Archives de catégorie : sns

L’oiseau passera dans un poème formel — 1990 (1)

Alain AnseeuwL’ombre est en toute phrase, le soleil tout autant

L’oiseau passera dans un poème formel
Rien ne passe de l’intelligence des roses
Que les mots de guerre lasse en l’éveil des choses
Ou bien le drap froissé sur le pré immortel
Ici le paysage est partout dans l’été
La comète est tombée au jardin d’Adonis
Qu’une phrase interrompt le creux à l’agonie
Avance lentement sa voix dans la clarté
De l’encre Avant la fin du jour la neige ou l’eau
Auront éparpillé les ailes de l’oiseau
Sur la table qui saigne je mesure le coeur
Et les roses avec toi écrasées de bonheur.
Il faut mettre des mots sur le désir qui bouge
Et des comme et comment en tenant bien sa langue.

abbacddceffegg=sh* – m.irr – sns —

Tel qu’il existe, on croirait le monde incréé, — 1989 (6)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Robert Marteau

Tel qu’il existe, on croirait le monde incréé,
Irréel et là depuis toujours absent, hors
De notre portée en même temps qu’à nos mains
Proie offerte et métamorphique. On le croirait
Sans modèle et n’ayant pas de visée; à nous
Venu, déjà-là, d’un avenir qui nous verse
Au passé sans que nous puissions connaître si
Le présent s’inaugure au lieu qui nous convie
Source que nous avons convoitée aux confins
Non, mais ici: point imperceptible où l’oracle
Nous parle; temps où la bouche encore n’a pas
Puisé. Le dessein s’accomplit, mythologique,
A l’insu du stratège, et tout prédicat tombe
En désuétude à l’instant qu’il apparaît.

bl – 12s – sns

Chrome d’un cerf cueille verre enfer planque hune taie te — 1989 (3)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Joseph Guglielmi


Sonnet foireux (d’après Arthur Rimbaud)

Chrome d’un cerf cueille verre enfer planque hune taie te
D’oeuf âme achève un brin frottement pomme à dé
(Diurne vie oeil baie noire et merde, lente herbette
Ave dédé fils site as et mâle rat vaut dais;
Pue l’alcool guerre a aigri l’aile are jeux homo pelote
Qu’ils aillent; l’aide aux cours courantes exquis heureux sort;
Plie le héron d’heures d’airain sang bleu peut rendre les soeurs
L’ogresse saoule happe eau par étang feux yeux plats eux;
Lèche une est en pore où j’ai le tout saint égoût
Hors rit bleu êtes rang je mens; ont renards queux sûres toux
Dais seins goule irritée kil faux boire Allah loup peuh…
L’air un port et démon gras vêt: G(laire a veut nus); (corps plus petit)
Haie tousse ocre or heureux mue étang sale art jeu croup
Bêle hic deux oeufs ment daim nul sert halle as nus.

r.exc – m.irr – traduction homophonique d’un sonnet de Rimbaud – sns

Ce fut un bref éclaboussement d’écritures — 1989 (1)

Robert MarteauCe que Corneille crie – trente sonnets –

samedi 3 septembre

Ce fut un bref éclaboussement d’écritures
Sonores, comme si, connaissant le secret,
Nous pouvions déchiffrer le message animal.
Aux cris, formes et couleurs sont associées
Pour que nous voyions par les sons ce qu’elle crée
La corneille experte à en découdre comme
Une aide-courrière au bord des bois avec
Ses ciseaux. La continuité qu’elle voit
De l’érable à l’eau contient toutes les volutes
De son vol. C’est pourquoi on l’entend qui célèbre
L’inconditionnel contrairement à nous
Entre deux poids et deux mesures à peser
Notre destin. Il n’est d’aube où elle ne témoigne
Haut et clair; clairvoyante, alerte sur ses ailes.

bl – 12s – sns

Cinq fois la corneille a coassé au-dessus — 1988 (3)

Robert Marteau Liturgie (1992)

(Saint-Laurent-du-Fleuve, samedi 3 septembre)

Cinq fois la corneille a coassé au-dessus
De l’arbre mort, filant droit ensuite vers la
Polaire qui est tout au sommet de la hampe
De l’Ourse et pour nous en surplomb du peuplier.

