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Imitations du célèbre ‘sonnet d’Arvers’

Mon âme à fonds secrets pleure le ministère — 1898 (8)

Jean Goudezki Hercule ou la vertu récompensée

Sonnets des revers

Mon âme à fonds secrets pleure le ministère
Le pouvoir éternel en un moment conçu.
Le mal n’est pas bien rare et je pourrais le taire,
Car si je fus ministre on n’en avait rien su.

Ainsi j’aurai passé, ministre inaperçu
Aussi triste qu’un ver et non moins solitaire,
Et je vais retourner à mes pommes de terre,
Ayant tout demandé et n’ayant rien reçu.

L’électeur, quoique Dieu l’ait fait naïf et tendre,
Va peut-être, à présent, m’oublier, sans entendre
Les appels au scrutin placés dessous ses pas.

A l’austère devoir correctement fidèle,
Le Président va dire en lisant la nouvelle:
« Quel était ce monsieur? » et ne comprendra pas …

Q10 – T15 – arv

Arvers en son chef d’oeuvre encombré de mystère — 1897 (13)

autre variation sur le sonnet d’Arvers

–       Raoul Ponchon

Arvers en son chef d’oeuvre encombré de mystère
Garde aussi le secret du sonnet mal conçu.
Si j’en parle, au surplus, c’est pour ne pas m’en taire,
Le tour en est galant, mais le métier non su.

Il aurait dû passer cent fois inaperçu,
Ce poème d’amour unique et solitaire !
Que diable, on en connaît de plus rares sur terre,
Enfin, de son sonnet donnons-lui le reçu.

Il murmure, il est vrai, d’une sorte assez tendre ;
Mais son auteur paraît précisément n’entendre
Rien au sonnet. la règle y cloche à chaque pas.

De plus, il n’est que la traduction fidèle
D’un sonnet d’Italie. Et c’est pour l’amour d’Elle
Qu’il le mit en français. Il ne se foulait pas …

Q10  T15

(arv) Ponchon n’est pas le premier à s’imaginer connaître les règles du sonnet. Il ne suit guère lui-même la recommandation de Boileau, répétant trois fois le mot ‘sonnet’ dans le sien.

Mon coeur a son secret, mon âme a son mystère — 1897 (12)

Louis AigoinNotice sur Félix Arvers et variations sur les rimes de son sonnet.

Le sonnet d’Arvers ‘à revers

Mon coeur a son secret, mon âme a son mystère
Un amour insensé subitement conçu
Plein de désir, d’espoir, je ne pouvais me taire;
Celle dont je suis fou, du premier jour l’a su.

Comment de l’être aimé passer inaperçu?
Comment à ses côtés se croire solitaire?
Pour moi, j’aurai goûté ce bonheur sur la terre,
Osant tout demander, d’avoir beaucoup reçu.

Dieu ne l’avait pas faite en vain jolie et tendre.
Elle a, dans son chemin, trouvé très doux d’entendre
Les aveux qu’un amant murmurait sur ses pas.

A l’austère devoir, j’en conviens, peu fidèle,
Elle saura, lisant ces vers tout remplis d’elle,
Le nom de cette femme, …. et ne le dira pas.

Q10 – T15 – arv

Mon cher, vous m’amusez quand vous faites mystère 1897 (11)

Louis AigoinNotice sur Félix Arvers et variations sur les rimes de son sonnet.

Réponse de la femme ‘fin de siècle’

Mon cher, vous m’amusez quand vous faites mystère
De votre immense amour en un moment conçu
Vous êtes bien naïf d’avoir voulu le taire:
Avant qu’il ne fût né, je crois que je l’ai su.

Pouviez-vous, m’adorant, passer inaperçu,
Et, vivant près de moi vous sentir solitaire?
De vous il dépendait d’être heureux sur la terre:
Il fallait demander et vous auriez reçu.

Apprenez qu’une femme au coeur épris et tendre
Souffre de suivre ainsi son chemin sans entendre
L’aveu qu’elle espérait trouver à chaque pas.

Forcément au devoir on reste, alas, fidèle!
– J’ai compris, vous voyez, ‘ces vers tout remplis d’elle »
C’est vous, mon pauvre ami, qui ne compreniez pas.

Q10 – T15 – arv

Ami, pourquoi nous dire, avec tant de mystère — 1897 (10)

Louis AigoinNotice sur Félix Arvers et variations sur les rimes de son sonnet.

Réponse de la femme ‘au devoir fidèle

Ami, pourquoi nous dire, avec tant de mystère
Que l’amour éternel en votre âme conçu
Est un mal sans espoir, un secret qu’il faut taire,
Et comment supposer qu’Elle n’en ait rien su?

Non, vous ne pouviez point passer inaperçu,
Et vous n’auriez pas dû vous croire solitaire
Parfois les plus aimés font leur temps sur la terre
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.

