Archives de catégorie : T20 – cdc dcd

Il splendit sous le bleu d’athlétique Nature — 1886 (22)

? in Le décadent

Sonnet

Il splendit sous le bleu d’athlétique Nature
Dont le roc a fourni les éléments altiers:
Les fontes et l’airain de leur musculature,
Excèdent les parois des divins compotiers.

Leurs biceps ont des fûts robustes de mâture;
Leur timbre tient son or des célestes Luthiers,
Et, nourris du fort miel des doctes confitures,
La santé, sous leur peau, couve ses églantiers.

Car de glaces, ô Femme impure! A tes Malices
Leur coeur d’aube fleurit comme un doux cyclamen,
Et sacrant leurs seize ans aux candeurs de calices,

Le hautain contempteur des sordides hymens,
Antéros aux yeux d’or cuivre de ses délices
Le concombre inclément de leur vierge abdomen.
(Arthur Rimbaud)

Q8 – T20 – pastiche

Vous étiez gaie, on dit très bien, comme un pinson; — 1886 (12)

Germain Nouveau (ed. Pléiade)

A Madame Veuve Verlaine

Vous étiez gaie, on dit très bien, comme un pinson;
Vous étiez vive, on dit aussi, comme la poudre;
Et votre voix, avec les éclats de la foudre
Avait l’accent léger d’une jeune chanson.

Oui, gaie et vive, ainsi qu’un soldat fier garçon
Qui va danser au bal, la veille d’en découdre,
Et …. Française, pareille au grondement du foudre,
D’une tempestueuse et charmante façon.

Veuve de militaire et mère de poète,
Il vous restait du bruit des armes et des vers
Quelque chose de haut et de fier dans la tête!

Que vos mânes légers soient de drapeaux couverts,
Et que votre tombeau, paré comme une fête,
Mêle aux roses du Pinde autant de lauriers verts.

Q15 – T20

L’Aède claironne emmi* l’effervescence — 1886 (5)

Noël LoumoVers de couleur

Poésie

L’Aède claironne emmi* l’effervescence
Des caresses adorables de minuit
Prêt à recueillir la tintinnabulance
Des soupirs égarés dans la mort qui luit.

Il sait le miracle énervé de l’Apôtre,
Le bleu recueillement de l’exquisité,
Le souci deviné, l’Amour qui se vautre
Dans le paillettement de l’absurdité.

Au sommet du tourbillon inaccessible
Il monte méprisant la blancheur du sein
Qui regrettait l’avènement de la cible.

Et, douloir hennissant comme le burin,
Il lance aux échos son vers irrémissible
Asclépiade d’or à la voix d’airain.

Q59 – T20 – 11s *emmi Le mot est presque une signaure des ‘décadents »

Hors des cercles que de ton regard tu surplombes — 1886 (4)

Jean Moréas Les cantilènes

Chœur

Hors des cercles que de ton regard tu surplombes
Démon Concept, tu t’ériges et tu suspends
Les males heures à ta robe, dont les pans
Errent au prime ciel comme un vol de colombes.

Toi, pour qui sur l’autel fument en hécatombes,
Les lourds désirs plus cornus que des égipans,
Electuaire sûr aux bouches des serpents,
Et rite apotropée à la fureur des trombes;

Toi, sistre et plectre d’or, et médiation,
Et seul arbre debout dans l’aride vallée,
O Démon, prends pitié de ma contrition;

Eblouis-moi de ta tiare constellée,
Et porte en mon esprit la résignation,
Et la sérénité en mon âme troublée.

Q15 – T20 – deux vers (2 et 6) ont leur sixième syllabe au milieu d’un mot

Une étoile du ciel me parlait; cette vierge — 1885 (12)

Victor HugoToute la LyreRoman en trois sonnets

III

Une étoile du ciel me parlait; cette vierge
Disait: « O descendant crotté des Colletets,
J’ai ri de tes sonnets d’hier où tu montais
Jusqu’à la blonde Eglé, fille de ton concierge.

 » Eglé fait – j’en pourrais jaser mais je me tais –
Des rêves de velours sous des rideaux de serge.
Tu perds ton temps. Maigris, fais des vers, brûle un cierge,
Chante-la, ce sera comme si tu chantais.

Un galant sans argent est un oiseau sans aile.
Elle est trop haut pour toi. Les poètes sont fous.
Jamais tu n’atteindras jusqu’à cette donzelle.  » –

Et je dis à l’étoile, à l’étoile aux yeux doux:
– Mais vous avez cent fois raison, mademoiselle!
Et je ferais bien mieux d’être amoureux de vous.

