Archives de catégorie : Formule de rimes

A nos aieux, le pur honneur, — 1838 (13)

Théophile Lodin de Lalaire Les victimes

Le siècle

A nos aieux, le pur honneur,
La fleur de la galanterie
L’amour du roi, de la patrie
Et de Dieu ; partant, le bonheur.

Chez eux, point de plat suborneur
Qui livrât la foule ahurie
Au vil Moloch de l’industrie ;
Point de sophiste empoisonneur.

Mais c’est à l’or que je me pique
D’offrir mon encens romantique,
Et je jette le reste aux vents.

Pour l’or, comme un nègre je sue,
J’écris, je trahis, je me vends,
Je sers, je nuis, je meurs, je tue.

Q15  T14  – banv – octo

Au jour de l’infortune, au jour où votre œil pleure, — 1838 (12)

A.M. de Mornans (Alexis Muston) Les Néolyres

L’automne

On dit que de Léda l’oiseau mélodieux
Dans les chants les plus doux à mourir se résigne.
De la nature, hélas, est-ce le chant du cygne ;
Les beaux jours en sont-ils à leurs derniers adieux ?

` Jamais plus vivement les feuilles de la vigne
N’ont encor déployé leur pourpre sur les cieux ;
Le phare, en expirant, semble plus radieux :
Est-ce la mort qu’aussi cet éclat nous désigne ?

Les prés dans tout leur lustre apparaissent encor ;
Le peuplier royal verse des larmes d’or ;
Le bois, à l’horizon, prend un manteau de flamme.

Les monts sont couronnés de panaches vermeils …
Ah ! que ces jours d’automne, à nos âmes pareils
Ont de mélancolie et d’attraits pour mon âme.

Q16  T15

ö Charle, ô guide sûr ! que de choses trouvées, — 1838 (11)

Ulric Guttinger Jumièges, prose et vers

A mon  honorable ami, M.Charles Nodier, de l’Académie française

ö Charle, ô guide sûr ! que de choses trouvées,
Sur vos pas tant aimés du gothique manoir !
A vous qui d’une main relevez l’encensoir,
Et de l’autre agitez la baguette des fées.

A vous, proses et vers, de ces scènes rêvées
Aux bords où notre muse une fois vint s’asseoir,
Où la sainte abbaye, aux lueurs d’un beau soir,
Sentit à vos accents ses tombes relevées !

A vous tous ces récits qu’entamait votre voix,
Lorsque la paix du monde en évoque les gloires !
A vous tous les échos de ce jour d’autrefois,

Cher et bon enchanteur de nos vieilles histoires,
Héritier des secrets d’un si grand souvenir,
Et dont ce beau passé fait un bel avenir !

Q15  T23

Oh ! vous ne savez pas ce que c’est qu’un poète ! … — 1838 (10)

Edouard de Blossac Heures de poésie


Le poète

Oh ! vous ne savez pas ce que c’est qu’un poète ! …
Miroir, où la nature entière se réflète;
Ame, où vous entendez un cratère bouillir ;
Cœur malade, qui veut le désert pour fleurir !

Comme, dans la fournaise où l’ouvrier la jette,
La flamme rend sonore une fonte muette ;
De même, le poète a besoin de souffrir ;
De pleurs, comme la terre, il aime se nourrir.

Il lui faut l’ouragan pour soutenir son aile !;
Son vol cherche la nuit et l’ombre solennelle,
Il aime que la vague écume en ses cheveux.

A son oreille, il faut le bruit sourd du tonnerre ;
A ses pieds un sentier, loin la route ordinaire,
Le ciel à ses regards, l’infini pour ses vœux.

Q1  T15

Je ne sais qui me porte à peindre tout cela, — 1838 (8)

Hipployte de  La Morvonnais La Thébaïde des grèves

La cabane  éboulée, II

Je ne sais qui me porte à peindre tout cela,
Mais malgré moi, mon vers coule à sa destinée;
C’est là ma mission. – Seras-tu fortunée,
Ma mission d’amour? Suis-je ici, suis-je là?

Toujours quelque détail que recèle une année
Voisine du berceau, m’arrive, et me voilà
Laissant courir ma plume; or qui donc m’appella
A cette oeuvre où s’en va mon âme abandonnée.

Qu’en sais-je, mes amis? Qui fait chanter l’oiseau,
Ou sourire l’enfant dormant dans le berceau?
Qui donne les parfums au laurier des ruines?

Un esprit est en moi qui chante tout d’abord,
Quand on fait la prière, ou bien lorsque la mort
Visite le village et les fermes voisines.

