Archives de catégorie : Ornements

« Qi vit ici?  » Cris d’ibis vifs. — 1970 (3)

Adolphe Haberer a e i / y o u (ed.1993, chez l’auteur)

i / y

« Qi vit ici?  » Cris d’ibis vifs.
« Qi vit?  » Lys, iris gris, vit-il?
Cris (bis) vils; six pics incisifs.
 » S’il y vit, fils d’Isis viril?

Si vit Lilith?  » Il vit nid d’if,
N’y prit d’instinct l’incivil lit,
Ni inscrivit l’infini pli.
(Ci-gît l’incipit instinctif)

Styx-sis, ni lin, ni riz, ni vin;
Lys, iris, inscrits, six, dix, vingt,
Prix d’incisifs pics. (VIDI, VI-

CI) –  » Qi rit ici?  » Ni d’isis
Fils viril, ni Lilith, l’ibis
Rit l’infini. « Ici, qui vit? »

Q33 – T15 – y=x: d=b’ – octo

Monovocalisme en ‘i’.

Note liminaire de l’auteur (1993): « Cette suite de sonnets fut composée en 1970. Le premier, le sonnet en « e », fut écrit comme un défi lancé à Georges Perec qui venait de publier La disparition. Le défi fut si bien relevé que Perec publia en 1972 Les revenentes, dans lequel figure, à la page 86,  » ces vers vrément cherments  » que je lui avais dédiés. Les autres furent écrits à Oxford.

J’ai adopté l’une des règles de Perec, qui fait que « Qu » s’écrit « Q ». « 

Avec ces mots choisis, ces points de suspension — 1969 (10)

Thiéri Foulc Vingt écrits

L’aigrefin

Avec ces mots choisis, ces points de suspension
Qui ne signifient rien peut-être, ou pas grand chose,
Mais qu’en industrieux plein de ruse il dispose
Pour feindre de poser des interrogations,

Il joue à extirper des abominations
Qui aient l’air de saigner au cœur papier des roses
Et à clamer des whâââh qui sonnent grandi-oses
Mais sont bulles de l’âme et de l’élocution.

Sa machine à écrire est l’outil qui perpètre
Ses voltiges dorées dans les tringles de l’être
Avec complicité des jolis circonflexes.

Mais il se peut qu’un jour une tringle se casse …
« Retour-arrière ! x,x ! » il en périra presque,
Empêtré qu’il sera dans ses lignes – vraie nasse !

Q15  T20  Les titres des 20 sonnets de la plaquette sont des variations sur le titre général : ça vous fait mal que j’écrive, hein ?Le nègre vintLe vin aigre ….

C’est donc au tout-profond que (points de suspension) — 1969 (8)

Thiéri Foulc Vingt écrits

L’écrit vain

C’est donc au tout-profond que (points de suspension)
Il y a (point, point,point) peut-être quelques chose,
Mais je ne sais (point, point, ouvrez la parenthèse)
(Ou bien(deux points) : ne veux ? (point d’interrogation)

Ou extirper crûment l’a(vraie)bomination,
Faire gicler le sang dans le cœur de ma rose,
Dire (point, point, pâté, tache) ce que nul n’ose,
Caillou au fond de l’âme & de l’élocution.

Ô machine à taper, accents, chiffres & lettres,
Râclage du chariot dans les tringles de l’être,
Encre qui dérubanne un vol de circonflexes,

Pages, lignes lancées (espace,espace, espace)
Retour arrière, x, x, : méditation perplexe :
Papier, tout est papier (point, point, point) quoi qu’on fasse.

Q45  T14

Un corps noir tranchant un flamant au vol bas — 1969 (5)

Georges PerecLa disparition

d’un compagnon d’Oulipo

La disparition

Un corps noir tranchant un flamant au vol bas
un bruit fuit au sol (qu’avant son parcours lourd
dorait un son crissant au grain d’air) il court
portant son sang plus loin son charbon qui bat

Si nul n’allait briller sur lui pas à pas
dur cil aujour’d’hui plomb au fil du bras gourd
Si tombait nu grillon dans l’hors vu au sourd
mouvant bâillon du gris hasard sans compas

l’alpha signal inconstant du vrai diffus
qui saurait (saisissant (un doux soir confus
ainsi on croit voir un pont à son galop)

un non qu’à ton stylo tu donnas brûlant)
qu’ici on dit (par un trait manquant plus clos)
l’art toujours su du chant-combat (noir pour blanc)

Q15 – T14 – 11 s – Lipogramme en ‘e’

Amants brûlants d’amour, savants aux pouls glaciaux — 1969 (4)

Georges PerecLa disparition

Nos chats

Amants brûlants d’amour, savants aux pouls glaciaux
Nous aimons tout autant dans nos saisons du jour
Nos chats puissants mais doux, honorant nos tropots
Qui, sans nous, ont trop froid, nonobstant nos amours.

