Je sais une villa sur les hauteurs de Naples
Où je fus quelquefois reçu par des amis
J’entends encor la grille du jardin qui racle,
En grinçant sur ses gonds, le gravier endormi.

On déjeunait dehors pour jouïr du spectacle:
Les gens déambulaient, gros comme des fourmis
Sur le port et les yeux ne rencontraient d’obstacle
Qu’au sud, là où fumait le volcan insoumis…

Sur la terrasse rose avec ses cyprès noirs
En contemplant la baie unique par les soirs
D’été napolitain d’une touffeur d’étuve

J’imaginais l’horreur qui saisit le pays
Quand un matin parmi les vignes du Vésuve
Le feu pétrifia Pompeï.

Q8 – T14  – 2m: octo: v.14

Chrome d’un cerf cueille verre enfer planque hune taie te — 1989 (3)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Joseph Guglielmi


Sonnet foireux (d’après Arthur Rimbaud)

Chrome d’un cerf cueille verre enfer planque hune taie te
D’oeuf âme achève un brin frottement pomme à dé
(Diurne vie oeil baie noire et merde, lente herbette
Ave dédé fils site as et mâle rat vaut dais;
Pue l’alcool guerre a aigri l’aile are jeux homo pelote
Qu’ils aillent; l’aide aux cours courantes exquis heureux sort;
Plie le héron d’heures d’airain sang bleu peut rendre les soeurs
L’ogresse saoule happe eau par étang feux yeux plats eux;
Lèche une est en pore où j’ai le tout saint égoût
Hors rit bleu êtes rang je mens; ont renards queux sûres toux
Dais seins goule irritée kil faux boire Allah loup peuh…
L’air un port et démon gras vêt: G(laire a veut nus); (corps plus petit)
Haie tousse ocre or heureux mue étang sale art jeu croup
Bêle hic deux oeufs ment daim nul sert halle as nus.

r.exc – m.irr – traduction homophonique d’un sonnet de Rimbaud – sns

Je voudrais écrire un sonnet. — 1988 (5)

Pierre Gripari Marelles

Sonnet

Je voudrais écrire un sonnet.
– Un sonnet? Mon Dieu, c’est horrible!
– Mais non! Ce n’est pas si terrible!
Voici le premier quatrain fait!

Pour le second, j’avoue que c’est
Plus dur de taper dans la cible!
D’autant qu’il me faut, c’est visible,
Une nouvelle rime en « ê »!

Enfin voici les deux tercets,
Que je peux bâtir, s’il me plaît,
En utilisant d’autres rimes …

Encore un vers à vue de nez,
Puis un tout dernier coup de lime,
Et le poème est terminé!

Q15 – T7 – y=x : c=a – octo – s sur s

Les Alpes me séparent de l’Italie. — 1988 (4)

Pierre Gripari Marelles


Frontières naturelles

Les Alpes me séparent de l’Italie.
Le Rhin me sépare de l’Allemagne.
Les Pyrénées me séparent de l’Espagne.
La Seine sépare Pa de Ris.

Un monde me sépare de toi.
Le mur me sépare du dehors.
La vie me sépare de la mort.
Longtemps me sépare d’autrefois.

Le fleuve me sépare de l’autre rive.
Pauvreté me sépare d’un beau livre.
Le peur me sépare de tout.

Un geste me sépare du désastre.
Le silence me sépare des fous.
Le vide me sépare des astres.

Q63 – T14  m.irr.

L’odeur de l’eau qui sèche sur le sable — 1987 (6)

Jean Grosjean La reine de Saba

L’odeur de l’eau qui sèche sur le sable
Comme un poisson qu’on retire du fleuve
A moins hanté mon âme que ne peuvent
La hanter tes départs irrespirables.

Comment vivre après toi? Le soleil même
N’est plus qu’un vieux lampion sur la campagne
Le coeur dont toute absence est la compagne
Va-t-il se souvenir longtemps qu’il t’aime?

Mais si tu n’avais l’art de t’éloigner
Tu haïrais sans doute un coeur novice
Et si mon coeur n’était pas si novice

L’amour parfait t’aurait bientôt lassé.
A ta façon de détourner la tête
J’ai su que tes départs étaient nos fêtes.

Q63 – T30=shmall* – disp: 4+4+4+2 – déca

L’ombre d’un micocoulier — 1987 (5)

Jean Grosjean La reine de Saba

L’ombre d’un micocoulier
S’est couchée sur le chemin.
J’entends les grillons crier
Dans l’air tremblant du matin.

Le chemin va par les près
Comme vont les orphelins,
L’ombre se met à tourner
Sans presque bouger les mains.

Bien que l’horizon m’invite
A marcher à l’aventure,
Je reste avec ta brochure,

Je m’endors sous le feuillage
Sans avoir tourné la page
Et ta durée me visite.

Q8 – T35 – 7s

Après le sommeil des grandes années fluviales — 1987 (2)

Xavier BordesLa pierre amour

Sonnet – Après le sommeil

Après le sommeil des grandes années fluviales
Voici que s’approche le jeu d’argile de l’été;
La terre qui durcit dans la fournaise du jour
La forme qui se creuse dans les golfes de lave.

Debout seul à parler du temps, des roses, des saisons
Cultivant les friches du langage, et seul, de profil
Tranchant sur le froid des étoiles environnantes,
Je jette mes regards dans les gouffres interdits.

Je sais entendre, qui chante, le temps, dans les âmes,
Une complainte de tristesse et de séparation …
Je sais l’Eveil, et le torrent des images cachées;

Et le sens qui plaque sur l’orgue profond des forêts
Un accord continu qu’arpègent les saisons:
Je m’absente au pays qui remplit ma raison.

bl – m.irr

O ceci est la bête qui point n’existe. — 1987 (1)

Roger Lewinter – (trad. des Sonnets à Orphée de Rilke) –

2, IV

O ceci est la bête qui point n’existe.
Point ne le savaient et l’ont à toute fin
– son évoluer, son port, son cou, jusqu’à
la lumière de l’impossible regard – aimée.

Point n’était certes. parce que l’aimaient pourtant,
bête pure se fit. De l’espace toujours laissaient.
Et dans l’espace, clair et d’économie,
la tête leva légère et eut à peine

besoin d’être. La nourrissaient non de grain,
seul du possible, toujours, qu’elle fût.
Et voilà qui telle force à la bête donna

Qu’elle poussa de soi une corne au front. Licorne.
près d’une vierge vint à passer blanche –
et dans le miroir d’argent et en elle, fut.

bl – m.irr – tr