Archives de catégorie : Mètre

Adieu! tout s’est enfui, le bal et la lumière, — 1836 (2)

Alfred Rousseau Un an de poésie

Caprice, I

Adieu! tout s’est enfui, le bal et la lumière,
Concerts et rêves d’or, prestige d’un moment!
O mon dieu, je suis seul, exauce ma prière,
Qu’un rêve me le montre encor en m’endormant!

De mes larmes en vain j’inonde ma paupière,
Ma vie est de souffrir, nul espoir ne m’attend:
Que suis-je pour l’aimer? mon âme toute entière
Ne vaut pas un regard qu’elle donne en riant?

Je suis jaloux de tous, car tous la trouvent belle:
Je n’avais de bonheur qu’à m’asseoir auprès d’elle,
Mais souvent sa parole est amère pour moi:

Femme, pourquoi presser ma couronne d’épine,
Porte ta douce main sur mon front qui s’incline,
Pour moi, le bal c’est toi!

Q8 – T15 – 2m (v.14: 6s)

J’aime à suivre en l’espace — 1835 (5)

Emile PehantSonnets

Impromptu

J’aime à suivre en l’espace
Le nuage empourpré,
Qui par un beau soir passe
Comme un ange égaré ;

Et qui bientôt s’efface,
Pâle et décoloré,
Sans laisser nulle trace
Dans le ciel azuré.

Ma muse est ce nuage;
Aujourd’hui son passage
Attire quelques yeux;

Mais dès demain peut-être
Qui pourra reconnaître
Sa place dans les cieux?

Q8 – T15 – 6s

En ce temps-là, dit la vieille chronique, — 1835 (3)

Julien TraversSonnets sur le Mont st Michel in Mémoires de la Société Royale Académique de Cherbourg

XIV

En ce temps-là, dit la vieille chronique,
Dont les récits, féconds en merveilleux,
Charment encor ma muse sympathique,
Comme ils charmaient nos crédules aïeux;

En ce temps-là, bien loin de l’Amérique,
La mer vomit un serpent monstrueux,
Dont la fureur, sur la plage hibernique,
Infestait l’air et de soufre et de feux.

De son oeil noir la prunelle sanglante
Dardait l’éclair, et nulle âme vivante
N’eût affronté ce rapide fléau,

Des glaives nus hérissaient ses écailles;
Chaque matin, ses profondes entrailles
De cent chrétiens devenaient le tombeau.

Q8 – T15 – déca

Mais sur le rocher énorme — 1835 (2)

Julien TraversSonnets sur le Mont st Michel in Mémoires de la Société Royale Académique de Cherbourg

X

Mais sur le rocher énorme
Se dresse un second rocher!
Du sommet qu’il rend difforme
Hâtons-nous de l’arracher.

Pour unir la plate-forme
Qu’embellira mon clocher,
Un pied sur la masse informe
Suffit pour le détacher;

Non le sentier des chansons,
Non la sandale des mères,
Non l’éperon triomphant,

Ni la soque de l’Ibère,
Ni la mule du Saint Père;
Mais le pied nu d’un enfant.

Q8 – xcd ccd – 7s

Or qu’abreuvé un jour d’amertume et de fiel, — 1834 (1)

Justin Maurice Pensées du ciel et de la solitude

Sonnet

Or qu’abreuvé un jour d’amertume et de fiel,
Je sentais du malheur la brulante auréole,
Je foulai sous mes pieds le luth qui me console
Et dis, comme un martyr criant contre le ciel:

Muse, adieu! Je te fuis: ton culte est trop frivole.
Le prêtre consacré doit vivre de l’autel.
Toi, tu n’est pas un dieu, mais une vaine idole;
Le souffle de ta flamme est un souffle mortel.

Je vais porter ailleurs mes voeux, mes sacrifices;
Mon coeur va s’attacher à des lieux plus propices.
Avec raison l’on dit que ton culte se perd;

Pour tes plus saints enfants tu n’est qu’une marâtre:
Adieu! Je ne veux plus du sort de Malfilâtre,
Ni les derniers jours de Gilbert.

Q17 – T15 – 2m : (v.14: octo) – Le dernier vers est un octosyllabe, violant la règle (purement empirique) d’unicité métrique. Si la notion de ‘sonnet régulier’ avait un sens constituable, il faudrait l’inclure dans la définition.