Pourtant Dieu mit en nous un coeur sensible et tendre.
Toutes, dans le chemin, nous trouvons doux d’entendre
Le murmure d’amour élévé sur nos pas.

Celle qui veut rester à son devoir fidèle
S’est émue en lisant vos vers tout rempli d’elle:
Elle avait bien compris …. et ne le disait pas.

Q10 – T15 – arv

incise 1885 (2)

in Souvenirs d’un vieux libraire

Une soirée chez Mécène

Le sonnet d’Arvers ! oui ! non ! si ! non ! On réclame le sonnet d’Arvers que récitera tout à l’heure sir Benjamin Macfer [Arthur O’Shaugnessy], un poète irlandais, à qui le Paris littéraire doit les  » Jours sans soleil  » [Songs before Sunrise]. Cet enfant de la verte Irlande a un culte particulier pour Arvers et des méchantes langues prétendent que c’est le seul auteur dont il ait lu les œuvres en entier ; pour les autres, il se contenterait de graver dans sa mémoire les titres de la couverture

Es-tu bien sûr, ami, qu’elle n’ait pu l’entendre ; — 1881 (16)

Cécile Coquerel (C.Ga y) Matin et soir

Réponse à Arvers

Es-tu bien sûr, ami, qu’elle n’ait pu l’entendre ;
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas ?
Une femme, crois-moi, sait toujours le comprendre
Ce langage muet qui se parle tout bas.

Si Dieu l’avait créée à la fois douce et tendre,
Elle a dû se livrer de douloureux combats,
Et tenir à deux mains son coeur pour le défendre
Contre un amour si vrai qu’il ne se trahit pas.

A l’austère devoir pieusement fidèle,
Sa vertu la plus haute était peut-être celle
De paraître insensible et distraite à ta voix.

Penses-tu seul avoir un secret dans ton âme ?
Il est sur cette terre, ami, plus d’une femme
Qui garde un front serein tout en traînant sa croix.

Q 8  T15 – arv

Cette réponse a été ensuite gravée par les soin de mademoiselle Casalonga qui l’a mis en musique

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère: — 1833 (1)

Félix ArversMes heures perdues

Sonnet imité de l’italien

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère:
Un amour éternel en un moment conçu.
Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.

Hélas! j’aurai passé près d’elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, & pourtant solitaire,
Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,
Elle ira son chemin, distraite, sans entendre
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas;

A l’austère devoir pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d’elle:
« Quelle est donc cette femme? » et ne comprendra pas.

Q10 – T15 – arv

Le fameux ‘sonnet d’Arvers’ commence ici sa carrière. Il a bien failli passer inaperçu, le pauvre. Personne ne le remarque à l’époque. Une bonne vingtaine d’années ont été nécessaires pour qu’il s’impose comme un des sonnets (et même poèmes) les plus souvent cités du dix-neuvième siècle (du vingtième finissant même: une recherche sur le net débusque d’innombrables références en un grand nombre de langues; la plupart n’étant dues, à vrai dire, qu’au fait de sa mise en chanson par Serge Gainsbourg).

Louis AigoinNotice sur Félix Arvers et variations sur les rimes de son sonnet, (1897), cite Banville (1878): ‘ce petit poème exquis, achevé, que citent toutes les Anthologies, qui est dans toutes les mémoires, qui pour vivre n’avait pas besoin de l’imprimerie, et qui a été appelé excellement, par un usage qui a prévalu: le Sonnet d’Arvers. « . Il évoque ensuite la question posée à l’époque de la redécouverte du sonnet. « On s’est demandé s’il était vraiment ‘imité de l’italien’ « . On n’a pas trouvé le modèle italien prétendu. Alors?  » Arvers a voulu, dans le milieu où était né le sonnet, dissimuler sa passion, écarter les soupçons, et éviter de compromettre une jeune femme récemment mariée. C’était mettre le comble à une délicatesse de sentiment dont le sonnet lui-même est la preuve irrécusable.  » Une seconde question se pose:  » .. le point de savoir si le sonnet d’Arvers est l’expression d’un amour réellement ressenti. Mais le doute est-il possible? En le lisant n’entend-on pas s’exhaler la plainte de l’amant méconnu? N’entend-on pas un cri de douleur sortir de son coeur déchiré? Et c’est à ces accents si vrais qu’est dû tout le succès du petit poème ».

Il ne reste plus qu’à découvrir la femme.  » Les chercheurs ont prononcé deux noms: madame Victor Hugo, et Mademoiselle Marie Nodier; devenue madame Mennessier (auteur du sonnet 4 ci-dessous)… On est allé jusqu’à prétendre que le sonnet, signé d’Arvers, était sorti de la plume de Sainte-Beuve, le grand critique follement épris de la femme du grand poète. Nous pouvons affirmer qu’il s’agit de l’autre  » . (Monsieur Aigoin aurait eu des témoins).