Archives de catégorie : Q59 – abab a’b’a’b’

Et, tandis qu’alternaient dans leur retour subtil — 1896 (5)

Auguste AngellierA l’amie perdue


Rêveries, VII

Et, tandis qu’alternaient dans leur retour subtil
La chanson de la flute et cet appel d’amour,
Elle dit à voix haute: « O Vénus, m’aime-t-il,
Le poète qui vit près de la vieille tour?

Pour me donner à lui je veux qu’il me désire,
Je connais sa tristesse, et je veux qu’il l’oublie
Dans l’ardente fureur de l’amour que j’inspire,
Et mes baisers versés sur sa tête pâlie. »

Elle ouvrit ses bras blancs, frémissante d’émoi,
Et ses bras en s’ouvrant ouvrirent sa tunique
Et son corps radieux  aux invincibles charmes

Resplendit tout entier. Je vis entre elle et moi
Luire tes pauvres yeux tout fatigués de larmes,
Et je m’éloignai vers le bois mélancolique.

Q59 – T37

Près d’un tapis de lotus et d’iris, — 1895 (11)

CIPA(Godebski ?) in La Renaissance idéaliste


Rêve d’âme
Au Sar Péladan

Près d’un tapis de lotus et d’iris,
Sur le ciel tout irisé du couchant,
Passe l’ombre bleuâtre de l’ibis
Blanc, qui s’envole d’un vol calme et lent …

… Pleine d’infini, d’amour et de Rêves,
Bercée en des illusions éphémères,
Mon âme, que cette folie élève
Va, portée en l’aile de sa chimère,

En des pays lointains et inconnus,
Où les hommes ne sont encore venus
Apportant leurs abjectes vilenies !

Et ainsi créer un monde nouveau
Sur les ruines des antiques tombeaux…
Va, mon Ame, fière de ta folie !

Q59  T15  vers de dix syllabes non césurés  hiatus aux vers 9 et 11

O mes contemporains du sexe fort, — 1893 (24)

Verlaine Dédicaces

Quatorzain pour tous

O mes contemporains du sexe fort,
Je vous méprise et contemne point peu,
Même il en est que je déteste à mort
Et que je hais d’une haine de dieu.

Vous êtes laids, moi compris, au delà
De toute expression, et bêtes, moi
Compris, comme il n’est pas permis : c’est la
Pire peine à mon cœur et son émoi

De ne pouvoir être (si vous non plus)
Intelligent et beau pour rire ainsi
Qu’il sied, du choix qui me rend cramoisi

Et pour pleurer que parmi tant d’élus
A faire, ces messieurs aient entre tous
Pris Brunetière. O les topinambous !

Q59  T30  rimes masc.  octo

Mystérieux hanteurs aimés des tubéreuses — 1993 (20)

Georges Fourest in L’Ermitage

Pour cueillir les narcisses
Mystérieux hanteurs aimés des tubéreuses (Joseph Declareuil)

O nymphes, j’ai flétri la fleur de Bételgeuse :
Nymphes, les nymphéas abhorrés de l’Amour !
Candide, j’ai cueilli vos corolles neigeuses,
Frigides nénuphars abhorrés de l’Amour !

Tel un glaïeul glissant au sanglot de l’eau glauque,
J’effeuille cette fleur qui fut l’enfant Narcisse ; –
Et le fleur descendait au sanglot de l’eau glauque
Et les blancs Corydons chantaient leurs Alexis !

Magdeleines, gardez pour les Jésus futurs,
Gardez le cinnamone et les philtres d’Amour.
Leurs cheveux essuieront tes pieds, ô Dieu futur !

Pour moi, dans le miroir sanglotant de l’eau glauque, –
Parmi les nymphéas abhorrés de l’Amour ;
J’effeuillerai la fleur qui fut l’enfant Naricsse !

Q59  cdc xdy y=x (d=b & x=a’ & y=b’)  mots-rimes et vers repris

Pèlerin magnifique en palmes de mémoire — 1893 (2)

Saint-Pol RouxLes reposoirs de la procession I

Pèlerin magnifique en palmes de mémoire
(O tes pieds nus sur le blasphème des rouliers!)
Néglige les crachats épars dans le grimoire
Injuste des crapauds qui te sont des souliers.

Enlinceulant ta rose horloge d’existence,
Evoque ton fantôme à la table des fols
Et partage son aigle aux ailes de distance
Afin d’apprivoiser la foi des tournesols.

