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Mes encyclopédies reverrouillées sur le surnom de l’éloge — 1981 (1)

OulipoAtlas de Littérature potentielle

– Traduction d’un sonnet de Mallarmé selon la méthode S+7, à partir d’un dictionnaire analogique

Mes encyclopédies reverrouillées sur le surnom de l’éloge
Je souffle de préférer avec l’insociable technique
Un éboulis par mille ferments exorcisé
Sous le liseron au loin de ses levers de soleil record

Se précipité la neige avec ses absences de bruit de volant
Je n’y cacaberai pas de nu bucoliasme
Si cette très blanc de neige turbulence à l’égal de la noue rejette la demande
A tout coup d’oeil les scrupules du ciel insensé

Ma gourmandise qui d’aucunes cosses ici ne se complaît
Déchiffre en leur experte diminution un goût delicieux et balance
Qu’un brasille d’incarnat géant et embaument

La plante du pied sur quelque minotaure où notre sentiment bat le briquet
Je m’imagine plus longtemps peutêtre avec effarement
A l’autre à la mamelle carbonisée d’une échue cavalcade

vL

Je mourrai dans Paris, un jour d’averse, — 1980 (3)

Claude Esteban Poèmes parallèles

Pierre noire sur pierre blanche

Je mourrai dans Paris, un jour d’averse,
Un jour dont j’ai déjà le souvenir.
Je mourrai dans Paris – et je l’accepte –
Et peut-être un jeudi d’automne comme aujourd’hui.

Oui, un jeudi. Car ce jeudi où maintenant j’aligne
Ces vers, j’ai mis mes humérus tant bien que mal,
Et jamais comme aujourd’hui je n’ai fait l’épreuve
Après tout ce chemin, de me voir seul.

César Vallejo est mort, ils le frappaient tous
Sans qu’il leur fasse rien, et tous cognaient
Dur avec le bâton, et dur aussi

Avec la corde encore ; en sont témoins
Ces jours jeudis,  ces os, ces humérus,
La pluie, la solitude, les chemins ….
Vallejo

bl – m.irr – tr

Voiler pourra mes yeux l’ombre dernière — 1980 (2)

Claude Esteban Poèmes parallèles


Constance de l’amour au-delà de la mort

Voiler pourra mes yeux l’ombre dernière
Qu’un jour m’apportera le matin blanc,
Et délier cette âme encore mienne
L’heure flatteuse au fil impatient.

Mais non sur cette rive-là de la rivière
Ne laissera le souvenir où il brûla.
Ma flamme peut nager parmi l’eau froide
Et manquer de respect à la sévère loi.

Ame, à qui tout un dieu a servi de prison,
Veines, qui à tel feu avez donné vos sucs,
Moelle, qui glorieuse avez brûlé,

Laisserez bien le corps, non le souci,
Cendre serez, mais cendres du sensible;
Poussière aussi, mais poussière amoureuse.
Quevedo

bl – m.irr – tr

Tandis que pour lutter avec ta chevelure, — 1980 (1)

Claude Esteban Poèmes parallèles


Mientras por competir con tu cabello

Tandis que pour lutter avec ta chevelure,
Or bruni le soleil vainement étincelle,
Tandis qu’avec mépris au milieu de la plaine
Contemple ton front blanc la fleur belle du lis

Tandis que pour cueillir chacune de tes lèvres
Te poursuivent plus d’yeux que l’oeillet de printemps,
Et que superbement dédaigne, triomphant
Du cristal lumineux, ta gorge souveraine;

Cette gorge, et ce front, ces cheveux, cette lèvre
Cueille-les dès avant que ce qui fut hier
En ton âge doré, lis, oeillet, or, cristal

Argent ne se change, en violette fanée,
Mais plus encore, et toi avec eux mêmement,
En poussière, en fumée, en cendre, en ombre, en rien.
Gongora

bl – m.irr – tr

Douce est la belle comme si musique et bois, — 1965 (6)

Jean Marcenac & André Bonhomme trad. Pablo NerudaLa centaine d’amour

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Douce est la belle comme si musique et bois,
Agate, voile, blé, et pêchers transparents
Avaient érigé sa fugitive statue.
A la fraîcheur du flot elle oppose la sienne.

La mer baigne des pieds lisses, luisants, moulés
Sur la forme récente imprimée dans le sable;
Maintenant sa féminine flamme de rose
N’est que bulle battue de soleil et de mer.

