Archives de catégorie : Disposition strophique

La disposition ordinaire 4+4+3+3 n’est pas signalée.

Je ne veux pas savoir le nombre d’hématies — 1884 (15)

– coll. Le Parnasse Hippocratique

– G.Camuset

Chlorose – Sonnet médical

Je ne veux pas savoir le nombre d’hématies
Que la chlorose avare a laissé dans ton sang;
Je ne veux pas compter sur ton front languissant
Les pétales restés à tes roses transies.
Pauvre enfant! le nerf vague aux mille fantaisies
Donne seul à ton coeur son rythme bondissant;
Seul il rougit parfois ton visage innocent
De l’éclat sans chaleur des pudeurs cramoisies.
Pour la dompter, veux-tu connaître un moyen sûr?
N’épuises plus en vain les sources martiales,
Mais laisse-toi conduire aux choses nuptiales.
Au soleil de l’amour ouvre tes yeux d’azur,
Suis la loi; deviens femme, et qu’en ton sein expire
Dans les blancheurs du lait, la pâleur de la cire.

Q15 – T30 – sns

Le noir effondrement des ténèbres premières 1879 (21)

Charles Cros L’évocation des endormis

La chute

Le noir effondrement des ténèbres premières
S’accomplit. Et Satan, amoureux des lumières
Du punch, du vice impur et de l’orgie en rut,
Tomba du haut du ciel comme tombe un roc brut.

Il tomba si longtemps que les âges immenses
Sonnèrent tour à tour aux cloches des démences
Que Dieu mit çà et là dans l’espace sans bord.
Et plus bas que la vie, et plus bas que la mort,

Plus bas que le néant l’inaccessible cible,
Et plus bas que l’absurde et que l’inadmissible
Il tomba, ricanant de n’aller pas plus bas.

Il disait : C’est la fin des glorieux combats :
Il faut être vainqueur ou vaincu, mais bien l’être ;
L’esprit veut me tuer ? je vivrai par la lettre !

cas limite : on a quatorze vers plats, répartis, dans la page en 4+3+4+3 .

Las de ce que je vois, je crie après la mort; 1871 (9)

coll. Le Parnasse Contemporain, II

Auguste Barbier

Shakespeare A son amie

Las de ce que je vois, je crie après la mort;
Car je vois la candeur en proie au vil parjure,
Le mérite en haillons, déshérité du sort,
Et l’incapacité couverte de dorure;

Et la vierge pudeur aux bras de la luxure,
Au siège de l’honneur l’intrigue allant s’asseoir,
L’esprit fort appelant sottise la droiture,
L’art divin baîllonné par la main du pouvoir;

L’ignorance, en docteur, contrôlant le savoir,
Sous le fourbe boiteux, le fort manquant d’haleine,
Le vice ricaneur flétrissant le devoir,
Le Bien, humble soldat, et le Mal capitaine;

Oui, las de tout cela, je finirais mes jours,
N’était que de mourir c’est quitter mes amours

abab bcbc cdcd ee=sp – disp: 4+4+4+2 – tr  Shakespeare- s.66: « Tir’d with all these, for restful death I cry ». Traduit dans une disposition de rimes spensérienne

Fardée et peinte comme au temps des bergeries, — 1869 (37)

Verlaine Fêtes galantes

L’Allée

Fardée et peinte comme au temps des bergeries,
Frêle parmi les nœuds énormes de rubans,
Elle passe, sous les ramures assombries,
Dans l’allée où verdit la mousse des vieux bancs,
Avec mille façons et mille afféteries
Qu’on garde d’ordinaire aux perruches chéries.
Sa longue robe à queue est bleue, et l’éventail
Qu’elle froisse en ses doigts fluets aux larges bagues
S’égaie en des sujets érotiques, si vagues
Qu’elle sourit, tout en rêvant, à maint détail.
— Blonde en somme. Le nez mignon avec la bouche
Incarnadine, grasse et divine d’orgueil
Inconscient. — D’ailleurs, plus fine que la mouche

Qui ravive l’éclat un peu niais de l’œil.

s. rev sns

Lorsque fier, souriant au monde, à l’avenir, — 1864 (11)

Louis Guibert Rimes franches


Le réveil

Lorsque fier, souriant au monde, à l’avenir,
L’homme pose le pied sur le seuil de la vie,
Tout semble auour de lui chanter et resplendir :
Son âme au grand soleil s’épanouit ravie,
Vaste comme la mer, pure comme le jour,
Et son cœur palpitant chante un hymne d’amour.

Puis, il voit s’effeuiller jour par jour sa jeunesse
Et petit à petit se dissipe l’ivresse.

Mais parfois le réveil est subit ; de la fleur
Arrachés d’un seul coup tombent tous les pétales.
L’homme, savant trop tôt, sent se briser son cœur.

C’est pour cela qu’on voit des jeunes gens tout pâles,
Vers la terre courbant leurs fronts avant le temps,
S’empoisonner d’absinthe et mourir à vingt ans.

Q58  T23  disp 6+2+3+3

Au chant de ton Pater, aux accords de ta lyre — 1857 (25)

P.Bion (vicaire) in La Muse des familles

Au chant de ton Pater, aux accords de ta lyre

Soudain, l’âme s’émeut, le cœur devient meilleur …
Ouvrier de ce soir … mais, pourquoi te le dire ?
Pour chanter de beaux vers, je me fais rimailleur.
Heureuse es-tu, ma Sœur ! quand ta muse féconde,
Imitant de David les chants si gracieux,
Entonne l’oraison du résempteur du monde ;

Bienheureuse ici-bas, mais plus heureuse aux cieux !
Au Pater du Sauveur ajoute une prière :
Loin, bien loin, ô ma sœur ! fais entendre tes chants,
Le nom du père est doux, mais, bonne aussi la Mère !
Interroge plutôt cette Vierge chérie,
Asile des cœurs purs, refuge des méchants.
Tu le veux, n’est-il pas ? … oh ! chante encor Marie.

Q59  T24  acr.  disp 1+6+7

Toi, l’amour de mon cœur, l’espoir de ma vieillesse, — 1849 (3)

Alphonse Chaulan L’Arc-en-ciel

Sonnet à …

Toi, l’amour de mon cœur, l’espoir de ma vieillesse,
Etoile solitaire en mon cœur orageux,
Ma Caroline, avec ces poétiques jeux,
Reçois le pur encens de toute ma tendresse.
J’invoque, pour veiller sur ta frêle jeunesse,
Ta noble mère, assise au séjour des heureux ;
Ah ! puisse, cher enfant, notre zèle et nos vœux,
Vers un port de bonheur diriger ta faiblesse !
Un jour, lorsque le temps et la réflexion
Chasseront les vapeurs de tes illusions,
A mes mânes errants tu diras je l’espère :
Ami, tu disais vrai : le monde avec ses fleurs,
Ses plaisirs d’un moment, ses trompeuses erreurs,
Ne remplace jamais l’amour d’un tendre père.

Q15  T15  sns