Je ne l’ai pas vue: elle a franchi l’entre-deux
Des arbres comme un harpon qui serait lancé
Sans qu’on sut la cible: un pan de nuit échoué
Au nord, un dernier autel fait d’os ciselé,

Le faîte d’un mat avec des figures peintes,
Encore le cuir où furent imprimés l’orbe
Et le centre. Oui, elle a crié cinq fois puis s’est

Tue ayant délivré au monde tel qu’il est
Le message qui lui fut confié à l’aube
Quand la nuit et le jour étaient en même temps.

bl – 12s – sns

Un rectangle de ciel avec l’angle d’un toit — 1987 (8)

Robert Marteau Liturgie(1992)


(Trouville, mai)

Un rectangle de ciel avec l’angle d’un toit
S’inscrit dans la croisé où l’aile des mouettes
Glisse et dans la vitre en même temps se reflète,
Faisant que chaque oiseau forme une double croix
Volatile qui disparaît sans que l’oeil sache
Où à cause des persiennes dont le bois
En échelle ajusté, à gauche, à droite, cache
L’espace devenu perte, ainsi nous arrache
Tout ce qui traverse en mouvement bref l’étroit
Sas transparent que la fenêtre nous ménage
Haut, à la mi-hauteur d’un morceau de quadrant
Courbe, turquoise et bleu, parfois qui s’ennuage
De laine légère et flottante s’encadrant
Dans les carreaux où le goéland passe et nage.

bl avec quelques rimes – 12s – sns

Je suis comme le riche dont la précieuse clé — 1985 (2)

Frédéric Langer Shakesperare sonnets

52

Je suis comme le riche dont la précieuse clé
conduit au cher trésor bien caché,
trésor qu’il se retient de sans cesse contempler
pour ne pas émousser la fine pointe du plaisir.
C’est pourquoi les fêtes sont solennelles et rares:
lentes à revenir tout au long de l’année,
comme des pierres de valeur elles sont clairsemées,
ou comme les gros diamants dans le collier précieux.
Le Temps qui te cache à ma vue est comme ma cassette,
comme la garde-robe qui tient serré l’habit
pour donner plus d’éclat à l’instant éclatant
où se dévoile l’objet secret de sa fierté.
Béni sois-tu dont les faveurs donnent lieu
si on les a, au triomphe, si on est privé, à l’espoir.

vL – sns – tr  disposition shakespearienne

Je suis ce riche à qui le rite d’une clé — 1945 (2)

Shakespearesonnets trad André Prudhommeaux

52

Je suis ce riche à qui le rite d’une clé
Peut ouvrir un trésor plus cher que ses yeux mêmes:
Il se cache souvent l’éclat des diadèmes
Gardant aigu l’acier d’un plaisir constellé.
Ainsi le prix de toute joie est redoublé
Par son retour plus rare et par de longs carêmes,
Ainsi dans un écrin les joailliers parsèment
Plus distants les joyaux, feu soudain dévoilé.
Or le temps qui te garde est la châsse parfaite,
C’est l’armoire où repose une robe de fête
Aux seuls jours de l’honneur déployant ses plis fins.
Béni sois-tu trésor secret de l’alternance
Qui donne le triomphe aux instants les plus clairs,
Et répands sur la perte encore une espérance!

Q15 – T14 – banv – sns – tr (sh52)

Le lycé’ du Havre est un charmant édifice, — 1937 (3)

Raymond Queneau in Oeuvres poétiques

Le lycé’ du Havre est un charmant édifice,
on en fit en ‘quatorze un très bel hôpital;
ma première maitress’ – d’école – avait un fils
qu’elle fouettait bien fort: il pleurait, l’animal!
J’étais terrorisé à la vu’ de ces fesses
rougissant sous les coups savamment appliqués.
(Je joins à ce souv’nir, ceci de même espèce:
je surveillais ma mère allant aux cabinets.)
Et voici pourquoi, grand, j’eus quelque préférences:
il fallut convenir que c’était maladie,
je dus avoir recours aux progrès de la science
pour me débarrasser de certaines manies
(je n’dirai pas ici l’horreur de mes complexes;
j’réserve pour plus tard cette question complexe).

ababcdcdefefgg – = Q59  T23 – sns – disposition de rimes ‘shakespearienne’

A songer que l’état m’assigne — 1920 (8)

Aragon (sonnets non repris dans Feu de joie)

Satan, ses pompes et ses oeuvres

A songer que l’état m’assigne
Six francs, le prix d’une catin
Et le déjeuner du matin
Le noir registre je le signe:

Docteur, et ce nom qu’un destin
Favorable doit rendre insigne
Non sans quelque gaieté maligne
De mentir à ce bulletin.

Il n’est de titre que j’envie
garder ou l’une ou l’autre vie
comme en-tête pour mes papiers,

sinon celui que me confère
ce doux emploi de ne rien faire:
Médecin des Sapeurs-Pompiers.

Q16 – T15 – octo – sns