Delà, miséricorde aux bons plis de chaumière
Avec un front de treille et la bouche trémière,
Adoptent les vieux loups qui bêlent par les champs

Et régénère leur prunelle douloureuse
Au diamant qui rit dans la houille des temps
Comme l’agate en fleurs d’une chatte amoureuse.
(Message au poète adolescent)

Q59 – T14

Fût ! Fût ! ah fut le Temps des diligences, fut ! … — 1891 (36)

La France moderne

Locomotive

Fût ! Fût ! ah fut le Temps des diligences, fut ! …
Or, issant soudain sur – ff ! ff ! ff ! – les routes,
Rails où roulant en longs rapides vers le But,
Elle va, ah elle va ! fort rompant les Doutes …

Active, la la lo omotive ! locomotive,
Rouages en rage – que furieusement ! –
Roule un long roulement – ff ! ff ! – leitmotive
Et le fracas, cahin caha, du roulement …

Feu ! flammes et fumée et sur les Temps – ténèbre.
Noire de fer, rouge, et le halèt funèbre.
Emportant , vol de râles, le monde, le fer !

Tragique appel – fr ! rr ! – siffle. Nocturne râle
Traversé d’éclairs, sur la route qui va (pâle)
Oh locomotive ivre issance de l’enfer !
?)

Q59  T15

Sois belle purement comme un vase sacré, — 1991 (26)

Paul Valéry in L’ermitage

Splendor

Sois belle purement comme un vase sacré,
Telle un ciboire d’or encensé sous du dôme,
Et garde la splendeur comme un trésor secret
Très loin du baiser fauve et flétrisseur de l’homme !

Car, c’est Toi le vivant et le rare Cristal
Longtemps élaboré par les antiques races,
L’émeraude limpide et sainte, le Graal !
Que veillent les guerriers aux mystiques cuirasses !

Oh … sois de marbre ! sois d’un métal froid et clair,
Et, parmi la résine aromate brûlée,
Brille lointaine et pâle, o Reine Immaculée !

N’es-tu pas le Calice adorable de Chair
Où l’artiste-blanc prêtre à la magique phrase –
Boit à longs traits le vin suprême de l’Extase ?

Q59  T30

Ils peuvent s’enfuir les jours et les années — 1891 (25)

Georges Suzanne Premiers poèmes (avec une préface de Paul Verlaine)

Sonnet

Ils peuvent s’enfuir les jours et les années
Au vol fugitif, rapides s’écrouler
Comme à l’automne passent des fleurs fanées,
Comme l’oiseau sur la branche s’envoler,

Maintenant que j’ai, ô bonheur ineffable !
Aspiré de ton cœur le parfum divin,
Le Destin, ce noir vautour infatigable,
S’envolera sur ma destinée en vain.

Puisque ton âme a palpité sur mon âme,
Que mes lèvres ont baisé ton corps de femme,
Que m’importent l’Heur et le Malheur des Temps !

Qu’elle roule donc, cette vague, ma vie !
Parmi l’Océan de l’heure inassouvie
Mon coeur est bercé de souvenirs charmants !

Q59  – T15  – 11s

C’est le beau Jean Moréas — 1889 (24)

Verlaine Dédicaces

A Jean Moréas

C’est le beau Jean Moréas
Qui fait dire à l’échotier
Que l’art périclite, hélas !
Au mains d’un si tel routier.

Routier de l’époque insigne,
Violant des vilanelles
Comme aussi, blancheur de cygne !
Violant des péronnelles.

Va-t’en, sonnet libertin,
Fleuri de rimes gaillardes
Ce chanteur et ce butin,

Migrateur emmi les bardes,
Que suivent sur ses appels
Tous les cœurs des archipels.

Q59  T23  7s

Je rêve d’être sous ton corps — 1889 (4)

Le Décadent

Jules Renard

Morvandelle

Je rêve d’être sous ton corps
Une barque fragile et neuve.
Tu ne vivras qu’entre mes bords
Plus solitaire qu’une veuve.

Tu tiendras toute entière en moi,
Car ma poitrine t’a saisie
Comme une prison; j’ai pour toi
De couler à ta fantaisie.

Ma rame bat avec langueur
Sur la mesure de ton coeur.
Puis, las d’amour, j’aurai la joie

Avec un simple tour de reins
De faire voir aux riverains
Comme une maîtresse se noie!

Q59 – T15 – octo