Chrome d’un cerf cueille verre enfer planque hune taie te — 1989 (3)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Joseph Guglielmi


Sonnet foireux (d’après Arthur Rimbaud)

Chrome d’un cerf cueille verre enfer planque hune taie te
D’oeuf âme achève un brin frottement pomme à dé
(Diurne vie oeil baie noire et merde, lente herbette
Ave dédé fils site as et mâle rat vaut dais;
Pue l’alcool guerre a aigri l’aile are jeux homo pelote
Qu’ils aillent; l’aide aux cours courantes exquis heureux sort;
Plie le héron d’heures d’airain sang bleu peut rendre les soeurs
L’ogresse saoule happe eau par étang feux yeux plats eux;
Lèche une est en pore où j’ai le tout saint égoût
Hors rit bleu êtes rang je mens; ont renards queux sûres toux
Dais seins goule irritée kil faux boire Allah loup peuh…
L’air un port et démon gras vêt: G(laire a veut nus); (corps plus petit)
Haie tousse ocre or heureux mue étang sale art jeu croup
Bêle hic deux oeufs ment daim nul sert halle as nus.

r.exc – m.irr – traduction homophonique d’un sonnet de Rimbaud – sns

Fin de partie, fin de vers, fin de siècle, — 1989 (2)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Alin Anseeuw


Fin de partie: Trouvez Hortense!

Fin de partie, fin de vers, fin de siècle,
L’inspiration arrache au coeur du firmament
Une larme, c’est le sel de la vie, les amants
Et le poète assis nient la course des siècles,

Mange dans le miroir les reliefs du bonheur
La poésie que de tes larmes tu arroses
Dans les jambes d’Hortense a le goût d’une chose
Vaine, l’avant-printemps est un regard trompeur.

L’éternité est à la porte et le vent mord
Les corps qui ont pris froid, amour tu éparpilles
En poussant de mon vit ce qui tombe par mille

J’ai au bout de ma course un coeur qui s’essouffle et
Je traîne avec mes vers un cadavre enchaîné
Hortense est dans mon rêve une main qu’on dévore.

Q63 – T35

Ce fut un bref éclaboussement d’écritures — 1989 (1)

Robert MarteauCe que Corneille crie – trente sonnets –

samedi 3 septembre

Ce fut un bref éclaboussement d’écritures
Sonores, comme si, connaissant le secret,
Nous pouvions déchiffrer le message animal.
Aux cris, formes et couleurs sont associées
Pour que nous voyions par les sons ce qu’elle crée
La corneille experte à en découdre comme
Une aide-courrière au bord des bois avec
Ses ciseaux. La continuité qu’elle voit
De l’érable à l’eau contient toutes les volutes
De son vol. C’est pourquoi on l’entend qui célèbre
L’inconditionnel contrairement à nous
Entre deux poids et deux mesures à peser
Notre destin. Il n’est d’aube où elle ne témoigne
Haut et clair; clairvoyante, alerte sur ses ailes.

bl – 12s – sns

Qu’à son plaisir mon œil te considère — 1988 (7)

Bernard Manciet (trad) André du Pré Sonnets gascons

X

Qu’à son plaisir mon œil te considère
Il fait de toi toute sorte de fleur
La fraîche rose en sa belle couleur
C’est ton menton, ton col, ta main légère

Qu’avec des lis candides il tempère.
Sur ton front naît le souci de pudeur
Dedans tes yeux violette se meurt
Et giroflée aux lèvres fait enchère.

De fleurs sont faits et la joue et le nez.
Oreille et sein carmin vous soutenez.
Mais ce doux voir est tout ce qu’on me laisse.

Et tout ainsi qu’au ciel, quand serai mort
Dieu regarder sera mon réconfort
Sur cette terre est te voir ma liesse.

Q15 T15 tr

Même quand le silence aura bu mon passage — 1988 (6)

Michel Vaillant in Dictionnaire de poétique et rhétorique (4ème ed.)


Couronne de sonnet : sonnet maître

Même quand le silence aura bu mon passage
Immolé sur la borne obscure du chemin,
Ce nom qui, sans écho, n’aurait plus rien d’humain,
Houle incertaine qui s’éloigne du rivage

Et que remportent les ténèbres sans partage,
Laisse qu’il chante encore au creux chaud de ta main,
Vaine, vaine rumeur de croire que Demain
A la conque fragile a livré son message.

