Mes encyclopédies reverrouillées sur le surnom de l’éloge — 1981 (1)

OulipoAtlas de Littérature potentielle

– Traduction d’un sonnet de Mallarmé selon la méthode S+7, à partir d’un dictionnaire analogique

Mes encyclopédies reverrouillées sur le surnom de l’éloge
Je souffle de préférer avec l’insociable technique
Un éboulis par mille ferments exorcisé
Sous le liseron au loin de ses levers de soleil record

Se précipité la neige avec ses absences de bruit de volant
Je n’y cacaberai pas de nu bucoliasme
Si cette très blanc de neige turbulence à l’égal de la noue rejette la demande
A tout coup d’oeil les scrupules du ciel insensé

Ma gourmandise qui d’aucunes cosses ici ne se complaît
Déchiffre en leur experte diminution un goût delicieux et balance
Qu’un brasille d’incarnat géant et embaument

La plante du pied sur quelque minotaure où notre sentiment bat le briquet
Je m’imagine plus longtemps peutêtre avec effarement
A l’autre à la mamelle carbonisée d’une échue cavalcade

vL

incise 1980

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Claude Cotti – Dictionnaire des compositions poétiques françaises classiques – le sonnet dont voici la seule disposition régulière : abba  abba  ccd ede. On trouve d’autres dispositions qui sont toutes actuellement irrégulières … Dans un sonnet, il faut éviter d’employer deux fois le même mot, sauf à la rigueur s’il est court et secondaire.

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En mil neuf cent, par là, un grand-duc de Russie — 1980 (4)

Alain Bosquet Sonnets pour une fin de siècle

Portrait d’un jeune aristocrate

En mil neuf cent, par là, un grand-duc de Russie
venait dans cet hôtel pour aérer son âme,
pleine d’ennui, de force et de fracas. Sa veuve
est enterrée sous le velours d’un sycomore.

Son petit-fils procure – il suffit d’un pourboire –
aux vieux Américains des Anglaises très plates
ou des Suissesses bien en chair. Serguéï, Ivan,
Micha: il a tant de prénoms que l’uniforme

de l’Impérial Palace est son unique orgueil.
Son cher ami, le moniteur, Paul, Jean ou Jules –
car c’est selon – apprend aux dames fortunées

la nage sur le dos, mais leur préfère au lit
quelque boniche. Hélas! la lune est démocrate,
et l’azur se commet avec n’importe qui.

bl

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Je mourrai dans Paris, un jour d’averse, — 1980 (3)

Claude Esteban Poèmes parallèles

Pierre noire sur pierre blanche

Je mourrai dans Paris, un jour d’averse,
Un jour dont j’ai déjà le souvenir.
Je mourrai dans Paris – et je l’accepte –
Et peut-être un jeudi d’automne comme aujourd’hui.

Oui, un jeudi. Car ce jeudi où maintenant j’aligne
Ces vers, j’ai mis mes humérus tant bien que mal,
Et jamais comme aujourd’hui je n’ai fait l’épreuve
Après tout ce chemin, de me voir seul.

César Vallejo est mort, ils le frappaient tous
Sans qu’il leur fasse rien, et tous cognaient
Dur avec le bâton, et dur aussi

Avec la corde encore ; en sont témoins
Ces jours jeudis,  ces os, ces humérus,
La pluie, la solitude, les chemins ….
Vallejo

bl – m.irr – tr

Voiler pourra mes yeux l’ombre dernière — 1980 (2)

Claude Esteban Poèmes parallèles


Constance de l’amour au-delà de la mort

Voiler pourra mes yeux l’ombre dernière
Qu’un jour m’apportera le matin blanc,
Et délier cette âme encore mienne
L’heure flatteuse au fil impatient.

Mais non sur cette rive-là de la rivière
Ne laissera le souvenir où il brûla.
Ma flamme peut nager parmi l’eau froide
Et manquer de respect à la sévère loi.

