Archives de catégorie : Formule de rimes

Rien – qu’un paysage pris — 1928 (6)

Odilon-Jean PérierPoèmes

Dédicace
à R. de G.

Rien – qu’un paysage pris
Page vide – pure estampe,
Entre tes yeux et la lampe
Seule à lui donner du prix,

Rien qu’un déchirant esprit
De neige et de solitude,
Mes chants que tu as surpris
Par une amicale étude,

Ces feux! qui devaient dorer
L’aile de ma poésie,
Cendres ne lui ont laissé

Que les ombres de sa vie,
Rien! mais tout à commencer
Sous les rires de Janvier.

Q44 – T19 – 7s – disp: 4+4+4+2

Il pèse sur tes épaules, il brûle ton cœur, — 1928 (3)

Catherine PozziOeuvres poétiques

Epilogue étrange

Il pèse sur tes épaules, il brûle ton cœur,
Il met des trésors d’angoisse dans les jours joyeux,
Il te marque pour toi-même, sceau mystérieux,
– Il te marque pour toi seule: y a pas d’âme soeur.

Il peut enivrer ta vie, sauvage bonheur;
Il t’éblouit, il t’emporte, il ferme tes yeux,
Il te réveille, il te crée, t’emmène loin d’Eux
Et t’offre dans un silence l’éternelle fleur.

Le Meilleur Monde Impossible (Leibniz s’est trompé),
Trop sincère, trop splendide pour une entité,
Qui ne sera qu’en ton âme, ou ne sera pas.

« Tout un monde est lourde chose », songe Atlas-Psyché; –
Mieux vaut nous saigner ensemble d’un p’tit coutelas …  »
Il n’a été qu’en ton âme, mais n’a pas été.

1906 – C.P. note à la suite: « One more sigh’.

Q15 – T7 – 13s

O splendide, salut! Viens à moi qui t’appelle! — 1928 (2)

Catherine PozziOeuvres poétiques

Invocation

O splendide, salut! Viens à moi qui t’appelle!
Comme un songe, descends de l’Olympe sacré,
Où depuis deux mille ans se languit ta beauté …
Reviens! et que ton œil de nouveau étincelle!

O mère des désirs, ô douleur, ô douceur,
O souffrance adorée, plaisir profond, ô charme!
Astarté, Kythérè, mouille-moi d’une larme,
Et je serai ton œuvre, ton enfant, ta soeur!

O Kyprès! si mes yeux sont beaux et mes dents blanches,
Mes dents sont de travers, hélas, mon nez est grand!
Mon menton trop petit à pousser fut trop lent,
Et ma taille flexible est elle qu’un planche!

Unique! ce sonnet – Car ce s’ra un sonnet –
Du début parnassien s’est dégagé tout net –
Hélas! zut – je le sens devenir prosaïque:

Mais vois: d’exquis bonbons et d’odorants oeillets
Sont exposés pour toi sur un blanc tabouret,
Et je t’offre ceci d’une âme bucolique! ….

Journal, 24 oct. 1900

abba a’b’b’a’ a »b »b »a » – T6

Je descend les degrés de siècles et de sable — 1928 (1)

Catherine PozziOeuvres poétiques

Maya

Je descend les degrés de siècles et de sable
Qui retournent à vous l’instant désespéré
Terre des temples d’or, j’entre dans votre fable
Atlantique adoré.

D’un corps qui ne m’est plus que fuie enfin la flamme
L’Ame est un nom détesté du destin –
Que s’arrête le temps, que s’affaisse la trame,
Je reviens sur mes pas vers l’abîme enfantin.

Les oiseaux sur le vent de l’ouest marin s’engagent,
Il faut voler, bonheur, à l’ancien été
Tout endormi profond où cesse le rivage

Rochers, le chant, le roi, l’arbre longtemps bercé,
Astres longtemps liés à mon premier visage
Singulier soleil de calme couronné.

Q59 – T20 – 2m :6s: v.4 v6 : 10s – Le dernier vers est typographiquement isolé

Cypris ne chante plus sur les ondes … — 1927 (6)

Laurent Tailhade & Maurice du Plessys in Mme Laurent Tailhade : laurent Tailhade au pays du mufle

Oméga blasphématoire
A bord de l’Aleimadeul.