Q15 – T15 – bi

Bienheureux le mortel qui peut de l’existence — 1838 (7)

Désiré Cadilhac Echos du coeur

Amour et Poésie

Bienheureux le mortel qui peut de l’existence
Adoucir par l’amour la mortelle rigueur!
De joie et de parfum il enivre son coeur
Et livre sa boussole au vent de l’espérance;

Une ame dans son ame épanche le bonheur. –
Il se berce, tranquille, au sein de l’indolence:
Au travers des plaisirs comme un rêve trompeur,
Son oeil dans le lointain voit passer la souffrance;

– Bienheureux le poète! il est l’enfant du ciel;
Car son coeur fait monter aux pieds de l’Eternel
Comme un encens pieux, ses prières de flamme;

La foi devant ses yeux fait briller son flambeau,
Et lui, sans frissoner, marchant vers le tombeau,
Attend le paradis dans les bras d’une femme.

Q17 – T15 – bi : 7-8 Premiers sonnets d’une séquence que j’intitule Le bouquet inutile. Les poèmes de cette séquence ont été choisis à peu près au hasard.

Allons, ange déçu, ferme ton aile rose: — 1838 (6)

Théophile Gautier La comédie de la mort


Adieu à la poésie

Allons, ange déçu, ferme ton aile rose:
Ote ta robe blanche et tes beaux rayons d’or;
Il faut, du haut des cieux où tendait ton essor,
Filer comme une étoile, et tomber dans la prose.

Il faut que sur le sol ton pied d’oiseau se pose.
Marche au lieu de voler: il n’est pas temps encor;
Renferme dans ton coeur l’harmonieux trésor;
Que ta harpe un moment se détende et repose.

O pauvre enfant du ciel, tu chanterais en vain,
Ils ne comprendraient pas ton langage divin;
A tes plus doux accents ton oreille est fermée!

Mais avant de partir, mon bel ange à l’oeil bleu,
Va trouver de ma part ma pâle bien-aimée,
Et pose sur son front un long baiser d’adieu!

Q15 – T14 – banv

Hier, dans votre sein, ma montre est descendue. — 1838 (5)

François Ponsard in Oeuvres complêtes, III (1876)

La montre

Hier, dans votre sein, ma montre est descendue.
Le pays lui parut sans doute bien orné,
Car, pour voir chaque site, elle a tant cheminé,
Que la pauvre imprudente à la fin s’est perdue.

Elle battait bien fort; vous l’avez entendue,
Mais vous ne saviez pas que j’eusse imaginé
D’y renfermer au fond un coeur emprisonné;
C’était lui qui battait sur votre gorge nue.

Depuis ce temps, il bat d’un mouvement si vif
Dans le cachot doré qui le retient captif,
Que ma montre en une heure achève la semaine.

C’est ainsi qu’à l’en croire, il s’est passé des mois
Depuis que je vous vis pour la dernière fois;
Il s’est passé pourtant une journée à peine.

Q15 – T15

J’aime, en jetant aux airs des senteurs de jasmin, — 1838 (4)

Théodore CarlierPsukhê; Etudes

Vous encore!

J’aime, en jetant aux airs des senteurs de jasmin,
De tes beaux cheveux bruns mêler la longue tresse!
J’aime, pour m’enivrer d’un bonheur surhumain,
Attirer tes regards, doux comme une caresse!

J’aime te voir pleurer lorsque, sur ton chemin,
Quelque mère indigente à ta pitié s’adresse!
J’aime te voir sourire, et me presser la main,
Lorsqu’un couple béni se parle avec tendresse!

J’aime ta voix, tes pas légers comme l’oiseau,
Ta taille mollement souple comme un roseau,
Et ton coeur pour moi sans mystère!

Mais j’ai peur, quand ton pied se pose à peine au sol,
Que tu ne sois un ange, – et que, prenant ton vol,
Tu ne me laisses sur la terre!

Q8 – T15 – 2m (octo:v.11, v.14)

Oh! oui, vous étiez belle! Et je brulais dans l’âme! — 1838 (3)

Jules LacroixPervenches

Oh! oui, vous étiez belle! Et je brulais dans l’âme!
Comme elles vous suivaient d’un regard envieux,
Ces femmes, dont le front est jeune et le coeur vieux!
Comme elles pâlissaient toutes à votre flamme!

Et quand la valse en feu, qui toujours vous réclame,
Ange, vous emportait dans ses bras, à mes yeux! …
Hélas! que j’étais fier, jaloux et furieux!
Comme un étranger, moi, je vous disais « Madame! »

Ces lustres, ces flambeaux, ces candélabres d’or
Versaient trop de clartés sur vos blanches épaules,
Sur votre sein plus pur que la neige des pôles!

Et j’aurais bien donné mon âme, et plus encor,
Pour vivre une heure, seul, dans l’ombre, ô mon trésor,
Avec ma Velléda, blonde fille des Gaules!

Q15 – T27