Archives de catégorie : T14 – ccd ede

Est-il rien de plus doux, rempli de plus de charme, — 1905 (4)

Dathan de Saint-CyrLes animaux

L’oiseau

Est-il rien de plus doux, rempli de plus de charme,
Que l’enfant du ciel bleu, le beau petit oiseau?
Pouvez-vous contempler, sans verser une larme,
Les petits piaillant au fond de leur berceau?

Voyez se balancer, sur le bord du ruisseau,
Construit avec tant d’art, ce nid d’herbe et de mousse,
Qu’agit mollement le vent dans le roseau,
Imprimant à l’arbuste une douce secousse.

Après avoir donné la becquée aux petits
Qu’il laisse plus dispos, endormis en leurs nids,
Il s’envole et s’arrête, en l’air qui le délasse.

Puis reprend vers le ciel son vol audacieux,
Volant agilement au gré du vent qui passe,
Il semble disparaître en l’azur bleu des cieux.

Q35 – T14

J’admire, en mes beaux projets d’art, — 1905 (3)

Léon Duvauchel Poésies

Le sonnet

J’admire, en mes beaux projets d’art,
Ce moule parfait de l’idée:
Coupe élégamment évidée
Dans laquelle buvait Ronsard.

Parfois, payé par le regard
D’un démon, peut-être Asmodée?
L’âme de désirs excédée
J’y brûlai l’encens et le nard.

Larmes, baisers, douleur ou joie,
Ceux qu’on rebute et ceux qu’on choie
Y versent le sang de leur cœur.

Qu’exige-t-il de qui l’inspire,
Et veut épuiser sa liqueur? ….
A peine le temps d’un sourire.

Q15 – T14 – banv – octo – s sur s

D’autres ont pour vous voir, vous aimer et sentir — 1905 (2)

Léon Deubel La lumière natale

La haine amoureuse

D’autres ont pour vous voir, vous aimer et sentir
Vos regards enchâsser en eux leurs diamants,
Puis, la fleur du blasphème à la lèvre, mourir
Loin de leur ciel et de leurs dieux, en vous nommant.

O source de blancheur que nul ne peut ternir,
D’autres ont habité leur rêve décevant
Et vous ont asservie à leur vaste désir
Comme un aigle asservit sa proie, en l’enlevant.

Moi, libre de vos liens déjà plus qu’à moitié,
Sans implorer de vous le pain de la pitié
Que l’on jette à celui dont l’âme vit sur terre,

Soucieux seulement de ne vous point chérir,
Je rentre dans ma haine ainsi qu’en un repaire
Pour y cuver le vin de votre souvenir.

Q8 – T14

Je porte en moi, parmi des clartés de vitrail, — 1904 (6)

Marie Dauguet Par l’amour

Dédicace

Je porte en moi, parmi des clartés de vitrail,
Des fleuves éclatés, des cités fulgurantes,
Des bouleaux d’argent pur, des prés de frais émail,
Des jardins constellés de lys et d’amaranthes.

Je nourris des dragons en de lointains bercails;
Mais rien ne transparaît du rêve qui me hante;
Je suis ce manuscrit fleuri d’obscures plantes
Qui recèle à l’abri de son double fermail,

Magique parchemin et dont la garde est vierge,
Que nul doigt n’effleura sous sa gaine de serge,
Des psaumes exaltés et d’amoureux cantiques.

A toi, j’offre aujourd’hui des cités, des chimères,
Le vitrail d’or liquide et le livre mystique
Où repose mon coeur comme en un reliquaire.

Q9 – T14

Faire un sonnet semble chose facile; — 1903 (6)

L.D. Bessières Mes trois sansonnets

Le sonnet

Faire un sonnet semble chose facile;
L’alexandrin et le versiculet
S’y prêtent, mais, fait ou non d’un seul jet,
Le réussir en tout est difficile.

Il n’y faut mettre un seul mot inutile,
Lui bien donner la couleur du sujet;
Qu’il soit mordant, amoureux, indiscret,
Extravagant, sérieux, ou futile.

Mais commencer, avant d’avoir rien fait,
Par composer le deuxième tercet;
S’il est bon, c’est la moitié de l’ouvrage.

Car là devra se porter tout l’effet,
Le coloris, la plus puissante image
Qui doit former la chute du sonnet.

Q15 – T14 – banv –   – s sur s  déca

Le soir est imprégné de nard et de santal. — 1903 (5)

Paule RiversdaleEchos et reflets

Sonnet vénitien

Le soir est imprégné de nard et de santal.
Lève sur moi tes yeux stagnants de Dogaresse,
Tes yeux que l’ennui vert des lagunes oppresse,
Las d’avoir contemplé la moire du canal.