Cypris ne chante plus sur les ondes …
A l’arbre de la Croix pendent les Dieux Latins
Car l’Oingt est advenu … les roses,
Pourpre hostiale dans la rousseur des matins.

Profusant l’Hystérie exsangue, les Nécroses
Et, sous un voile impur, tels rites clandestins,
Abimélech avec Melchissedech ! Les proses
Vont clangorer, ce soir, par les naos éteints.

Le sauroctone sous les mythes de la Grèce !
Eslabroli ! Matins de joie et d’allégresse
Où la Taure enfantait au contact d’Osiris !

Ah ! si tu veux la nuit douce, rends les Etoiles !
Moi je vais sur la mer, en des canots sans voiles,
Goûter l’iode brun interdit aux iris.

Qu. exc.   T15 « … un de ces divertissement poétiques, … en pastiche d’Arthur Rimbaud »

J’ai compris ce billet, je connais l’écriture. — 1927 (5)

P. D’Aniell Solange

Chérubin

J’ai compris ce billet, je connais l’écriture.
L’homme, presque un enfant, est aussi blond que toi.
Il est beau, mais naïf, puisqu’il offre sa foi.
Ne désespère pas sa timide nature.

Tu te refuserais à Chérubin ? … Pourquoi ?
Tu crains ma jalousie. En sens-tu la morsure ?
Puis-je abolir l’amour, cette tendre imposture
Qui rive deux amants et dévore la loi ?

Non ! je veux par vos chairs, aux ivresses conquises
Animer d’impudeur des étreintes exquises,
Te rendre sous son corps les nuits où tu vibras,

Confondre nos baisers sur ta lèvre encor pleine
Du spasme adolescent  de sa mourante haleine…
Te prendre, ivre de lui, pâmée, entre mes bras.

Q16  T15

Logos, éons et séfirots; — 1927 (4)

Charles-Adolphe Cantacuzène Identités versicolores

Sonnet
à J.B

Logos, éons et séfirots;
Alexandrins, Gnose et Cabale;
Triangles et pouvoirs des mots;
Souffle d’évocation pâle.

L’Ether d’éternité, les flots,
Le feu, la terre sidérale;
Et vous, reflets dans les cristaux,
Lumière, immortalité mâle.

Tout cela nous n’en parlions pas
Du temps que nous croisions nos pas,
Chez toi, cher, ou dans les ruelles.

Et cependant le Pimander,
La Baghavat-Gita, Dieu! Quelles
Perles sur le Boulevard Vert.

Q8 – T14 – octo

Jeune apprenti, parfois d’un geste négligent, — 1927 (2)

Roger Vitrac Cruautés de la nuit

Jeune apprenti ….
A Henri de Régnier

Jeune apprenti, parfois d’un geste négligent,
Je délaisse l’argile et le tour, et je rêve
De ciseler dans l’or un Bacchus qui soulève
Sur ses bras incurvés une coupe d’argent.

Mon vieux maître qui sait fuseler une amphore
Et sur la glaise rouge animer les dieux noirs
Devine et, souriant à mes faibles espoirs,
Caresse de la main le vase qu’il décore.

Il sait que je m’adosse aux arbres du hallier
Et que ma flûte est douce aux faunes de Sicile.
Aussi m’a-t-il promis son rustique atelier.

… Et je n’assouplirai sous mon doigt malhabile
Lorsque la terre fine aura détruit ses os
Qu’un frêle vase orné d’acanthes et d’oiseaux.

Q63 – T23

De sa gueule ébréchée éclaboussant la table, — 1927 (1)

J.P. Samson Emploi du temps

Bacchante
sonnet dans le goût de Laurent Tailhade

De sa gueule ébréchée éclaboussant la table,
Elle a, sous le chaud d’une plume à trois francs,
L’œil en éclipse et le sourire contestable
D’une qu’un trop long jeûne expose au mal d’enfants.

Plus votive que, peint sur quelque vieux rétable,
Un évêque, le jus du ciboire extirpant,
Elle sirote, aux frais de son mec lamentable,
Du cidre sans alcool le jus déconstipant.

Le restaurant végétarien résonne aux cris
De sa gorge que racle un ressaut de prurit
Guère orgiaque, hélas! … c’est la bombe pas chère;

Et lorsqu’on bouclera le sinistre local,
Ils éliront, debout aux échos d’un choral
Salutiste, pour ça, une porte cochère.

Q8 – T15