Archives de catégorie : tr

Tandis que pour lutter avec ta chevelure, — 1931 (10)

Lucien-Paul Thomas (trad) Oeuvres de Gongora

« Mientras por competir … »

Tandis que pour lutter avec ta chevelure,
L’or bruni du soleil rayonne vainement ;
Tandis que ton front blanc regarde avec dédain
La belle fleur de lys au milieu de la plaine ;

Tant que moins de regards cherchent l’œillet de l’aube
Qu’il en est pour cherche ta lèvre et la cueillir ;
Et que triomphe encore, en son jeune mépris,
Du lumineux cristal, ton col harmonieux ;

Ah ! jouis de ton col, cheveux, lèvres et front,
Avant que ce qui fut, en ton âge doré,
Or, fleur de lys, œillet et lumineux cristal

Non seulement se change en argent, en violette,
Mais que suivant leur sort, tu sois muée en tere,
En poussière, en fumée, en ombre, et en néant.

bl  tr

Violante m’ordonne de faire un sonnet, — 1930 (4)

Lope de Vega  (trad. G.Boussagol)

Violante m’ordonne de faire un sonnet,
De ma vie je ne me suis vu en un tel embarras ;
On dit que quatorze vers c’est un sonnet ;
Tout en plaisantant, en voilà trois ci-dessus

Je pensais que je ne trouverais pas de rime,
Et je suis à la moitié de l’autre quatrain :
Mais si j’arrive au premier tercet,
Il n’y a rien dans les quatrains qui m’épouvante.

Je suis en train d’entrer dans le premier tercet,
Et il semble même que j’y entre d’un bon pied,
Puisqu’avec ce vers j’y mets fin.

Déjà je suis dans le second, et je soupçonne même
Que je suis en train d’achever treize vers ;
Comptez s’ils sont quatorze, et le voilà fait.

r.exc. –   m.irr- tr –  s sur s « Un soneto me manda hazer Violante »

Songeant, un jour, comment Théocrite a chanté — 1905 (17)

Fernand Henry Les Sonnets Portugais d’Elizabeth Barrett Browning

I

Songeant, un jour, comment Théocrite a chanté
La douceur du retour de ces chères années
Dont chacune vient tendre en ses mains fortunées,
A tous, jeunes & vieux, le présent souhaité, –

Tandis que par ses vers j’avais l’esprit hanté,
Je revis, à travers mes larmes, ces journées,
Dans le bonheur et dans la tristesse égrenées,
Qui sur mon front avaient tout à tour projeté

L’ombre de leur passage et j’étais toute entière
A pleurer quand soudain, par derrière, aux cheveux
Un fantôme me prit ; et, comme de mon mieux

Je luttais, une voix se fit entendre, altière :
«  Devine qui te tient ? » « C’est la Mort » dis-je. Alors
Tinta ce mot d’argent : « C’est l’Amour, non la Mort ! »

Q15 – T30 – tr

Il n’est honte devant laquelle la luxure — 1900 (9)

Fernand Henry Sonnets de Shakespeare

sonnet 129

Il n’est honte devant laquelle la luxure
Recule pour pouvoir librement s’assouvir.
Cruelle jusqu’au sang, déloyale, parjure,
Sauvage, vile, infâme, elle est tout à plaisir.

Mais le mépris la suit avec sa flétrissure;
Comme il fut follement poursuivi, son désir,
Aussitôt satisfait, est maudit sans mesure,
Tel le poison qu’enferme un perfide élixir.

Et c’est toujours ce but, qui n’admet pas de halte,
Vers lequel néanmoins sa démence s’exalte,
Faible bonheur qu’attend un réveil trop amer,

Délice qui finit dans la poudre du rêve!
L’homme sait tout cela; pourtant il bat sans trêve
Le céleste chemin qui mène à cet enfer.

Q8 – T15 – tr

Je suis comme le riche assuré de pouvoir — 1900 (8)

Fernand Henry Sonnets de Shakespeare

sonnet 52

Je suis comme le riche assuré de pouvoir
Retrouver son trésor en ses coffres fidèles
Et qui n’émousse pas, par de continuelles
Visites, le plaisir qu’il goûte à l’aller voir.

C’est ainsi que l’on trouve, en les voyant échoir
Moins fréquentes dans l’an, les fêtes bien plus belles;
Les pierres d’un collier, lorsqu’il existe en elles
Plus d’espace, se font de même mieux valoir.

En vous gardant pour moi, le Temps est ma cassette,
L’armoire où j’ai fermé mon beau manteau de fête,
Et j’attends le moment de désemprisonner,

Pour l’étaler encor, votre magnificence.
Heureux êtes-vous donc, vous qui pouvez donner,
Présent, tant de bonheur; – absent, tant d’espérance!