Innombrable mensonge, un jour et puis un jour !
La terre s’épaissit et s’engraisse d’amour,
Le monde s’engloutit d’entasser la lumière.

Amer laurier l’espoir de penser que mes cris
Nocturnes retournés au repos de la pierre,
T’aideront à descendre au silence où je suis.

Q15  – T14  – banv – acrostiche

Je voudrais écrire un sonnet. — 1988 (5)

Pierre Gripari Marelles

Sonnet

Je voudrais écrire un sonnet.
– Un sonnet? Mon Dieu, c’est horrible!
– Mais non! Ce n’est pas si terrible!
Voici le premier quatrain fait!

Pour le second, j’avoue que c’est
Plus dur de taper dans la cible!
D’autant qu’il me faut, c’est visible,
Une nouvelle rime en « ê »!

Enfin voici les deux tercets,
Que je peux bâtir, s’il me plaît,
En utilisant d’autres rimes …

Encore un vers à vue de nez,
Puis un tout dernier coup de lime,
Et le poème est terminé!

Q15 – T7 – y=x : c=a – octo – s sur s

Les Alpes me séparent de l’Italie. — 1988 (4)

Pierre Gripari Marelles


Frontières naturelles

Les Alpes me séparent de l’Italie.
Le Rhin me sépare de l’Allemagne.
Les Pyrénées me séparent de l’Espagne.
La Seine sépare Pa de Ris.

Un monde me sépare de toi.
Le mur me sépare du dehors.
La vie me sépare de la mort.
Longtemps me sépare d’autrefois.

Le fleuve me sépare de l’autre rive.
Pauvreté me sépare d’un beau livre.
Le peur me sépare de tout.

Un geste me sépare du désastre.
Le silence me sépare des fous.
Le vide me sépare des astres.

Q63 – T14  m.irr.

Cinq fois la corneille a coassé au-dessus — 1988 (3)

Robert Marteau Liturgie (1992)

(Saint-Laurent-du-Fleuve, samedi 3 septembre)

Cinq fois la corneille a coassé au-dessus
De l’arbre mort, filant droit ensuite vers la
Polaire qui est tout au sommet de la hampe
De l’Ourse et pour nous en surplomb du peuplier.

Je ne l’ai pas vue: elle a franchi l’entre-deux
Des arbres comme un harpon qui serait lancé
Sans qu’on sut la cible: un pan de nuit échoué
Au nord, un dernier autel fait d’os ciselé,

Le faîte d’un mat avec des figures peintes,
Encore le cuir où furent imprimés l’orbe
Et le centre. Oui, elle a crié cinq fois puis s’est

Tue ayant délivré au monde tel qu’il est
Le message qui lui fut confié à l’aube
Quand la nuit et le jour étaient en même temps.

bl – 12s – sns

Chaque seconde comme un jour — 1988 (2)

André Velter L’enfer et les fleurs

Deux sonnets
Pour Titi Parant

2
(le partage de nulle part)

Chaque seconde comme un  jour
chaque semaine un an
chaque vie un cri
chaque étreinte une éternité

la lumière  fait la roue
c’est un regard qui pivote
un poudroiement d’atomes et de planètes
où semer les traces

ici on dirait là-bas
l’extrême bout du dedans
l’éclair qui déborde la peau

même creusé en plein désert
un puits fomente un visage
chaque retour colorie l’âme du derviche

vL

Approches de l’ombre ou de l’autre — 1988 (1)

André Velter L’enfer et les fleurs

Deux sonnets
Pour Titi Parant

1
(l’heure immobile)

Approches de l’ombre ou de l’autre
parcours en frissons d’attente
dessins qui sont des caresses d’arc-en-ciel
le temps ce n’est rien

une ronde de chiffres pour dire
la même rencontre:
tu es là
notre rendez-vous nous exile

une goutte d’absolu dissout l’océan
je t’aime
horloges pour loger hors cadrans

horloges comme almagestes de deux corps
qui créent les chambres
du grand oeil

vL

par Jacques Roubaud