Ah! que rien ne te touche hormis le ciel du froid!
Que pas même l’amour n’altère le printemps.
Belle, réverbérant l’écume indélébile,

Laisse, laisse ta hanche imposer à cette eau
La neuve dimension du nénuphar, du cygne
Et vogue ta statue sur l’éternel cristal.

bl – tr

Le liège, le titane et le sel aujourd’hui — 1962 (4)

Raymond Queneau – in Jacques Bens – OU LI PO (1960-1963)


Poème isovocalique

Le liège, le titane et le sel aujourd’hui
Vont-ils nous repiquer avec un bout d’aine ivre
Ce mac pur outillé que tente sous le givre
Le cancanant gravier des coqs qui n’ont pas fui

Un singe d’ocre loi me soutient que c’est lui
Satirique puis qui sans versoir se délivre
Pour n’avoir pas planté la lésion où vivre
Quand du puéril pivert a retenti l’ennui

Tout ce porc tatouera cette grande agonie
Par l’escale intimée au poireau qui le nie
Mais non l’odeur du corps où le cuivre est pris

Grand pôle qu’à ce pieu son dur ébat  assigne
Il cintre, o cytise, un bonze droit de mépris
Que met parmi le style obnubilé le Cygne.

Q15 – T14  tr. de Mallarmé

A chacune âme éprise et gentil cœur — 1962 (3)

Pierre-Jean JouveGénie

(Rêve de la Vita nova)

A chacune âme éprise et gentil cœur
En qui viendra la parole présente
Pour que me renvoie la sienne pensante
Salut en son seigneur qui est Amour

Déjà c’était presque la troisième heure
Du temps qui fait tous les astres brillants
Quand m’apparut Amour subitement
Essence qui fait peur à la mémoire

Joyeux me semblait l’Amour il tenait
Mon cœur en main, et dans ses bras avait
Ma dame en un drap voilée endormie

Puis il la réveillait, et de ce cœur brûlant
Il la paissait humblement attendrie:
Mais à la fin je le voyais partir pleurant

Q63 – T14 – 10s – tr

Celui qui sans tirer d’aucune chose qui fût, — 1961 (5)

-. Georges Ribemont-Dessaignes Michel-Ange Sonnets

A Tommaso Cavalieri

Celui qui sans tirer d’aucune chose qui fût,
créa le temps sans existence avant que rien ne fût,
du temps fit deux, à l’un donna le haut soleil,
à l’autre la lune qui nous est la plus prochaine.

Ainsi en un instant vinrent au monde
le hasard, le destin, le bonheur de chacun.
En partage j’eus le temps de l’obscurité,
moi, l’obscur en ma naissance comme en mon berceau.

Et tel celui qui se contrefait soi-même,
Comme la nuit s’épaissit à mesure qu’elle s’avance,
De faire le mal je m’afflige et me lamente.

Et pourtant il m’est permis pour ma consolation
Que ma sombre nuit s’illumine au clair soleil
Qui à votre naissance vous devint compagnon.

vL – tr

Maître-maîtresse de ma passion, n’as-tu pas — 1961 (2)

Henri Thomas Shakespearesonnets

2
20

Maître-maîtresse de ma passion, n’as-tu pas
Visage féminin, par la Nature peint,
Tendre cœur féminin, mais qui point ne connaît
Le fuyant changement cher aux perfides femmes.

Oeil plus clair que les leurs, et son jeu moins trompeur,
Dorant l’objet sur quoi s’arrête son regard.
Homme en son teint, seigneur en soi de tous les teints,
Voleur des regards d’homme et foudre au cœur des femmes.

Et femme tout d’abord tu as été créé,
Mais nature s’est attendrie en te faisant
Et de toi m’a frustré par une addition,

Une chose adjoignant qui n’est rien pour mes fins.
Puisqu’elle t’a choisi pour le plaisir des femmes,
Ton amour soit à moi, leur trésor, d’en user.

bl – disp: 4+4+4+2 – tr

J’évoquais Théocrite, un jour, et son poème — 1938 (8)

Emile d’Erlanger trad Sonnets from the Portuguese (Elizabeth Barrett Browning)

I

J’évoquais Théocrite, un jour, et son poème
Des années désirées, des chères et des douces,
Semblent, l’une après l’autre, en leurs doigts gracieux,
Porter un don pour les mortels, jeunes ou vieux,

Et je le murmurais, dans son antique langue,
Quand, sur mes pleurs, monta la lente vision,
Des ans, tristes et doux, des ans mélancoliques
Qui formèrent ma propre vie et dont chacun

Mit une ombre sur elle … Aussitôt, je sentis
Qu’une forme mystique était derrière moi,
Qui m’entraînait par ma chevelure, vers elle.

Je résistais. Sa voix de maître interrogea :
« Devine qui te tient maintenant ? » – C’est la Mort ? »
« Non » tinta la réponse argentine : l’Amour !

bl  tr