Ame, à qui tout un dieu a servi de prison,
Veines, qui à tel feu avez donné vos sucs,
Moelle, qui glorieuse avez brûlé,

Laisserez bien le corps, non le souci,
Cendre serez, mais cendres du sensible;
Poussière aussi, mais poussière amoureuse.
Quevedo

bl – m.irr – tr

Tandis que pour lutter avec ta chevelure, — 1980 (1)

Claude Esteban Poèmes parallèles


Mientras por competir con tu cabello

Tandis que pour lutter avec ta chevelure,
Or bruni le soleil vainement étincelle,
Tandis qu’avec mépris au milieu de la plaine
Contemple ton front blanc la fleur belle du lis

Tandis que pour cueillir chacune de tes lèvres
Te poursuivent plus d’yeux que l’oeillet de printemps,
Et que superbement dédaigne, triomphant
Du cristal lumineux, ta gorge souveraine;

Cette gorge, et ce front, ces cheveux, cette lèvre
Cueille-les dès avant que ce qui fut hier
En ton âge doré, lis, oeillet, or, cristal

Argent ne se change, en violette fanée,
Mais plus encore, et toi avec eux mêmement,
En poussière, en fumée, en cendre, en ombre, en rien.
Gongora

bl – m.irr – tr

Les années se vident mais du côté de la pente — 1978 (4)

? Inimaginaire IV

Les années se vident mais du côté de la pente
revenir en regardant pas besoin que chaque
mocassin épuise l’empreinte dès que chaque
feuille se vide du côté de la pente

et des années sans matière à toute la pente
les escargots et les nourrices plus que chaque
vieillard n’en retourne sous la feuille si chaque
année se vide cesse quelque part la pente

où venir sans regarder? le bol? il s’y cache
ou verse fourmis sous la stère de ses portes
le soleil les années se vident il n’écoute

la chaleur pas plus que la pente ne la cache
ni l’eau revient en regardant sous les portes
les années qu’on se vide et chaque et l’écoute

Q15 – T36 – y=x :  c=a – toutes les rimes sont des mots-rimes répétés identiquement

Alors cette fois merci, quand nous entendrons — 1978 (3)

Paul-Louis Rossi Inimaginaire IV

Sonnet idéologique en quatre langues sur la guerre des paysans

Alors cette fois merci, quand nous entendrons
Le coq chanter et sonner ensemble les cloches
We will be happy: Frères quel travail! Freu dich
Du Schöne … les buches enfin toutes fendrons

Quand à la rude église le gros Luther
Dira son sermon les Seigneurs comme des buches
Nous les fendrons tous, c’est ma foi la riche souche
Qu’il doit cogner pour vivre l’Homme, et lutter

To judge both the quick and the dead … pour juger
Ensemble morts et vivants, dit Thomas Münzer
Oui; conduis-nous comme des rosses aux sommets

Cibus orms et virgum asimo .. Si la mort
En écume nous vient à la bouche plus ne
Prierons ni vivrons jamais comme des porcs

r.exc. – m.irr

à la beauté déserte! ses rôles et ses parcs! — 1978 (2)

Lionel Ray Inimaginaire IV


Dévotion

à la beauté déserte! ses rôles et ses parcs!
A une oreille sonore! à tant d’autres marches
Dans le bleu rare et proche, les tempêtes, la traque!
Aux très hautes partitions! brouillage et départ.

aux pierres des murs endormis! aux lampes-fenêtres!
aux touffes de la parole impatiente! au retour
des rires et des fièvres! aux oiseaux qui cherchent
leur ciel! aux paumes de la pluie! aux roses peintes!

à Notre-Dame de l’Impossible! dame des roches!
à une imploration! à la gaîté fréquente!
aux lèvres du soupçon! aux grilles entrouvertes!

aux nuits sans autrefois des morts, si peu secrètes,
sans paroles brisées, sans dérive et sans cris!
au temps désassemblé! à sa très sûre approche!

r.exc – m.irr

Ces cretonnes ces chutes de tissus croisés par — 1978 (1)

Pierre Lartigue Inimaginaire IV


Ascension en Patchwork pour Cyrano de Bergerac

Ces cretonnes ces chutes de tissus croisés par
pleins camions comme des romans au hasard côte
à côte porte les près de ton oreille Ecoute
Ces pluies de taffetas cassé cette charpie

de tout imaginaire On dénoue quelque part
une fumée de laine sur les dunes des cata-
ractes blanches  aux panaches d’eau chaude prends tous les coptes
prends le Tour du monde d’un gamin de Paris

et dans ces chasses fabuleuses taille découpe cache
ton coeur puis ces pauvres pages cousues à petits
points rêve que le grand vent te happe et t’arrache

papier qui tremble cerf volant frisson de quiche –
nottes  Adieu mines d’or d’Eluard! Adieu pépites!
Adieu glaçons dans les poches de René Char!

r.exc. – m.irr

par Jacques Roubaud