Froid Désappointement! pâle auteur de mes peines, — 1808 (1)

Stanislas de Boufflers Recueil de Poésies, extraits des ouvrages d’Hélène-Maria Williams, ….

Les poèmes du marquis de Boufflers sont des adaptations de sonnets de la poète anglaise Hélène-Maria Williams. J’en ai retenu plusieurs, qui offrent diverses caractéristiques formelles

Le Désappointement *

Froid Désappointement! pâle auteur de mes peines,
J’éprouve, à ton seul nom, le frisson de la peur;
La vie en moi s’arrête; et mes traits sans couleur
Attendent que mon sang dégèle dans mes veines.

Je t’accuse pourtant bien moins que mes erreurs;
L’amour & l’amitié, dans mon âme insensée,
Se montraient tout brillans du feu de ma pensée;
Je leur prêtais la foi qui n’est pas dans les coeurs.

Mais dans les champs des airs si quelque beau nuage
Offre un brillant palais à mon oeil enchanté,
Puis-je exiger des vents de n’y point faire outrage?

Puis-je attendre de lui quelque solidité?
Non, je sens que c’est moi qui suis mon ennemie
Mais je sens trop, aussi combien j’en suis punie.

*  » Ce terme est nouvellement emprunté de l’anglais, et absolument étranger à notre poésie; mais on doit le pardonner dans la traduction d’une pièce où il est personnifié, parce qu’il fallait le nommer par son nom, et que ce mot n’a pas de correspondant connu dans notre langue.  »

Q63 -T23

Après un quatrain abba, le deuxième quatrain renouvelle entièrement les rimes (en effet, dans la prosodie classique, le singulier ne rime pas avec le pluriel; donc ‘peur’ ne rime pas avec erreurs’); je le note a’b’b’a’. La disposition des tercets est cdc dee. Le sonnet s’achève donc par un distique plat, choix très ‘anglais’ (c’est le cas des sonnets de Shakespeare).

1807

Aucun sonnet trouvé pour cette année. La Bibliothèque Nationale (comme aussi la Library of Congress et la British Library) ignore l’ouvrage suivant : Alfonso Muzzarelli : Douze faits de l’histoire sainte exposés en autant de sonnets publié à Ferrara en 1807, d’après L’Ami de la religion, journal ecclésiastique, politique et littéraire qui le signale en 1822.

Incise 1806 (1)

M.Restaut : Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise –(première éd. 1748) Du Sonnet – Nous n’avons rien de plus beau dans notre poésie que le Sonnet, quand il est bien exécuté. les pensées doivent y être nobles et relevées, les expressions vives et harmonieuses ; et l’on n’y souffre rien qui n’ait un rapport essentiel à ce qui en fait le sujet. Mais il est assujetti à des regles si gênantes, qu’il est très-difficile d’y réussir, et que nous en avons fort peu de bons.
Il est composé de quatorze vers, toujours de la même longueur, et pour l’ordinaire de douze syllabes, quoiqu’on en fasse quelquefois de dix, et même de huit et de sept. Mais ils ont moins de beauté et d’harmonie.
Ces quatorze vers sont partagés en deux quatrains et un sizain.
Les deux quatrains doivent avoir les rimes masculines et féminines semblables, que l’on entremêle dans l’un de la même manière que dans l’autre.
Le sizain commence par deux rimes semblables, et il y a après le troisième vers un repos qui le coupe en deux parties que l’on appelle Tercets, c’est à dire, stances de trois vers.
Il faut éviter autant qu’il est possible, que le mêlange des rimes dans les quatre derniers vers du sizain, soit le même que dans les quatrains. …..
Voici un sonnet qui exprime la nature du sonnet même

Doris qui sait qu’aux vers quelquefois je me plais,
Me demande un sonnet, et je m’en désespère.
Quatorze vers, grand Dieu ! le moyen de les faire ?
En voilà cependant déjà quatre de faits.

Je ne pouvois d’abord trouver de rimes, mais
En faisant on apprend à se tirer d’affaire.
Poursuivons, les quatrains ne m’étonneront guere,
Si du premier tercet je peux faire les frais.

Je commence au hasard, et si je ne m’abuse,
Je n’ai pas commencé sans l’aveu de ma muse,
Puisqu’en si peu de temps je m’en tire si net.

J’entame le second, et ma joie est extrême :
Car des vers commandés j’achève le treizième.
Comptez s’ils sont quatorze ; et voilà le sonnet.

