Archives de catégorie : Genre des rimes

Je veux faire un sonnet, – superbe … magnifique! — 1864 (7)

Frederick Juncker Sonnets

Fantaisie

Je veux faire un sonnet, – superbe … magnifique!
Original, surtout: mon sujet est charmant.
Je l’ai tiré du coeur, et, certes!, je me pique
De toucher cette corde harmonieusement …

Pour qu’il soit sans reproche, il faut que je m’applique,
Le revoie et corrige; – il faut également
Qu’il soit mis bien au net, afin que la critique,
Honteuse, devant nous, s’incline poliment.

Ah! Nous allons donc faire une oeuvre de génie!
Je me sens tout dispos! La rime et l’harmonie
Chantent à mes côtés leurs plus belles chansons;

Vite! Dans ce beau feu que ma verve s’allume;
Mon buvard! …   mon papier! Mon garde-main, ma plume!
Et maintenant j’y suis, – tout est prêt – Commençons!

………………………………………………………………………………..

Q8 – T15 – 15v  – s sur s Ici, il allonge le texte d’une ligne de points, quinzième vers, ou premier vers d’un sonnet absent.

Vous qui, remplis d’une adorable ivresse, — 1864 (5)

Hippolyte Lucas Heures d’amour

Vous qui, remplis d’une adorable ivresse,
Avec mystère, alors que fuit le jour,
Tombez aux pieds d’une belle maîtresse,
Priez, priez dans mes Heures d’amour.

Si le dépit succède à la tendresse,
Si le regret vous domine à son tour
Cherchez ici votre propre tristesse:
Priez, priez dans mes Heures d’amour.

N’y touchez pas, matrones sans faiblesse!
N’y touchez pas, ô tartufes que blesse
Un sein charmant qui montre son contour!

Le doux plaisir eut ses autels en Grèce;
Il sera dieu toujours pour la jeunesse:
Chantez son culte, ô mes Heures d’amour.

Q8 – T6  déca – y=x (c=a & d=b) Sonnet sur deux rimes seulement. ‘Heures d’amour ‘ aux vers 4,8,14

Quatrième éd., d’après l’auteur; après Le coeur et le monde 1834; et une 2ème ed. en 1844. « cette édition fut mise à l’Index, parce que le mot Heures y était pris dans le sens du Livre de messe. « 

Masques et loups, salut! Fontange et La Vallière — 1864 (3)

Arsène Houssaye Les cent et un sonnets


XXV
Bal masqué

Masques et loups, salut! Fontange et La Vallière
Se poignardent déjà par leurs regards jaloux,
Je vous tends les deux mains, je frappe les trois coups,
Beaux dominos jaseurs, ouvrez votre volière.

Pèlerins de Watteau, beautés de Largillière,
Que vous avez d’esprit pour causer avec nous!
Les plus sages toujours ce seront les plus fous:
Sévigné, prends la plume, ô belle épistolière!

Les affileurs de mots sont à mon rendez-vous
Ma belle dame, ici la langue est cavalière,
Ne soyez pas bégueule et saluez Molière.

Chercheuses d’inconnus, craignez les casse-cous,
Buveuses d’illusion, écoutez les frou-frous
Au risque de tomber dans les pièges à loups.

Q15 – T26 – y=x :  c=b,  d=a

Mozart et Rossini vont me donner l’andante. — 1864 (2)

Arsène Houssaye Les cent et un sonnets


LXXX –
Les Italiens

Mozart et Rossini vont me donner l’andante.
Ceux qui ne savent pas la langue du vieux Dante
Aiment ce beau théâtre où chante Mercadante,
Où Verdi tout de feu jette son âme ardente.

Ces dilettantes sont pareils au sacristain
Qui n’a jamais compris une messe en latin.
C’est qu’ici-bas tout est plus beau dans le lointain,
Je ne voudrais pas lire au livre du Destin.

Les femmes, mes amis, sont comme ce théâtre,
Car moins on les comprend, plus on les idolâtre,
Aspasie ou Laïs, Hélène ou Cléopâtre.

Que faut-il à Paris dans les soirs nébuleux?
Yeux noirs et cheveux blonds, cheveux noirs et yeux bleus,
Quand la Patti nous chante un air miraculeux.