Autour de toi s’affirme un silence automnal;
Le dangereux  parfum des bâtardes caresses
Ton front sans véhémence, ô fragile Maîtresse,
Dont le souffle ternit à peine le cristal.

Le roux vénitien des tes cheveux anime
La solitude où traîne un sanglot de victime.
Tragique, le couchant te prête son décor.

Tu portes le fardeau d’une antique infortune,
Quand tu fuis vers le sable où la Mer aux pieds d’or
Pleure sous le baiser stérile de la lune.

Q15 – T14 – banv

O mois tant célébré, décrit, peint et chanté — 1903 (3)

Jacques NormandLes visions sincères

Mai

O mois tant célébré, décrit, peint et chanté
En d’innombrables vers et d’innombrables proses,
Mois des baisers d’amour sur les lèvres mi-closes,
Je hais ton vain renom et ta vulgarité.

En toi tout est rancœur, tout est banalité,
Banals tes doux zéphyrs et banales tes roses,
Et sous ton nom banal, à mes rimes en oses ,
S’accouple la fadeur de mes rimes en .

Aussi, quand on te voit à travers les peintures
Et les refrains poncifs et les littératures,
Plus d’un, pareil à moi, se moque-t-il un peu …

Mais d’un premier rayon dès que tu nous effleures,
Nos regards attendris montent vers le ciel bleu …
Et les vieilles chansons nous semblent les meilleures!

Q15 – T14 – banv

Cheveux gaîment taillés et qu’un coup de vent fouette — 1902 (15)

– Jules Jouy in Léon de Bercy : Montmartre et ses chansons

Coquelin cadet

Cheveux gaîment taillés et qu’un coup de vent fouette
Nez en l’air, adorant la nue avec ferveur ;
Œil naïf, effaré, comiquement rêveur,
Qui semble suivre, au ciel, le vol d’une alouette.

Saluez, bons bourgeois ; c’est l’ami Pirouette :
Vif croquis d’un talent de fantasque saveur ;
Eau-forte d’un jet large, osé, dont le graveur
Sur le convenu plat culbute et pirouette.

Qu’il cisèle l’esprit, geigne le Hareng Saur,
Vive sa gaîté franche au juvénile essor !
Hilare comme un Fou, grave comme un problème,

Hanlon ganté de frais, ô clown en habit noir !
J’aime le rire anglais peint sur la face, blême
Comme une lune ovale au faîte d’un manoir.

Q15  T14 – banv –  La loi du rasoir d’Hanlon (William James ?) s’énonce ainsi :« Ne jamais attribuer à la malignité ce que la stupidité suffit à expliquer. »

Dans un désert d’Afrique, au milieu d’une flaque, — 1902 (8)

Leconte de Lisle in Oeuvres diverses

Zanzibar

Dans un désert d’Afrique, au milieu d’une flaque,
Deux makis accouplés ayant fait leur sommier
Zanzibar en naquit, d’un noir teinté de laque,
Et, sitôt né, grimpa le long d’un grand palmier.

Plus tard, maigre, étriqué sous un habit qui plaque,
Il roucoula des vers, en singeant le ramier;
Mais il ne recueillit pour bravos qu’une claque,
Qui le fit remonter à l’arbre coutumier.

Quand donc le mettra-t-on dans la noire cellule,
Où le ver blanc, moins laid qu’un vers de lui, pullule,
Quand y sèchera-t-il ainsi qu’un vieux citron?

Qu’il ait pu voir le jour, c’est l’éternel reproche
Que l’on doit adresser au céleste mitron
Qui, sans rien mettre au four, a fait cette brioche.

Q8 – T14  – Sonnet sur bouts rimés fournis par Louis Ratisbonne (Nouvelle Revue); un Leconte de Lisle peu connu

Vous demandez, madame, à ma plume un sonnet? — 1902 (7)

Jean Du Sandillat Près des grands bois

Vous voulez un sonnet?

Vous demandez, madame, à ma plume un sonnet?
Bien grand est son émoi, car je la sens qui tremble,
Mais si vous le voulez, nous le ferons ensemble;
Je saisis le crayon, vous tiendrez le carnet.

« Près de la rose, ainsi soupirait le genêt;
Le Ciel n’a pas créé de fleur qui te ressemble,
En ton sein de parfum à la beauté s’assemble…  »
Mais … vous froissez la page où ma main dessinait!

Ah! vous avez cru voir, sous les traits de la rose
Votre visage .. Eh bien, vous mentir, moi je n’ose,
Oui, du genêt j’avais revêtu le manteau!

Un sonnet, a-t-on dit, égale un long poème,
Ah! Madame, à nous deux nous l’eussions fait si beau!
Vous avez un sonnet… Et j’ai dit « Je vous aime! »

Q15 – T14 – banv – s sur s