Archives de catégorie : s sur s

Sonnets sur le sonnet

Le sonnet, me dis-tu – je mangeais un merlan — 1998 (4)

Jacques DarrasPetite somme sonnante
Soixante-et-onze sonnets
I

1

Le sonnet, me dis-tu – je mangeais un merlan
Que le menu m’avait décrit comme « en colère »
Mais dont l’ire apparente par frayeur s’était tue
Devant les saillies marines de la cuisinière –

Le sonnet repris-tu – tandis que ton regard
Plongeait par la vitre d’aquarium nous séparant
De la rue, du parapet du pont sous lequel
Coule la Seine au pied de l’aile du Louvre d’un plastique

Habillée (l’architecture est de la cuisine
Appliquée aux belles pierres) -, le sonnet – tu te tus
Presque alors cependant qu’une arête luttait,

La seule, la dernière contre ma glotte courroucée,
Rebelle entrée en rébellion par manque d’audace
De Poisson Père – doit être d’un bloc pour être cru.

bl – m.irr. – sns s sur s

Le sonnet vient de loin dans sa forme concise — 1993 (15)

André VelterDu Gange à Zanzibar

Remember Henry J-M Levet

Le sonnet vient de loin dans sa forme concise
Qui garde cependant avec l’alexandrin
Une haute rumeur serrée dans un écrin
Comme en un coquillage la houle très précise.

On glissait sur la paume d’une belle princesse
Un doux billet de feu et de désir ardent:
Deux quatrains deux tercets passaient bien sous le gant
Avant de mettre au coeur la langueur qui oppresse.

Mais les jeux de l’amour ont changé de tempo,
Le sonnet ne vaut plus un coup de téléphone
Pour emballer presto une jeune personne …

Le salut a surgi d’un usage nouveau
Qui veut depuis Levet qu’un poète aux escales
Entasse quatorze vers sur des cartes postales.

Q63 – T30 – s sur s

je m’excuse beaucoup d’écrire ces sonnets — 1993 (12)

William CliffAutobiographie

75

je m’excuse beaucoup d’écrire ces sonnets
sans rimes richissimes car les riches rimes
conduisent à donner beaucoup de coups de lime
lesquels font le sonnet sonner comme un poney

chargé d’idiots grelots dont on ne reconnaît
que trop qu’ils ont cent fois passé dans la machine
je m’excuse d’écrire ces sonnets l’abîme
au-dessus duquel j’étais suspendu
tonnait

comme le ventre d’un tambour et donc pour rompre
l’assourdissement de ce ventre rempli d ‘ombre
je décidai d’aller en suivant pas à pas

la danse propre à cette forme assez ancienne
afin peut-être qu’un peu de soleil me vienne
éclairer la mouvance où s’emmêlait mon pas

Q15 – T15 –   s sur s

Dans l’espace du sonnet s’apprivoisent prose — 1990 (11)

Robert Marteau Louange(1996)

(jeudi 14 juin 1990)

Dans l’espace du sonnet s’apprivoisent prose
Et vers sans permettre au hasard d’improviser.
D’un peu au-delà, à l’improviste, les mots
Surgissent, suscité par le secret sonore,
Et le mystère étymologique. Le rythme
Né de la mer et le prolongeant leur insuffle
Le désir de s’ajuster par pieds et pas dignes
De la cause qui les aspire en impromptus
Arrangements de sens liés en écriture,
Laquelle visuellment par quadrature
Fait le poème plein et l’emplit de sens. C’est
La surprise alors qui se découvre à l’oreille:
Quelque chose est dit ( qui ne l’avait pas été )
Pour rien si ce n’est la parole et le passage.

bl – 12s – sns  s sur s

Je voudrais écrire un sonnet. — 1988 (5)

Pierre Gripari Marelles

Sonnet

Je voudrais écrire un sonnet.
– Un sonnet? Mon Dieu, c’est horrible!
– Mais non! Ce n’est pas si terrible!
Voici le premier quatrain fait!

Pour le second, j’avoue que c’est
Plus dur de taper dans la cible!
D’autant qu’il me faut, c’est visible,
Une nouvelle rime en « ê »!

Enfin voici les deux tercets,
Que je peux bâtir, s’il me plaît,
En utilisant d’autres rimes …

Encore un vers à vue de nez,
Puis un tout dernier coup de lime,
Et le poème est terminé!