Q15 – T14  – banv –  tr (sh52)

– Foutons-nous, mon âme, foutons-nous dare-dare, — 1882 (13)

Alcide Bonneau (trad) Sonnets luxurieux de l’Arétin

Sonnet I

– Foutons-nous, mon âme, foutons-nous dare-dare,
Puisque pour foutre nous sommes tous nés ;
Si tu adores le vit, moi j’aime le con,
Le monde serait un rien qui vaille sans cela.

Et si post mortem il était permis de foutre,
Je te dirais : Foutons jusques à en mourir ;
Après, nous irons foutre Adam et Eve,
Qui furent cause de la malencontreuse mort.

– Vraiment, c’est vrai ; car si les scélérats
N’avaient mangé la traîtresse de pommes ;
Je sais bien que les amants ne cesseraient de jouir.

Mais laissons aller les bêtises ; et jusques au cœur
Plante-moi ton vît : fais que de moi jaillisse
L’âme que le vît fait tantôt naître et tantôt mourir,
Et, si c’était possible,
Ne me laisse pas hors de la motte tes couillons,
Heureux témoins de notre plaisir.

vl  tr  s. caudato, genre presque inconnu du sonnet français

La luxure est la dépense de l’âme dans un abîme de honte — 1862 (10)

M. Guizot

10
CXXIX

La luxure est la dépense de l’âme dans un abîme de honte, et jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite, la luxure est parjure, meurtrière, sanguinaire, digne de blâme, sauvage, excessive, grossière, cruelle, et digne d’inspirer la méfiance; dès qu’elle est satisfaite, on la méprise: on la poursuit au-delà de toute raison, et dès qu’on a joui on la hait au delà de toute raison, comme une amorce placée à dessein pour rendre fou celui qui s’y laissera prendre. On la poursuit avec folie, et la possession vous rend fou, avant, pendant et après, elle est extrême. Dans l’avenir elle semble un bien suprême, dans le passé elle n’est qu’une souffrance. D’avance, on la regarde comme une joie future, mais après, ce n’est qu’un rêve: tout le monde sait cela; et cependant personne ne sait comment éviter le ciel qui conduit les hommes dans cet enfer.

pr – tr « Th’expense of spirit in a waste of shame… »

O toi qui fus si jeune enlevée à la terre, — 1851 (8)

Albert Richard d’Orbe Poésies

Sonnet traduit du portugais de Camoens

O toi qui fus si jeune enlevée à la terre,
Qu’un bonheur éternel t’enivre dans les cieux !
Qu’à ce prix, s’il le faut, je porte solitaire
Longtemps encor le poids de mes jours malheureux !

Mais parmi les élus, au séjour de lumière,
S’il reste un souvenir de ces funèbres lieux,
Rappelle-toi l’amour, l’amour pur et sincère
Dont naguère tu vis étinceler mes yeux.

Et si ce coup fatal, si la noire tristesse,
Le désespoir sans borne où ton trépas me laisse,
Paraissent mériter de toi quelque retour,

Au Dieu qui dans sa fleur trancha ton existence
Demande que je meure et vienne en ta présence,
Beauté qu’il a si tôt ravie à mon amour !

Q8  T15  tr

Des mains de l’Eternel, adorable mélange — 1849 (4)

Charles Dugge Les tableaux plastiques

Eloge de Mme Keller, grand actrice plastique
Sonnet traduit de l’italien du Prince de F. de Carignan

Des mains de l’Eternel, adorable mélange
De suave pudeur, de chaste volupté,
Ainsi dût sortir Eve, en l’Eden enchanté,
Vivant de cette vie ineffable de l’ange !

Tantôt mon œil te voit, – de l’art merveille étrange ! –
Maîtrisant, AMAZONE, un cheval indompté,
Lance en main, et tantôt, plus douce en ta beauté,
Nouvelle DIONEE, en roc ton corps se change !

Comme sous le ciseau du sculpteur allemand,
Tu parais, de Minos ou la fille divine
Ou la Psyché céleste, ou la molle EUPHRASINE !

Et toujours belle et vraie … Ah ! ton art est si grand
Et se surpasse encor, quand, fière en sa victoire
Tu veux représenter l’Italie et sa gloire.

Q15  T30

C’est dans l’isolement, sur l’arbuste effeuillé, — 1845 (12)

Auguste Desplaces La couronne d’Ophélie

La dernière couronne de l’été
sonnet imité de Thomas Moore

C’est dans l’isolement, sur l’arbuste effeuillé,
Que brille le carmin de la rose dernière,
Ses compagnes ayant vu tomber en poussière
Leur calice battu de l’orage, et souillé.

Sans y languir encore, ô triste solitaire !
Comme elles disparais du rameau dépouillé,
Tes sœurs ont, loin de toi, par les champs sommeillé,
Va rejoindre en débris leurs débris sur la terre.

Puissè-je, de mon ciel quand fuiront sans retour
Les espoirs les plus chers, les visions d’amour
Suivre ainsi dans la mort ces étoiles éteintes !

Quand tout a fui, quand sont couvertes du linceul
Les ferventes amours et les amitiés saintes,
En ce monde désert qui voudrait vivre seul ?

Q16  T14  tr