A4B4C3D3

Je me suis laissé prendre au piège — 1863 (12)

François-Victor Lacrampe Les chaumes

Sonnet

Je me suis laissé prendre au piège
De ces deux yeux noirs et profonds,
Et les miens leur font un cortège
Comme aux roses les papillons.

Ces yeux ornent un front de neige
Couronnés de beaux cheveux blonds,
C’est comme un voile qui protège
Leurs mélancoliques rayons.

Malgré moi, je reste en extase ;
Je veux parler, mais chaque phrase
S’arrête et jamais ne finit.

J’admire leur beauté divine,
Silencieux … çà, ma voisine,
Je suis bien près de votre nid.

Q8  T15  octo  bi

Au fond des bois, sous l’humide feuillée, — 1863 (11)

Alexandre Toupet Vieux péchés

Emma Livry

Au fond des bois, sous l’humide feuillée,
Tout gazouillait de badines chansons,
Des bruits joyeux montaient de la vallée,
Et dans leurs nids chantaient les oisillons.

Un papillon avait pris sa volée !
Sylphe rapide, il faisait sa moisson
D’un beau jardin parcourant chaque allée,
Se promenant de la fleur au buisson.

Comme une abeille, ô mutine sylphide,
Tu voltigeais, sans craindre l’avenir
Qui t’entrainait d’un sourire perfide.

Car sans songer qu’un jour tout doit finir,
Tu vins frôler une funeste flamme
Qui dans l’azur fit s’envoler ton âme

Le 15 novembre 1862, pendant une répétition sur la scène de l’Opéra, la gracieuse artiste chorégraphique, qui allait reprende le rôle de Fenella, dans La muette de Portici, s’étant imprudemment mise sur un praticable, placé près d’une herse de gaz, se vi soudainement entourée d’un réseau de flammes.

Q8  T23  déca  bi

Tandis que pour trouver, tous deux, la bonne étoile, — 1863 (10)

Charles Sorbets Poésies

A MON FRERE

Tandis que pour trouver, tous deux, la bonne étoile,
Mon frère, nous portons nos regards vers l’azur,
A tes yeux attendris un astre se dévoile
Brillant aux doux reflets du firmament si pur.

Une étoile! insensé, j’ai cru trouver la mienne;
Une femme au coeur d’ange, un trésor que j’aimais!..,
Quelle autre destinée est égale à la tienne!
Que ton bonheur, ami, ne s’éloigne jamais,

Ah! pour moi le bonheur est une étrange chose.
Une fleur qui s’entr’ouvre et meurt à peine éclose ;
Une ombre qui me fuit quand je crois la saisir.

Le ciel que tu cherchais t’apparaît sans nuages.
Moi, je n’ai rencontré que de trompeurs mirages,
J’oubliais que mon sort est de toujours souffrir.

Q59  T15  bi

Je lui montrai les blondes mousses — 1863 (7)

Léon Valade & Albert Mérat Avril, Mai, Juin

Je lui montrai les blondes mousses
Et tout l’essaim des choses douces
Dont avril est environné :
– Elle prit un air étonné.

Je lui fis voir mon cœur plein d’elle,
La priant de brûler son aile
Hardiment au flambeau sacré.
–       Elle ouvrit un œil effaré.

Je lui parlai des belles fièvres
Qui vous montent du cœur aux lèvres,
Au clair de lune, après minuit :

Elle eut un bâillement d’ennui.
Voulant obtenir quelque chose,
Je lui fis voir un chapeau rose.

PL  octo

L’air était au bonheur et soufflait à la joue — 1863 (6)

– Léon Valade & Albert Mérat Avril, Mai, Juin

Un artiste

L’air était au bonheur et soufflait à la joue
Des effluves de paix, d’espérance et d’amour.
Par ces soleils féconds où le printemps se joue
On est heureux d’ouvrir les yeux, de voir le jour.

La vie est une amante au sang riche, au teint rose :
On se pend à son col avec enivrement.
Le sombre essaim des maux s’envole en un moment
Loin des gouffres de l’âme où le passé repose.

Par un de ces beaux jours de joie et de lueur
J’allais heureux, avec des clartés plein de cœur ;
J’aperçus chancelant, le dos contre une borne,

Un vieillard abruti de faim, front bas, l’oeil morne.
Un monsieur qui passait, d’un air indifférent
Et d’un ton très-poli, me dit : « Quel beau Rembrandt ! »

Q60  T13