Q15 – T7 – y=x : c=a – octo – s sur s

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers — 1972 (2)

Pierre Albert-Birot Dix sonnets et une chanson

II

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers
Certes plus de pieds sont à la caserne
Si vous préférez quatorze pins verts
Allez aux pins en ce qui me concerne

Vais à sonnet n’est pas piqué des vers
Direz que je m’éclaire à la lanterne
Soit! Tout flambant le moderne univers
Me plaît ce soir d’entrer dans la caverne

Pétrir le silence avecque la nuit
Cherche la loi comme un vieil alchimiste
Aimer ce qui sert barrer ce qui nuit

Tel mot n’entre pas tant pis on le tord
On fait le savant et on fait l’artiste
Ci-gît un sonnet peut-être ai-je eu tort

Q8 – T24 – 10s – s sur s

Je félixarverise hélas! en vers risibles, — 1971 (1)

– Docteur René Chauvelot Les nouveaux sonnets du docteur


Les nouveaux sonnets

Je félixarverise hélas! en vers risibles,
Mais laisserai pourtant, quelques idées nouvelles:
Sonnet de type classique avec des extraits
De beaux vers méconnus, et du siècle dernier;

Quatorze vers dont chacun a son propre thème;
Reflet de notre époque, en vers blancs ou rimés;
Par réaction sonnet santé-moralité;
Une autre nouveauté le ‘sonnet d’Antigone’,

Avec mots retournés. Et puisque le sonnet
Est délaissé, je veux souvent sonnetiser
Et sur ce vieux surjeon créer quatorze formes.

bl  – 11v – s sur s

Il y avait une fois un vers de douze pieds — 1958 (7)

Raymond Queneau Sonnets

Invraisemblables sornettes de sodomites convertis

Il y avait une fois un vers de douze pieds
Qui se sentait trop seul cherchait un acolyte
Il n’alla pas plus loin que le bout de son nez
Et trouva le copain qu’il voulait tout de suite

Ils firent connaissance et tous deux étonnés
Qu’ils eussent en commun la rime sodomite
Contents un peu jaloux ils s’étaient accordés
Pour juger la rencontre un peu hermaphrodite

Le temps passa De deux ne devenant pas trois
Une astuce leur vint: la rime féminine
Puis d’autres: la césure et l’hiatus bien sournois

Il n’y eut plus de borne à tout ce feu grégeois
Multipliant sans fin prouesses comme exploits
Ils firent du sonnet la suprême combine

Q8 – T16 – s sur s

Le sonnet, me dit-il, c’est de l’orfèvrerie, — 1954 (5)

Guillevic 31 sonnets – préface d’Aragon –

Du sonnet
I

Le sonnet, me dit-il, c’est de l’orfèvrerie,
Du bijou de vitrine et du bien ciselé.
Il dit que j’ai forfait, que la honte je l’ai
D’avoir trahi la langue et la règle et l’hoirie.

Monsieur le professeur, permettez que l’on rie.
Vos pareils sur l’idée ont tort de modeler
Leur visage et leur hargne et de s’écarteler
Entre le bien commun et leur longue furie.

Je ne suis pas orfèvre et n’en fais pas métier
Et je ne savais pas que vous-même l’étiez,
Car il n’y paraît pas à découvrir vos rimes.

Et puis je sais trop bien ce qui fuit vos compas:
Dans mes sonnets parfois un peu d’humour s’exprime
Et fait orfèvrerie où vous ne cherchez pas.

Q15 – T14 – banv – s sur s

Deux quatrains, deux tercets, jamais plus, jamais moins. — 1952 (2)

Jean-Victor Pellerin Les aveux – LXIV sonnets –

L

Deux quatrains, deux tercets, jamais plus, jamais moins.
– D’aucuns alors de me traiter de maniaque,
D’autres d’aller jeter ce volume au cloaque,
Tous de prendre l’Olympe et Pégase à témoin!

Certains même, au grand cœur, de pleurer dans un coin,
Craignant que l’âpre tâche à laquelle je vaque
Ne m’épuise assez vite et qu’hélas je ne claque
Plus tôt que décemment il n’en serait besoin.

Allez, trop bons amis, bannissez toute crainte:
J’obéis dans la douleur aux sévères contraintes
Qu’impose à ses tenants la forme du sonnet.

Et point n’ai-je regret de me couvrir de honte
En osant rendre hommage à la muse d’Oronte,
– Et si je m’en repens, ce n’est qu’un tantinet.

Q15 – T15 – s sur s