Regnier Desmarais (1708) ; ‘imité  de Lope deVegue’

Agent trop criminel du tyran Robespierre, — 1806 (1)

Alexandre Sonnerat Collection complète des œuvres de poésie

Sonnet à Collot d’Herbois, d’exécrable mémoire

Agent trop criminel du tyran Robespierre,
Bourreau de mon pays, infâme dictateur !
Avant de terminer ta coupable carrière,
Laisse entrer un moment le remords dans ton cœur !
Contemple, malheureux, la suite de tes crimes !
Vois le Rhône frémir et reculer d’horreur !
Ses flots ensanglantés ont roulé tes victimes
Vivant pour la patrie et mourant pour l’honneur.

Des sifflets de Lyon ton injuste partage
Tu voulus te venger dans ta jalouse rage ;
Tu fis couler le sang pour flatter ton orgueil ;
Pour prix de tes forfaits quand la hache fatale
Viendra s’appesantir sur ta tête infernale
Un bravo général fermera ton cercueil.

Q38  T15  disp 8+6

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M.Restaut : Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise –(première éd. 1748) Du Sonnet – Nous n’avons rien de plus beau dans notre poésie que le Sonnet, quand il est bien exécuté. les pensées doivent y être nobles et relevées, les expressions vives et harmonieuses ; et l’on n’y souffre rien qui n’ait un rapport essentiel à ce qui en fait le sujet. Mais il est assujetti à des regles si gênantes, qu’il est très-difficile d’y réussir, et que nous en avons fort peu de bons.

Il est composé de quatorze vers, toujours de la même longueur, et pour l’ordinaire de douze syllabes, quoiqu’on en fasse quelquefois de dix, et même de huit et de sept. Mais ils ont moins de beauté et d’harmonie.

Ces quatorze vers sont partagés en deux quatrains et un sizain.

Les deux quatrains doivent avoir les rimes masculines et féminines semblables, que l’on entremêle dans l’un de la même manière que dans l’autre.

Le sizain commence par deux rimes semblables, et il y a après le troisième vers un repos qui le coupe en deux parties que l’on appelle Tercets, c’est à dire, stances de trois vers.

Il faut éviter autant qu’il est possible, que le mêlange des rimes dans les quatre derniers vers du sizain, soit le même que dans les quatrains. …..

Voici un sonnet qui exprime la nature du sonnet même
Doris qui sait qu’aux vers quelquefois je me plais,
Me demande un sonnet, et je m’en désespère.
Quatorze vers, grand Dieu ! le moyen de les faire ?
En voilà cependant déjà quatre de faits.
Je ne pouvois d’abord trouver de rimes, mais
En faisant on apprend à se tirer d’affaire.
Poursuivons, les quatrains ne m’étonneront guere,
Si du premier tercet je peux faire les frais.
Je commence au hasard, et si je ne m’abuse,
Je n’ai pas commencé sans l’aveu de ma muse,
Puisqu’en si peu de temps je m’en tire si net.
J’entame le second, et ma joie est extrême :
Car des vers commandés j’achève le treizième.
Comptez s’ils sont quatorze ; et voilà le sonnet.
Regnier Desmarais (1708) ; ‘imité  de Lope deVegue’

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Incise 1805 (1)

de Lunier : Dictionnaire des sciences et des arts. article SONNET – Le sonnet est un poëme de quatorze vers, divisés en deux quatrains qui marchent sur deux rimes, et en deux tercets. Les deux rimes, l’une masculine et l’autre féminine, qui remplissent des deux quatrains, doivent garder, dans le second quatrain, le même ordre que dans le premier.
On demande que l’arrangement des rimes dans le sixain, ne soit pas, s’il est possible, le même que dans les quatrains (on voit mal comment il pourrait l’être ! J.R). Il ne faut pas que dans tout le sonnet un même mot soit répété.
Tous les vers d’un sonnet doivent avoir la même étendue ; les pensées y doivent être nobles, les expressions vives, et l’on n’y souffre rien qui n’ait un rapport essentiel à ce qui en fait le sujet.
Le sonnet doit finir par une pensée ingénieuse, et il faut que la chute soit belle et heureuse.

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A partir de 1650 environ (début d’une longue décadence de la forme-sonnet), les traités de versification et les dictionnaires ont répété sans fin des définitions prescriptives ; tenté, en opposant les sonnets dits ‘réguliers’ aux sonnets ‘irréguliers’ ou ‘libertins’ d’imposer une norme à la forme. Cette manie s’est poursuivie jusqu’à nos jours. L’examen de ce qui s’est écrit et publié montre l’échec patent de cette tentative, même si les ‘règles’, adoptées par des poètes disposant d’un crédit certain, comme Gautier ou Banville, ont eu une influence indéniable sur la pratique poétique.