Modèle d’amitié pour un sujet perfide, — 1828 (1)

Casimir Delavigne
La princesse Aurélie

Acte I, sc III: Alphonse, amoureux de la princesse: « J’écrivais … Malheureux! à qui pensais-je écrire?  / A ma verve amoureuse alors rien ne coûtait; / Mon inspiration jusqu’aux vers se montait: / Oui, j’ai jusqu’aux sonnets poussé la frénésie! / Quelle flamme éloquente et quelle poésie! / Allez, si du public un beau jour ils sont lus, / De Laure et de Pétrarque on ne parlera plus. /

Acte II, Scène I

Vers composés à Nola, sur le tombeau d’Auguste

Béatrix, lisant
Modèle d’amitié pour un sujet perfide,
Sans pitié pour l’amour, ton coeur, qui pardonna
Le crime avéré de Cinna,
Punit les torts secrets d’Ovide.

Aurélie Je veux voir l’écriture
(elle lit)

Amant d’une princesse, il trahit son devoir;

Une si douce erreur est-elle si coupable?
Sans y prétendre on est aimable,
Et l’on aime sans le vouloir.

Béatrix C’est bien vrai

Aurélie
Loin, bien loin du beau ciel dont l’azur nous éclaire,
Il meurt, mais il avait su plaire,
Et l’amour dut le regretter.
Sur ce froid monument, où mon exil m’enchaîne,
Je consens à subir sa peine,
Mais je voudrais la mériter.

Q63 – T15 – 2m : octo:v.3,4,7,8;10,11,13,14

Du haut des cieux, un soir, je vis descendre — 1827 (3)

M.J. in L’hommage aux demoiselles

Imitation de l’italien de Pétrarque
Du haut des cieux, un soir, je vis descendre
Un ange ailé d’un aspect féminin,
Aux blonds cheveux, au regard doux et tendre,
Aux pieds légers, au sourire divin !
Seul, étonné, craignant de me méprendre,
A pas pressés je suivois mon chemin,
Lorsqu’il m’appelle, en me tendant la main.
J’approche … un lacs d’une invisible soie
Fixe mes pieds … et je deviens sa proie.
Depuis ce jour ….combien de maux soufferts !
Mon œil troublé voit partout son image,
J’aime, …. je crains, …. j’espère, …. et perds courage ;
Impatient, fatigué de mes fers,
Je veux quitter la beauté que je sers,
Et ne peux fuir un aussi doux servage.

15 v .-déca   sns  rvf

Le doux printemps a rajeuni Cybèle; — 1819 (5)

François de La Pommeraye
Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

Le doux printemps a rajeuni Cybèle;
Déjà sa robe est couverte de fleurs;
Déjà Progné se plaint, et Philomèle
Vient raconter la cause de ses pleurs;

Le ciel sourit, la nature est plus belle;
L’amour, de joie enivre tous les coeurs;
Et, répandant une flâme nouvelle,
Vénus convie à ses tendres fureurs.

Moi, cependant, moi seul dans la nature,
Toujours en proie au tourment que j’endure,
Toujours songeant à celle que je perds,

Je ne vois plus les fleurs ni la verdure;
Je n’entends plus le ruisseau qui murmure;
Les plus beaux lieux sont pour moi des déserts.

Q8 – T6 – déca

Je vous ai vue, et votre douce image — 1819 (3)

François de La Pommeraye Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

A Madame Adèle T.

Je vous ai vue, et votre douce image
S’est emparée aussitôt de mon coeur;
Je vous ai vue, et votre doux langage
M’a fait rêver aussitôt de bonheur!

Rêve charmant, ne sois pas une erreur!
Fils de Vénus, achève ton ouvrage!
Fais partager une si vive ardeur,
Et je te jure un éternel hommage!

Naguère ainsi je présentois mes voeux
Au jeune Dieu qu’on adore à Cythère;
L’enfant malin sourit de ma prière,

Et dit: veux-tu communiquer tes feux;
Sache qu’aimer n’est rien sans l’art de plaire.
Voilà, voilà le secret d’être heureux!

Q11 – T28 – déca