Q16 – T20

Quand nous aurons, avec de bleus recueillements, — 1885 (1)

Henri Beauclair et Gabriel VicaireLes déliquescences d’Adoré Floupette

Sonnet libertin
 » Avec l’assentiment des grands héliotropes » Rimbaud

Quand nous aurons, avec de bleus recueillements,
Pleuré de ce qui chante et ri de ce qui souffre,
Quand, du pied repoussé, rouleront dans le Gouffre,
Irrités et pervers, les Troubles incléments;

Que faire? On doit laisser aux stupides amants
Les Balancements clairs de ces Effervescences;
Nous languirons emmi les idoines essences,
Evoquant la Roseur des futurs errements.

Je mettrai dans l’or de tes prunelles blêmies
L’Inassouvissement des philtres de Cipris .
– Les roses de ton sein, qu’elles vont m’être amies! –

Et, comme au temps où triomphait le grand Vestris,
Très dolents, nous ferons d’exquises infamies,
– Avec l’assentiment de ton Callybistris –

Q45 – T20

Une vierge au long voile, émue et toute rose; — 1882 (1)

Léo Trézenik (Pierre Infernal)Les gouailleuses

A l’église

Une vierge au long voile, émue et toute rose;
Un monsieur relié, comme un livre, en chagrin;
L’église, triste, avec son grand calme serein,
Et l’enlacement froid de son ombre morose.

On les marie: au doigt il lui passe l’anneau.
Un prêtre au geste digne, à la fâce blêmie,
Leur affirme, en latin, que tous deux pour la vie
Sont tenus de s’aimer de par l’ordre d’en Haut.

Et moi, dissimulé derrière une colonne,
J’écoutais, l’air narquois, cette chose bouffonne,
Quand, navré tout à coup, je me pris à songer

Les yeux fixés sur la pauvre fleur d’oranger
Qu’on voyait à travers du voile diaphane,
Que les pharmaciens en font de la tisane!

Q63 – T20

On pense, en la voyant, aux figures de Greuze — 1877 (6)

? in La Lune Rousse 9/12/1877

Les jolies actrices de Paris, III – Juliette Baumaine

On pense, en la voyant, aux figures de Greuze
Peintre des doux minois, lui seul – ou Fragonard –
Eût rendu son visage exquisement mignard
Et ses sveltes contours, dont la forme amoureuse,

Dans les plis du corsage en relief se creuse.
L’hypocrite candeur, qui chez elle est un art,
Se trahit aux éclairs furtifs de son regard;
Elle a les mouvements d’une chatte peureuse;

Sa bouche aux rires vifs possède le secret
De faire voltiger la légère ariette …
Ah! dans le clair-obscur délicat – et discret

D’un boudoir Louis-Quinze, où nul bruit n’inquiète,
L’âme ravie – heureux celui-là qui serait
Le ROMEO choisi par vous, ô JULIETTE!

Q15 – T20 – cet auteur aime fort la diérèse. Il en a mis partout.

Respectez-la toujours cette forme que j’aime, — 1877 (2)

Henri-Charles ReadPoésies

Le sonnet
à ma soeur

Respectez-la toujours cette forme que j’aime,
Cette forme divine et pure qu’Apollon
Autrefois inventa dans le sacré vallon
Et qu’il fit resplendir d’une beauté suprême!

Sur ton front gracieux posons le diadème,
O sonnet, toi qui n’est ni trop court, ni trop long,
Qui tantôt es Zéphir et tantôt Aquilon!
Quel que tu sois, tu vaux toujours mieux qu’un poème.

Que de méchants auteurs t’ont péniblement fait,
Qui sans repos longtemps ont torturé leur tête
Pour mettre un avorton au jour, non un Sonnet;

La source vive sort, et, sans que rien l’arrête,
Des fentes du rocher s’élance d’un seul jet:
Ainsi tu dois jaillir de l’âme du Poète!

Q15 – T20 – s sur s

Le terme est arrivé du compte de mes jours. — 1874 (13)

Cabaner Etrennes du Parnasse pour l’année 1874

Le poète mourant

Le terme est arrivé du compte de mes jours.
Dans un moment je vais pousser mes derniers râles,
J’entends un bruit confus de clairons, de cymbales,
De cloches, de tamtams, de fifres, de tambours.

Et j’écris mon dernier sonnet pendant ces courts
Instants. Déjà la Mort, à travers plusieurs salles,
Vient vers moi, déroulant dans ses longues mains pâles,
Un écrit que, cherchant des rimes, je parcours.

Mort! Mon sonnet sera comme un vase sans anses,
Si je ne peux finir les tercets ! mais cela
T’importe peu – Bourgeoise! – et toujours tu avances!

Je sens ton souffle impur … – qui donc l’achèvera
Ce sonnet. Moi? dussè-je au milieu des souffrances
Le terminer avec mon dernier soupir … Ha!

Q15 – T20 – s sur s