Ainsi donc ta valeur te fait monter au trône! — 1805 (1)

Michel de Cubières (jeune) Traduction d’un sonnet de Luigi Tardi

Imitation

Ainsi donc tavaleur te fait monter au trône!
Ainsi NAPOLEON que le peuple couronne,
Ne doit qu’à ses talens son Empire nouveau:
Il est de son pays le guide et le flambeau,
Il s’est créé lui-même: ô prodige héroïque!
L’histoire, dont la tâche est d’être véridique,
Aux travaux de César préfère ses travaux;
Pour lui la poésie apprête ses pinceaux;
Et déjà l’Italie, en grands hommes féconde,
Aime à le regarder comme un maître du monde.

Reçois le diadême, et que l’esprit divin
T’inspire ô mon héros! L’amour du genre-humain.
De ton couronnement les pompes magnifiques
Te mettent sur la terre au-dessus d’un mortel;
Mais souviens-toi toujours, du haut de ton autel,
Que les Rois les plus grands sont les Rois pacifiques.

aabbccddee – T15 – disp: 10+6 – 16v – tr

Michel de Cubières récidive (cf 1801.1), avec cette Traduction d’un sonnet de Luigi Tardi – Alla sacra Maestà di Napoleone – « Figlio di tuo sapere, della Vittoria / diletto …. » . Il ne respecte toujours pas la forme de son modèle, mais fait un effort pour échapper à la platitude (dans la disposition des rimes, uniquement) avec un dernier quatrain à rimes embrassées (deed). Le placement des vers dans la page (dizain plus sixain, tous deux alignés) est anomal.

Une épigramme-charade  de Rivarol « Avant qu’à mon dernier mon tout se laisse choir / Ses vers à mon premier serviront de mouchoir »
Oeuvre poétique: Les hochets de ma jeunesse
Pendant la Révolution, il composa 36 hymnes civiques sur les 36 décadis de l’année, et un poème sur le calendrier républicain
Son frère aîné, le marquis de Cubières a écrit L’Histoire des coquillages de mer et de leur amours

Sur le bord d’un ruisseau, près d’une rivière, — 1804 (3)

Olivier Ferrand Le triomphe de la Vertu ou l’Innocence opprimée ..29 Floréal an 12

Sonnet en l’honneur du Premier-Consul, sur son avénement au trône de l’Empire Français

Sur le bord d’un ruisseau, près d’une rivière,
Assis le long de l’eau, et faisant ma prière,
Remarquant dans les airs tous les astres du temps
Qui promettent un jour de grands événements ;
Très-souvent dans la nuit, en prenant mon repos,
Apollon me réveille, les yeux à demi-clos,
Favori du Parnasse, quand tu peux travailler,
Il n’est pas encore temps, mon fils, de sommeiller.
Quelquefois le sommeil vient fermer ma paupière,
Quand le soleil des loups* me prête sa lumière,
Si le Premier-Consul ne fût venu soudain,
Nous étions à la veille de mourir de faim ;
Il étoit temps, grand Dieu !, qu’un ange consolateur
Nous l’envoya en France, pour être notre Empereur ;
Il a toujours cherché à nous donner la paix,
En répandant sur nous ces dons et ces bienfaits.

*la lune (Note de l’auteur)

16 vers plats. Les règles du vers alexandrin échappent à ce flagorneur.

Le temple du dieu Mars, séduit par sa beauté; — 1804 (2)

Abbé Pierre David

Sur le temple du dieu Mars

Le temple du dieu Mars, séduit par sa beauté;
L’or, le jaspe et l’azur, ornent son péristyle.
La façade éblouit, dans sa totalité;
C’est l’ouvrage des dieux, ou d’une fée habile.

Au dehors, il a l’air d’un palais enchanté;
Mais je tremble en entrant dans ce barbare asile;
Le désespoir, la rage et la férocité,
Tous les fléaux ensemble y font leur domicile.

Son parvis est jonché, de blessés, de mourants,
Qui vous percent le coeur par des cris déchirans;
La mère y pleure un fils, le fils y cherche un père.

Plus loin le crime* heureux, assis au premier rang,
Ravage les Etats, les comble de misère,
Ne sourit qu’à la mort, et ne vit que de sang.

* Le Corse.

Q8 – T14

1804 (1)

Chaligny de Plaine, Chanoine de Verdun

Le manuscrit des oeuvres du chanoine, conservé à la Bibliothèque Nationale contient de nombreux sonnets, dont ceux-ci, datés. Je n’ai pas été capable de déchiffrer son écriture de manière satisfaisante; je m’en tiens donc aux titres et aux incipits.

1 L’institut

Elèves d’Apollon, vous êtes sans excuses
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2 Gloire de l’Empire français

La Gaule de la gloire aura toujours le prix
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par Jacques Roubaud