Ami du Gai Savoir, ami du doux plaisir
Un chat va sans un bruit dans un coin tout obscur
Oh Styx, tu l’aurais pris pour ton poulain futur
Si tu avais, Pluton, aux Sclavons pu l’offrir!

Il a, tout vacillant, la station d’un hautain
Mais grand Sphinx somnolant au fond du Sahara
Qui paraît s’assoupir dans un oubli sans fin;

Son dos frôlant produit un influx angora
Ainsi qu’un diamant pur, l’or surgit, scintillant
Dans son noir nictitant divin, puis triomphant.

Un fils adoptif du Commandant Aupick.

Q60 – T23 -lipogramme en ‘e’

A noir (un blanc), I roux, U safran, O azur : — 1969 (3)

Georges PerecLa disparition

Trois sonnets lipogrammatiques en ‘e’; les deux premiers des traductions en ‘français sans ‘e’.


Vocalisations

A noir (un blanc), I roux, U safran, O azur :
Nous saurons un jour dit ta vocalisation:
A, noir carcan poilu d’un scintillant morpion
Qui bombinait autour d’un nidoral impur,

Caps obscurs; qui cristal du brouillard ou du taud,
Harpons du fjord hautain, rois blancs, frissons d’anis?
I, carmins, sang vomi, riant ainsi qu’un lis
Dans la punition d’un courroux, d’un sanglot;

U, vibrations, ronds divins du flot marin,
Paix du pâtis tissu d’animaux, paix du fin
Sillon qu’un fol savoir aux grands fronts imprima;

O, finitif Clairon aux accords d’aiguisoir,
Soupirs ahurissant Nadir ou Nirvana;
– O l’omicron, rayon violin de son Voir

Arthur Rimbaud.

Q63 – T14 lipogramme en ‘e’

Le liège, le titane et le sel aujourd’hui — 1962 (4)

Raymond Queneau – in Jacques Bens – OU LI PO (1960-1963)


Poème isovocalique

Le liège, le titane et le sel aujourd’hui
Vont-ils nous repiquer avec un bout d’aine ivre
Ce mac pur outillé que tente sous le givre
Le cancanant gravier des coqs qui n’ont pas fui

Un singe d’ocre loi me soutient que c’est lui
Satirique puis qui sans versoir se délivre
Pour n’avoir pas planté la lésion où vivre
Quand du puéril pivert a retenti l’ennui

Tout ce porc tatouera cette grande agonie
Par l’escale intimée au poireau qui le nie
Mais non l’odeur du corps où le cuivre est pris

Grand pôle qu’à ce pieu son dur ébat  assigne
Il cintre, o cytise, un bonze droit de mépris
Que met parmi le style obnubilé le Cygne.

Q15 – T14  tr. de Mallarmé

Le vieux marin breton de tabac prit sa prise — 1961 (1)

Raymond QueneauCent mille milliards de poèmes


Le vieux marin breton de tabac prit sa prise
depuis que Lord Elgin négligea ses naseaux
sur l’antique bahut il choisit sa cerise
il chantait tout de même oui mais il chantait faux

On vous fait devenir une orde marchandise
les gauchos dans la plaine agitaient leurs drapeaux
nous regrettions un peu ce tas de marchandise
quand les grêlons fin mars mitraillent les bateaux

Devant la boue urbaine on retrousse sa cotte
aventures on eut qui s’y pique s’y frotte
lorsque Socrate mort passait pour un lutin

Cela considérant ô lecteur tu suffoques
tu me stupéfies plus que tous les ventriloques
la gémellité vraie accuse son destin

Q8 – T15

« Ce pont ne brille point par la grâce friponne — 1953 (3)

Luc EtienneTriptykhon


III – IMPORTANCE DES PONTS SUSPENDUS
Méditation du Maître de Forges devant un pont suspendu

« Ce pont ne brille point par la grâce friponne
Il est plus raide encor qu’un pied de tabouret
Qu’une verge d’évêque ou qu’un long minaret
Sa poignante laideur comme un dard nous harponne

Tout couvert d’un dépôt de suie et de carbone
Il n’a ni la blancheur aimable du furet
Ni la sombre grandeur du fatal couperet
Ni l’alerte gaieté d’un solo de trombone

Mais il est TOUT EN FER, ainsi que l’urinoir
L’obus, le goupillon, le sabre, ou l’entonnoir
Ou le busc du corset de la vieille bigote

Et c’est là l’important!  » d’un geste fourrageur
Le Roi du fer gaiement sort sous sa redingote
Un cigare trop gros pour être un voltigeur

Q15 – T14  bouts-rimés

Notes – I, 9 Cette périphrase modeste ne doit rien à l’abbé Delille
I, 11 il ne s’agit donc pas d’eau bénite
I, 12 La baguette du chef d’orchestre
III, 2 La crosse épiscopale: virga episcopalis .
III, 14 On sait que le cigare est, avec le gibus, l’attribut constant du magnat de l’industrie lourde.